Alors qu’on utilise une flèche allant des corps réagissants aux produits pour écrire une réaction totale (par downloadModeText.vue.download 21 sur 567
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 8
4024
exemple CH4 + 2 O2 1 CO2 + 2H2O), on fait usage, dans le cas d’un équilibre chimique, d’un ensemble de deux flèches opposées
(exemple CH3—CH2OH + CH3—
COOH CH3—COOC2H5 + H2O).
Les réactions limitées sont nom-
breuses et importantes. Citons :
la synthèse du gaz ammoniac
N2 + 3 H2 2 NH3 ;
celle du méthanol
CO + 2 H2 HCH2OH ;
celle du trioxyde de soufre
laquelle conduit à
la préparation de l’acide sulfurique ; les réactions de réduction des oxydes de fer par le monoxyde de carbone, qui sont à la base de la métallurgie du fer ; etc. Des réactions, totales lorsqu’on les effectue à température moyenne, deviennent limitées à des températures plus élevées. Telles sont la combustion de l’hydrogène dans l’oxygène et celle
de l’hydrogène dans le chlore, limitées à température élevée par la dissociation de H2O et de HCl. On peut même prétendre que les réactions dites « totales » sont en fait aussi des réactions limitées, mais pour lesquelles certains composants du mélange en équilibre sont en quantité trop faible pour pouvoir y être décelés.
Connaissance des
équilibres
Étant donné une réaction chimique, il est important de savoir : s’il existe des conditions dans lesquelles cette réaction est pratiquement limitée ; quelle est, dans le domaine où l’équilibre est observable, la composition du mélange à l’équilibre pour un mélange initial de composition donnée ; quels sont les facteurs dont la variation influe sur cette composition à l’équilibre ; dans quel sens s’exerce cette influence pour une variation donnée. L’expérience a permis de répondre de façon plus ou moins complète à ces diverses questions grâce à l’emploi de méthodes chimiques de dosage du mélange
en équilibre ou grâce à l’emploi de méthodes physiques. Les résultats du dosage chimique sont souvent incertains, du fait qu’il n’est généralement pas possible d’étudier le mélange dans les conditions mêmes où l’équilibre a été réalisé, ce qui oblige à figer avant dosage la composition par une trempe, dont l’efficacité n’est pas toujours suffisante. Les méthodes physiques sont plus sûres, parce qu’elles reposent sur la mesure d’une propriété physique (pression, densité, indice de réfraction, pouvoir rotatoire...), du mélange en équilibre, mesure qui peut être faite dans les conditions mêmes de l’équilibre et sans troubler celui-ci.
Il est cependant plus satisfaisant de disposer d’une théorie d’ensemble permettant, dans chaque cas particulier, à partir d’un petit nombre de données, une connaissance complète de l’équilibre. Cette théorie existe et constitue une belle application — faite d’abord par Josiah W. Gibbs (1875) — de la thermodynamique à la chimie. Elle conduit aux propositions fondamentales applicables à l’ensemble des équilibres et qui sont la règle des phases,
la loi d’action de masses, les lois du déplacement de l’équilibre.
Règle des phases
Due à Gibbs, elle permet de déterminer a priori la variance (v. phase) des équilibres d’un ensemble donné. Elle s’écrit v = c + 2 – φ, v étant la variance, φ le nombre des phases, c celui des composants indépendants, lui-même égal au nombre des corps purs, diminué du nombre de relations, d’ordre général ou particulier, que l’existence de l’équilibre impose à l’intérieur de l’ensemble considéré. Dans le cas le moins restrictif, l’existence de l’équilibre impose une relation (la loi d’action de masses pour cet équilibre).
Mais d’autres relations particulières peuvent provenir de la façon dont, par exemple, on s’impose la constitution du mélange initial ; ainsi, pour l’équilibre où le mélange
initial est obtenu en faisant brûler du soufre dans un excès d’air, de composition O2 + 4 N2, et où les gaz sont supposés parfaits, il y a une phase, quatre corps purs présents à l’équilibre, une relation d’ordre général due à l’équilibre ; de plus, la façon dont le mélange initial de SO2, O2, N2 est constitué entraîne qu’à l’équilibre on doit avoir, quel que soit l’excès d’air initial, la relation entre
les pressions partielles ; cette relation, qui exprime en grandeurs d’équilibre la constante de la composition de l’air, ramène à 2 le nombre des composants indépendants ; par suite v = 3
pour l’ensemble proposé ; c’est dire que l’opérateur peut imposer la température, la pression et une des pressions partielles à l’équilibre ou, ce qui revient au même, l’excès d’air passant sur le soufre.
Loi d’action de masses
Elle a d’abord été établie par C. Guldberg et P. Waage (1864) pour des cas très particuliers d’équilibre monophasé (l’équilibre d’estérification-hydrolyse en est un), d’équation
dans lesquels les réactions (1) et (2)
sont simples (v. cinétique chimique) et, par conséquent, les vitesses des réactions directe et inverse sont de la forme v1 = k1 [A]a . [B]b ..., v2 = k2 [A′]a′ . [B′]
b′
...,
où [A], [B]... sont les molarités, k1 et k2 les coefficients de vitesse, ceux-ci étant fonctions de la seule température.
L’équilibre est réalisé lorsque v1 = v2 ; d’où
Kc = k1/k2 étant fonction de la seule température. C’est l’expression de la loi d’action de masses ; Kc est la constante d’équilibre relative aux molarités.
Cette loi très importante est démontrée en thermodynamique, dans le cas où les corps réagissants et les produits forment un système de gaz parfaits ou une solution idéale. La démonstration fait appel à la notion d’affinité chimique. Cette notion, par laquelle on a d’abord caractérisé de façon vague la tendance mutuelle des corps à entrer en réaction, a reçu, grâce à la thermodynamique, une définition mathématique précise : un système fermé qui évolue par réaction chimique entre ses constituants est, du fait de la réaction, le siège d’une transformation irréversible ; on peut, cependant, supposer que les grandeurs d’état — pression p, température T, composition des phases —
restent, pour le système, déterminées à chaque instant. Le système passant d’un état à un état infiniment voisin, son entropie* éprouve une variation dS
qui est la somme de deux termes ; l’un, δSe, correspond à la chaleur δQe reçue du milieu extérieur à la température T
l’autre, δSir, correspond à une création d’entropie à l’intérieur du système et résultant de l’irréversibilité de l’évolution ; on a
De Donder (1922) a défini l’affinité chimique du système dans l’état
considéré par l’expression
où dξ est l’accroissement, entre les deux états infiniment voisins, du degré d’avancement ξ de la réaction ; si
l’équation de celle-ci est le degré d’avancement de la réaction à l’instant donné est défini par la valeur commune des rapports
(n1)0, etc., étant les nombres initiaux de moles des corps A1 ..., et n1 ... les nombres de moles de ces mêmes corps à l’instant considéré.
Un cas pratiquement très important est celui où l’évolution est à la fois isotherme et isobare (T et p constants) : dans chacun de ses états, le système peut être caractérisé par son enthalpie* libre (potentiel* thermodynamique à pression constante, fonction de Gibbs) G = H – T . S, H étant l’enthalpie et S l’entropie. D’un état à un autre infiniment voisin, on a, si T et p sont constants, dG = dH – TdS, avec dH = δQe ; d’où
On peut donc, dans les condi-
tions particulières imposées, écrire c’est-à-dire
(p, T constants) ; l’affinité chimique se trouve ainsi exprimée à l’aide d’une fonction caractéristique du système, elle-même calculable de diverses