J.-M. T. et F. T.
Épire
Province grecque qui, longtemps isolée, devint pour peu de temps, à l’époque hellénistique, un grand royaume.
L’Épire antique
L’Épire, au nord-ouest de la Grèce, est séparée de la Thessalie par la chaîne du Pinde, si difficile à franchir. Si elle touche vers le sud au golfe d’Ambracie (auj. Arta), elle est baignée à l’ouest par la mer Adriatique, et sa côte est des plus inhospitalières. La contrée resta ainsi très longtemps isolée du reste du monde grec, malgré certains efforts des Corinthiens pour s’installer dans la région (au VIIIe s. av. J.-C., ils avaient créé dans l’île de Corfou la colonie de Corcyre, qui devint très vite une puissante cité commerçante).
L’intérieur du pays est rude ; des ravins escarpés, des vallées profondes qu’il est souvent impossible de remonter, séparés par d’abrupts chaînons rocheux parallèles, le découpent. Y vivaient de solides montagnards, Molosses, Thes-protes, Chaoniens..., qui se groupaient en clans, en tribus souvent hostiles, sans connaître l’organisation des cités qui sont la marque de la civilisation grecque.
Un pays si particulier n’était pas sans charmes : les Grecs, qui en aperce-vaient de loin les sommets embrumés, en avaient fait un pays de légendes.
C’est au coeur même de l’Épire, à Dodone, que se trouvait l’oracle de Zeus (le premier sans doute des oracles panhelléniques), qui parlait en faisant bruire la ramure de chênes millénaires tandis que les selloi, prêtres aux pieds nus, interprétaient les prescriptions divines.
Les rois qui régirent si longtemps la contrée surent de même se draper des splendeurs de la légende épique. Néoptolème, dit Pyrrhos, le fils d’Achille, fut le premier à s’y installer, accompagné d’Andromaque, la veuve d’Hector, qui lui donna des fils, descendants d’Héraclès. Ce n’est pourtant que sous le règne de Tharypas, à la fin du Ve s.
av. J.-C., que les tribus de l’Épire furent véritablement groupées en un seul royaume, dont les rois n’étaient d’ailleurs guère puissants : leur gouvernement pouvait passer pour consti-
tutionnel, limité par des institutions qui garantissaient l’autonomie et les particularismes des diverses parties du peuple épirote ; ils surent pourtant jouer les chefs de guerre et unir leurs sujets dans de vastes expéditions qui leur assurèrent la réputation de valeu-reux soldats. On vint même d’Ita-
lie, à la fin du IVe s., pour s’assurer le concours d’Alexandre Ier le Molosse.
La puissance nouvelle que la mo-
narchie épirote sut acquérir à l’époque hellénistique tient peut-être à ce que, vers 357 av. J.-C., Philippe II de Ma-cédoine épousa une fille de la famille régnante, Olympias, qui devint en 356 la mère d’Alexandre le Grand, et l’Épire ne resta pas étrangère aux luttes des diadoques qui tentaient de s’approprier l’héritage de son empire.
La dynastie ancienne faillit y périr. En 317 av. J.-C., le roi Eacidas fut chassé de son royaume, et son fils Pyrrhos, âgé de deux ans, fut emmené par de fidèles serviteurs en Illyrie, où le roi Glaucias l’éleva jusqu’en 307, puis il fit un séjour à la cour de Démétrios Ier Poliorcète, qui l’initia aux finesses de la guerre moderne et l’emmena jusque sur le champ de bataille d’Ipsos, où se décida le sort de l’Asie (en 301).
Roi d’Épire de 295 à 272, Pyr-
rhos* II échoua dans son grand dessein de la conquête de l’Italie. Après sa mort, l’Épire devint (v. 233?) une fédération démocratique qui s’allia aux Romains, avant d’encourir leur colère pour avoir pris le parti du roi Persée dans la troisième guerre de Macédoine.
En 168, soixante-dix localités épirotes furent pillées, détruites, leurs habitants furent vendus en esclavage. L’Épire pouvait devenir province romaine.
J.-M. B.
L’Épire médiévale
Après la division de l’Empire romain à la mort de Théodose (395), l’Épire releva des empereurs d’Orient au
point de vue administratif, mais, pour le spirituel, continua de dépendre de Rome, et ce jusqu’en 750. Elle partagea, quoique à un degré moindre, toutes les tribulations dont souffrit la péninsule balkanique : invasions ger-
maniques au Ve s. et slavonnes du VIe au VIIIe s., razzias bulgares de Siméon et de Samuel aux IXe et Xe s., invasions normandes de Robert Guiscard le 1081
à 1085, de Bohémond Ier en 1107-08
et de Guillaume II le Bon en 1185-86.
Après l’entrée des croisés à Constantinople en 1204, beaucoup de notables byzantins se réfugièrent en Asie et en Grèce, cependant que d’autres cherchèrent fortune en aidant les croisés à conquérir les territoires de l’Empire : parmi ces derniers, Michel Ier Ange Doukas Comnène († 1215), fils du
sébastocrator Jean Doukas, qui se nit au service de Boniface Ier de Montfer-rat, roi de Thessalonique ; mais, frustré dans ses ambitions, il déserta en Épire, qu’il érigea en État indépendant (1204-1215).
Environné d’ennemis, il manoeu-
vra avec une rare diplomatie : il tint en échec Vénitiens et barons francs et parvint à élargir peu à peu l’aire de sa principauté. Après son assassinat, il fut remplacé par son demi-frère Théodore (1215-1230), dont tous les efforts visèrent à accaparer le royaume latin de Thessalonique, qui tomba entre ses mains en décembre 1224. Fort de ce succès et de la couronne impériale qu’il s’empressa de ceindre (1227-28), il ambitionna de s’emparer de Constantinople, mais son rêve s’évanouit à la bataille de Klokotnica (printemps 1230), où il fut battu et capturé par les Bulgares.
Il fut remplacé à Thessalonique par son frère Manuel (1230 - v. 1237), cependant que Michel II (v. 1231 - v.
1277), fils de Michel Ier, assoyait son autorité sur une vaste portion de la péninsule des Balkans, résistant obstinément aux souverains rivaux de Nicée, qui revendiquaient pour eux seuls les droits à l’héritage de l’Empire byzantin. Son espoir de les supplanter s’écroula avec l’avènement (1258) de Michel VIII Paléologue, qui s’empara de Constantinople en 1261. À la mort de Michel II, la principauté d’Épire fut divisée entre ses fils : Nicéphore obtint l’Épire et Jean la Thessalie. Le meurtre du dernier despote grec, Thomas, en 1318, auquel succédèrent les comtes de Céphalonie, Nicolas et Jean Orsini, fut suivi d’une période d’agita-
tion et de confusion qui dura environ un siècle, le pays étant tour à tour et parfois simultanément convoité par les Paléologues, les Angevins de Naples, downloadModeText.vue.download 5 sur 567
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 8
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les Serbes, les Albanais et des dynastes italiens. Un point final fut mis à cette division par les Turcs, priés d’intervenir en Épire par des membres rivaux de la famille des Tocco : Murat II enleva Ioánnina en 1430, et Arta tomba en 1449. L’Épire passa alors progressivement sous contrôle ottoman, à l’exception d’une bande côtière administrée par Venise.
P. G.
F Balkans / Byzantin (Empire) / Grèce / Ottoman (Empire).
P. Lévêque, Pyrrhos (De Boccard, 1957). /
D. M. Nicol, The Despotate of Epiros (Oxford, 1957). / E. Lepore, Ricerche sull’ antico Epiro, le origine storiche e gli interessi greci (Naples, 1962). / N. G. L. Hammond, Epirus (Oxford, 1967).
épistémologie
F SCIENCE.
Épîtres des
Apôtres
F TESTAMENT (Nouveau).
épopée
Long poème narratif.
Une définition plus détaillée ne
pourrait correspondre ni à l’epo-
poiia (de epos, « parole », et poiein,
« faire ») grecque, qui désignait en fait un poème écrit en hexamètres, quel qu’en fût le contenu, ni au sens large que l’on donne généralement à ce terme en français. Certains proposent d’identifier l’épopée avec une poésie orale héroïque, qui pourrait être créée, dit-on, seulement à l’« âge héroïque »