d’esclaves. Pour fonder une nouvelle colonie, la jeune femelle Polyergus réussit à s’introduire dans un nid de F. fusca, à en massacrer la reine et à se faire adopter par les ouvrières qu’elle a rendues orphelines.
Un comportement analogue s’établit entre la Fourmi rouge Formica sanguinea et la même Formica fusca, mais l’esclavagisme est ici facultatif, et la proportion d’asservies dans les colonies mixtes est moins élevée. D’autre part, les ouvrières sanguinea adoptent une tactique différente pour s’emparer de leur butin vivant : une partie d’entre elles s’introduit dans la fourmilière adverse et contraint les occupantes, affolées, à s’enfuir avec leur couvain ; les autres ont investi le nid et, occupant la sortie des pourchassées, arrachent leur pré-
cieux fardeau et le transportent chez elles.
Le même genre Formica réunit donc des espèces esclavagistes (sous-genre Raptiformica) et des espèces auxiliaires (sous-genre Serviformica).
Relations des Fourmis
avec les autres animaux
et avec l’Homme
Une foule d’alliés et d’ennemis vivent dans la mouvance des Fourmis, entretenant avec elles une variété de relations dont aucun autre groupe ne fournit d’exemples.
Les Fourmis sont les victimes de
nombreux prédateurs : les Lézards, certaines Araignées capturent les pourvoyeuses ; des Oiseaux consomment les Fourmis ailées lors de l’essaimage ; d’autres éventrent les fourmilières ; des Mammifères édentés exotiques, comme les Fourmiliers, y introduisent leur langue gluante et la ressortent couverte d’Insectes. Au fond de ses pièges en entonnoir, le Fourmi-Lion traque l’ouvrière imprudente qui y basculera.
Inversement, les Fourmis s’at-
taquent à des animaux parfois plus gros et apparemment mieux armés
qu’elles, mais qui succombent sous
leur multitude. Les Fourmis légion-downloadModeText.vue.download 553 sur 567
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 8
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naires sont justement redoutées pour leur voracité. Partout où ils coexistent, Fourmis et Termites se livrent des combats acharnés, dont les premières sortent habituellement vainqueurs : les Fourmis cadavres d’Afrique (leur nom vient de l’odeur épouvantable qu’elles dégagent) font des razzias destructrices dans les termitières.
Divers parasites atteignent les Fourmis : les uns externes, comme les Acariens, qui se fixent sur leurs téguments ; les autres internes, comme les Mermis, Nématodes qui déforment les ouvrières qui les hébergent.
Une faune très spécialisée vit dans les fourmilières, constituant ce monde très curieux des « Myrmécophiles ». Il s’agit généralement d’Insectes, parfois d’autres Arthropodes, qui se sont adaptés au microclimat favorable entretenu par les Fourmis. On a dénombré plus de 4 000 espèces d’Invertébrés ainsi inféodés aux fourmilières. Les uns sont de véritables prédateurs d’ouvrières et de couvain ; on les appelle synechtres ; ainsi le Staphylin Myrmedonia capture-t-il des ouvrières de Lasius fuliginosus à ses risques et périls, car les Fourmis le pourchassent. D’autres
— les « synoecètes » — sont tolérés, sans plus, par leurs hôtes ; ils se nourrissent de détritus, happent les liquides nutritifs lors des échanges trophallactiques entre Fourmis ou lèchent les ouvrières ; ils n’occasionnent que des dé-
gâts minimes ; on peut citer parmi eux des Staphylins, les larves de Clythra (Chrysomélide), le Grillon Murmeco-phila, le cloporte Platyarthrus. Enfin, les « symphiles » sont soignés par les Fourmis et transportés par elles en cas de changement de nid ; leurs sécrétions sont tellement recherchées par leurs hôtes que l’équilibre de la société s’en trouve compromis et que les ouvrières délaissent leur couvain pour choyer ces étrangers ; la plupart des symphiles sont des Coléoptères, en particulier des
Staphylins, comme Atameles, qui, au cours de son cycle, vit en association avec deux espèces de Fourmis, l’une quand il est adulte, l’autre durant sa vie larvaire. Notons que beaucoup d’Insectes myrmécophiles ont acquis une morphologie très voisine de celle des Fourmis qu’ils fréquentent : remarquable exemple de mimétisme.
Tout en admirant les merveilles de l’instinct que lui révèle le monde des Fourmis, l’Homme redoute les méfaits de ces bestioles qui pullulent : le pro-meneur assailli par les morsures aiguës des Fourmis rouges, la ménagère qui découvre ses réserves envahies par la Fourmi des pharaons s’accordent, pour juger ces êtres indésirables, avec les cultivateurs, qui voient les Pucerons malfaisants disséminés par la Fourmi d’Argentine, et avec les habitants des régions chaudes, soumis aux piqûres intolérables de la Fourmi de feu, aux raids des Fourmis légionnaires, aux ravages des cultures par les Atta. À
la décharge des Insectes, constatons d’abord que l’Homme est souvent,
sans l’avoir voulu, à l’origine de son malheur, soit en véhiculant loin de son pays d’origine l’une ou l’autre espèce, soit en multipliant les végétaux que recherchent aussi les Fourmis et leurs alliés. Et puis nous découvrons actuellement que nombre de formes jugées indifférentes sont en réalité éminemment utiles ; par exemple, les Fourmis rousses détruisent une grande quantité de chenilles et de larves de Diptères nuisibles aux arbres forestiers, à tel point que non seulement elles sont protégées dans plusieurs pays, mais encore on les importe dans des zones où elles manquent.
La première Fourmi connue date
du Crétacé ; depuis cent millions d’années, ces Hyménoptères se sont répandus et diversifiés, occupant dans le monde vivant actuel une place privilégiée, tant par le nombre d’individus qu’ils représentent que par leur rôle dans les équilibres biologiques.
M. D.
W. M. Wheeler, Ants, their Structure, Development and Behavior (New York, 1913 ; 3e éd., 1960). / A. Forel, le Monde social des Fourmis
du globe comparé à celui de l’Homme (Künding, Genève, 1921-1923 ; 5 vol.). / R. Ferchault de Réaumur, Histoire des Fourmis (extraits de Mémoires pour servir à l’histoire des Insectes, 1734-1742 ; 6 vol.) [Lechevalier, 1928]. / A. Raignier, Vie et moeurs des Fourmis (Payot, 1952).
/ F. Ramade, le Peuple des fourmis (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965). / F. Bernard, les Fourmis (Hymenoptera formicidoe) d’Europe occidentale et septentrionale (Masson, 1968).
/ R. Chauvin, le Monde des fourmis (Plon, 1969).
fourrages
Productions végétales herbacées pour l’alimentation du bétail.
Introduction
L’histoire des productions animales montre un effort permanent pour accroître la production animale par unité de surface végétale en accroissant à la fois la capacité de transformateur des animaux et la qualité des fourrages.
Les principaux utilisateurs des fourrages sont des mammifères ruminants (bovins, ovins, caprins) ou monogas-triques (équins). Leurs besoins alimentaires en qualité et en quantité varient dans l’année ; aussi y a-t-il nécessité d’une adaptation convergente de la production végétale et de la consommation animale.
La nature des fourrages produits
dépend tout à la fois du milieu (sols, climat) et des productions recherchées.
La production fourragère occupe
dans le monde une surface double de celle des cultures ; de plus, une fraction des forêts abrite des animaux domestiques, et des cultures sont utilisées comme fourrages. La forme
dominante est la formation végétale herbacée permanente, généralement qualifiée de prairie ; même en France, la surface toujours en herbe est quatre fois plus grande que celle des cultures fourragères et fournit deux fois plus de fourrage.