Pour remplir sa mission, le Conseil constitutionnel est assisté d’un secré-
taire général (nommé par le président de la République sur proposition du président du Conseil constitutionnel) disposant de services administratifs ; pour assurer le contentieux des élections des députés et des sénateurs, il fait appel à des rapporteurs choisis parmi les maîtres des requêtes au Conseil d’État et les conseillers réfé-
rendaires à la Cour des comptes ; en ce qui concerne la régularité des élections présidentielles et des référendums, il désigne sur place des délégués choisis parmi les magistrats judiciaires ou administratifs.
Les décisions et les avis du Conseil sont rendus par sept conseillers au moins, sauf cas de force majeure dû-
ment constatée au procès-verbal.
La réapparition de
certaines pratiques de
démocratie directe :
la procédure du
référendum
En France, l’adoption du système re-présentatif — que Montesquieu considérait comme le meilleur — avait eu pour effet d’exclure toute pratique de démocratie directe, bien que Rousseau ait affirmé : « Les députés du peuple ne sont et ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires.
Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle, ce n’est point une loi. » Cependant, la Révolution fit appel au référendum* pour l’approbation de la Constitution de l’an I (inappliquée) et de celle de l’an III (août 1795). Le procédé du référendum continua d’être employé pour la ratification des Constitutions consulaires et impériales ainsi que pour leurs révisions. La confusion entre la notion de référendum et de
« plébiscite* césarien » devait, pendant longtemps, détourner les hommes politiques français des pratiques de démocratie semi-directe.
Le fonctionnement de la IIIe République ayant provoqué, après sa disparition, une désaffection assez profonde pour le régime représentatif, il parut tout naturel aux parlementaires, qui, le 10 juillet 1940, avaient délégué leurs pouvoirs constituants (comme ils avaient si souvent auparavant délégué leurs pouvoirs législatifs), de décider que la nouvelle Constitution serait soumise, avant son application, à la ratification populaire (le maréchal Pétain, chef de l’État, a promulgué plusieurs actes constitutionnels provisoires non soumis à ratification, mais le texte constitutionnel prévu resta à l’état d’ébauche). La voie était ouverte pour que, le 21 octobre 1945, le gouvernement provisoire, qui s’était substitué au gouvernement de Vichy, consulte le peuple par voie de référendum en lui offrant le choix entre trois solutions : le retour pur et simple à la IIIe République, l’élection d’une Constituante
aux pouvoirs limités et l’élection d’une Constituante aux pouvoirs illimités. En outre, il était prévu — dans le cas d’un rejet de la IIIe République, rejet qui fut quasi unanime (17 957 868 « oui »
contre 670 672 « non ») — que le nouveau projet de Constitution serait soumis à la ratification populaire.
Pour la première fois dans l’histoire de France, le peuple repoussa en mai 1946 (10 584 359 « non » en face de 9 454 034 « oui » et de 20 p. 100
d’abstentions) un projet de Constitution qui lui était soumis. La Constitution, ratifiée par référendum en octobre 1946 (9 297 000 « oui » en face de 8 165 000 « non » et de 8 520 000 abstentions !), prévoyait le recours éventuel au référendum en matière de révision constitutionnelle lorsque les majorités obtenues étaient inférieures à certaines normes (ces dernières ayant été atteintes, la révision de décembre 1954 ne fut pas soumise au peuple). La fin de la IVe République — qui avait sans doute achevé de déconsidérer le régime représentatif — et le retour au pouvoir du général de Gaulle devaient s’accompagner d’un retour en faveur du référendum.
La loi constitutionnelle du 3 juin 1958, qui déléguait au gouvernement le pouvoir constituant, exigeait la ratification de la nouvelle Constitution par le peuple ; cette Constitution, qui a été ratifiée le 28 septembre suivant (17 668 790 « oui » contre 4 624 511
« non » et 15,06 p. 100 d’abstentions), permet l’emploi du référendum tout ensemble comme procédure de vote de la loi et comme moyen de révision constitutionnelle.
La révision de la
Constitution
Les deux procédures de
l’article 89
Aux termes de l’article 89, la procé-
dure normale de révision de la Constitution suppose l’approbation par voie de référendum d’un texte voté au préalable en termes identiques par les deux assemblées législatives. Toutefois, le président de la République peut, s’il le souhaite, substituer la procédure du Congrès à celle du référendum ; en
pareil cas, le projet de révision devient définitif s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés à ce Congrès (réunion commune des deux assemblées à Versailles sous la direction du bureau de l’Assemblée nationale). Les deux derniers alinéas de l’article 89 paraissent un peu formels : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire » ; par ailleurs, « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision » ; cette formule est plus large que celle de la révision d’août 1884, selon laquelle « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision ». Les révisions constitutionnelles sont plutôt rares (sous la IIIe République, elles ont porté sur des points de détail ; une seule révision a été effectuée sous la IVe ; trois ont eu lieu sous la Ve, dont une sur l’organisation de la Communauté, une sur la date des sessions, la troisième, portant sur l’élection au suffrage universel du pré-
sident de la République, réalisée selon la procédure, discutée, de l’article 11).
La révision selon l’article 11
L’interprétation de l’article 11 a fait l’objet de nombreuses controverses :
« Le président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d’un accord de Communauté ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. »
À première lecture, ce texte autorise le recours au référendum pour l’adoption de projets de loi ayant une importance particulière pour le pays. Le réfé-
rendum du 8 janvier 1961 (15 196 668
« oui » en face de 4 995 912 « non » et 23,51 p. 100 d’abstentions) a fait approuver un projet de loi relatif à l’organisation des pouvoirs publics en Algé-
rie en attendant l’autodétermination ; le référendum du 8 avril 1962 (17 505 473
« oui » en face de 1 794 553 « non » et de 24,42 p. 100 d’abstentions), portant approbation des accords d’Évian, peut être considéré comme entrant dans le cadre de l’article 11, ces accords étant plus ou moins assimilables à un traité international et mettant fin à la guerre d’Algérie par abandon d’une portion du territoire de la République (trois départements).
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 9
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En revanche, le référendum du
28 octobre 1962 (12 808 136 « oui »
en face de 7 932 453 « non » et de 23 p. 100 d’abstentions), portant sur l’élection du président de la République au suffrage universel et celui du 29 avril 1969 (10 515 655 « oui »
en face de 11 943 233 « non » et de 19,42 p. 100 d’abstentions), portant sur la régionalisation, la composition et le rôle du Sénat, impliquaient tous deux une révision de la Constitution ; ils ne pouvaient, de ce fait, être considérés comme normaux que si l’on admettait qu’il existe trois procédés de révision : d’abord les deux procédés prévus par l’article 89, puis un troisième procédé consistant à soumettre directement au peuple un projet de loi sans que les deux assemblées l’aient préalablement adopté. Certains publicistes acceptaient cette interprétation, mais beaucoup d’autres lui reprochaient de ne pas tenir compte du fait que l’article 11