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L’Angleterre seule

La soudaineté inattendue de l’effondrement français ne pouvait manquer de bouleverser les rapports franco-anglais. Malgré les assurances réitérées de Darlan, Churchill, dans sa crainte de voir les bâtiments français utilisés par l’Allemagne, n’hésite pas à attaquer, le 3 juillet, ceux de Mers el-Ké-

bir (où 1 300 marins trouvent la mort) et, le 8 juillet, le cuirassé Richelieu à Dakar, provoquant ainsi la rupture des relations diplomatiques entre Vichy et Londres. Ce manque de sang-froid s’explique par l’isolement subit de la downloadModeText.vue.download 563 sur 573

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 9

Grande-Bretagne, désormais seule en guerre contre une Allemagne qui apparaît invincible. Hitler, pourtant, espé-

rait encore amener son adversaire à composition, et, le 19 juillet, il lui fait au Reichstag une ostentatoire offre de paix. C’était compter sans la résolution de Churchill, Premier ministre depuis le 10 mai, et du peuple britannique, qui ont accueilli à Londres, ainsi promue capitale de la résistance au nazisme, les gouvernements tchèque, norvé-

gien, néerlandais, belge et polonais.

De Gaulle, qui a échoué dans sa tenta-

tive de ralliement de Dakar à la France libre (23 sept.), constitue également à Londres, le 27 octobre, un Conseil de défense de l’empire français.

C’est alors que commence la fa-

meuse bataille d’Angleterre, dont le succès eût sans doute consacré pour de longues années la victoire allemande.

Occupant toutes les côtes de Narvik à Hendaye, Hitler était dans une position exceptionnelle pour conquérir l’Angleterre. L’offensive aérienne déclenchée le 10 août par la Luftwaffe sur la Grande-Bretagne se heurta toutefois à une telle réaction de la Royal Air Force (v. aviation) qu’à la mi-octobre Hitler renonçait à l’opération et par là même au débarquement qui devait la suivre.

Pour les Anglais, la menace la plus immédiate se trouvait ainsi écartée.

Au cours de l’automne, sans renier de Gaulle ni le mouvement de la France libre. Churchill reprit secrètement contact avec Vichy. Les accords Chevalier-Halifax établirent un modus vivendi entre les deux pays : Pétain renonçait à reconquérir les territoires français ralliés à de Gaulle et renou-velait ses assurances sur la flotte, mais Churchill s’engageait à ne plus rien tenter contre les autres possessions françaises et à ne pas s’opposer aux relations maritimes entre celles-ci et la métropole.

L’effort de guerre britannique. En cette période dramatique, la chance de l’Angleterre est d’avoir eu à sa tête Winston Churchill, qui incarnera, durant ces six années, la résistance au nazisme. Excentrique, autoritaire, d’un courage indomptable, il est le chef incontesté de la stratégie comme de l’effort de guerre britannique, auquel le Commonwealth est directement associé (les Premiers ministres des dominions font partie du cabinet de guerre).

Dans l’immédiat, c’est de soldats que la Grande-Bretagne a le plus besoin. En dehors de ceux qu’elle a rembarqués à Dunkerque, Churchill ne dispose que de 30 000 à 40 000 hommes en Afrique.

Aussi l’apport des dominions, dont les armées sont en 1940 quasi inexistantes, sera-t-il essentiel. Malgré la tiédeur des Canadiens français, Mackenzie King parviendra à mobiliser au Canada tous

les hommes de 21 à 24 ans. L’Australie et la Nouvelle-Zélande fourniront 5

divisions, qui arriveront juste à temps en Égypte à la fin de 1940. L’Afrique du Sud est, elle aussi, en guerre sous la conduite de Smuts, mais il est entendu que ses troupes ne serviront pas hors d’Afrique. En Inde, les partis nationalistes (Congrès et Ligue musulmane) cherchent à monnayer leur appui

contre un statut de dominion. Le refus de Churchill freinera l’emploi de cet immense réservoir d’hommes. Huit divisions indiennes seront envoyées en Égypte à partir de février 1941, mais l’Angleterre devra laisser des troupes en Inde pour y maintenir l’ordre.

C’est évidemment à la Grande-Bretagne elle-même qu’il revient de fournir le plus gros effort. Plus mal pré-

parée encore que la France (en 1938, 7 p. 100 seulement de son revenu sont consacrés au réarmement), elle ne ré-

quisitionne sa flotte marchande qu’en janvier 1940, et, cinq mois plus tard, a encore un million de chômeurs. Un an après, 40 p. 100 de la population active (dont les femmes de 20 à 30 ans) étaient mobilisés dans l’armée ou l’industrie. La production monta aussitôt (626 chars par mois en 1941, 717

en 1942), mais plafonna rapidement (2 000 avions par mois contre 2 300

prévus en 1942). Les résultats atteints resteront considérables jusqu’à la fin de la guerre grâce à l’esprit civique des Anglais, à une inflation jugulée au prix d’une baisse du niveau de vie de 14 p. 100 par rapport à 1938 et d’un gros effort de justice sociale (le plan Beveridge de 1942 pour l’assurance nationale sera, après 1945, le modèle des systèmes de sécurité sociale).

L’aille américaine. Dès la fin de l’été de 1940, Roosevelt, en avance sur l’opinion publique américaine, oriente sa politique vers un appui de la Grande-Bretagne. Passés le 2 septembre de l’état de neutralité à celui de non-belligérance, les États-Unis prêtent 50 destroyers aux Anglais en échange de la location de leurs bases de Terre-Neuve, des Antilles et de Guyane. Le 16 septembre, ils adoptent le service militaire obligatoire, et la loi prêt-bail du 11 mars 1941 ouvre à l’Angleterre un crédit financier illimité et permet au président de disposer de la

production de guerre américaine.

La guerre en Afrique et au

Moyen-Orient

Après l’élimination militaire de la France, c’est en Libye* que se situe le seul front terrestre de la guerre. En septembre 1940, les forces italiennes

— 200 000 hommes aux ordres de

Graziani — attaquent la petite armée britannique d’Égypte (36 000 hommes commandés par Wavell). Après leur éphémère succès de Sidi-Barrani, les Italiens sont refoulés au-delà de Benghazi par une vigoureuse contre-attaque de Wavell (déc. 1940 - févr.

1941). C’est alors que Hitler, inquiet de la défaillance italienne, envoie en Libye Rommel* et deux Panzerdivisionen (Afrikakorps) qui, en avril 1941, reconquièrent la Cyrénaïque sauf Tobrouk, dont la garnison restera investie jusqu’au 27 novembre. Ce succès ne compensera pourtant pas la perte par les Italiens de leur empire d’Afrique orientale, totalement conquis par les Britanniques : le 10 avril 1941, ceux-ci occupent Addis-Abeba, où rentrera le Négus, tandis que le duc d’Aoste, vice-roi d’Éthiopie, devra capituler le 19 mai à Amba Alagi.

Au même moment éclate en Iraq un soulèvement dirigé contre la Grande-Bretagne par Rachīd ‘Alī. Pour

l’appuyer, le Führer exige de Vichy, au cours de son entrevue avec Darlan le 12 mai 1941, l’usage, pour la Luftwaffe, des aérodromes français du Levant. Mais les Anglais étouffent la révolte et, avec le concours d’un contingent des forces françaises libres du général Catroux, attaquent le 8 juin les troupes françaises de Syrie aux ordres du général Dentz, fidèle au maréchal Pétain. Celles-ci résisteront énergiquement durant un mois, puis cesseront le combat et négocieront avec les Britanniques à Saint-Jean-d’Acre un armistice et leur rapatriement en France (14 juill. 1941).

L’instauration du nouvel ordre

européen

Ayant les mains libres à l’ouest, Hitler peut entamer la construction de la nouvelle Europe destinée à remplacer l’édifice périmé de Versailles. Pour

accentuer l’isolement de l’Angleterre, il tente vainement d’entraîner dans la guerre l’Espagne de Franco. Mais le Caudillo, qu’il voit à Hendaye le 23 octobre 1940, fait la sourde oreille.

À son retour, le 24, Hitler rencontre Pé-

tain à Montoire, où est évoquée en pré-

sence de Laval la possibilité d’une collaboration entre la France de Vichy et le IIIe Reich. Cette entrevue n’apporte aucun changement au dur régime de l’occupation et notamment à la mise en coupe de la France grâce à l’indemnité de 400 millions par jour, qui permet au Reich d’« acheter l’économie fran-