(v. Italie [campagne d’]).
La Wehrmacht refoulée de la
Volga au Dniestr
Si, en 1943, les alliés anglo-saxons ont obtenu des résultats décisifs en Afrique et en Italie, ils n’y ont immobilisé qu’une très faible partie de la Wehrmacht. Les trois quarts du potentiel militaire allemand s’appliquent encore au front soviétique, où, au cours de la
même année, la victoire va aussi définitivement changer de camp. Au nord, la prise de Schlüsselburg par les Russes (12 janv.) dégage Leningrad ; celles de Viazma et de Rjev (mars) refoulent la Wehrmacht à 250 km de Moscou, mais c’est au sud qu’ont lieu les actions décisives. Au lendemain du désastre de Stalingrad* (févr. 1943), les Allemands, chassés du Caucase comme de la boucle du Don, doivent abandonner Rostov. Koursk et Kharkov (qui est reconquis en mars par Manstein).
Le 5 juillet 1943, l’échec de la double offensive blindée allemande (Manstein-Klugel) sur le saillant de Koursk signifie la perte désormais irréversible de l’initiative par la Wehrmacht sur le front oriental. Le 12, l’offensive soviétique de Rokossovski sur Orel est la première d’une série de coups de boutoir sur Kharkov, Briansk et Smolensk qui portent à la fin de septembre l’armée rouge sur le Dniepr : il sera largement franchi en novembre, malgré la réaction de Manstein à Jitomir. Refusant tout répit à Hitler, Staline déclenche dès le 18 décembre 1943 la campagne d’hiver : au nord, la Wehrmacht est refoulée de 200 km sur Narva et Pskov (janv. 1944) ; au sud, Vatoutine, Koniev, Malinovski et Tolboukhine portent leurs forces sur le Boug (févr.) et le Dniestr (mars), tandis que Joukov entre en Galicie polonaise, atteint Tchernovtsy et Kovel et menace Lvov. Le 15 avril, après la prise d’Odessa et de Ternopol, le front se stabilise : l’Ukraine est totalement libérée, les Russes sont à la porte des Balkans ; Sébastopol tombe le 9 mai ; seuls les pays baltes et la Russie blanche sont encore aux mains de la Wehrmacht.
L’U. R. S. S. et ses Alliés :
conférence de Téhéran
Sur le plan diplomatique, où elle connaît une intense activité, l’année 1943 est dominée par le problème du second front, que Staline, qui se refuse à considérer comme tel l’étroit champ de bataille italien, ne cesse de poser aux Alliés. De nombreuses réunions se tiennent à Washington en mars et en mai, à Québec en août, où Roosevelt, Churchill et Mackenzie King se concertent avec T. V. Soong, ministre
de Tchang Kaï-chek, sur la lutte contre le Japon. En octobre, pour dissiper la méfiance existant entre les Alliés et l’U. R. S. S., qui se soupçonnent mutuellement de prendre des contacts secrets avec Berlin, Cordell Hull, Eden et Molotov préparent à Moscou une rencontre des trois Grands, Roosevelt, Churchill et Staline. Après que les deux premiers ont conféré avec Tchang Kaï-chek au Caire, elle a lieu le 28 novembre 1943 à Téhéran. Il y est confirmé que le second front serait réalisé, non comme le souhaitait Churchill, dans les Balkans, mais en France.
Les trois conviennent publiquement qu’ils garantiront l’intégrité de l’Iran et secrètement que l’Allemagne serait démembrée et que les frontières de la Pologne seraient reportées à l’ouest jusqu’à l’Oder et à l’est jusqu’à la ligne Curzon. Staline promet d’attaquer le Japon dès que cela lui sera possible.
Les problèmes de l’après-guerre sont aussi évoqués, et les bases jetées d’une Organisation des Nations unies où le maintien de la paix relèvera essentiellement des trois Grands et de la Chine (leurs représentants se réuniront à Dumbarton Oaks d’août à octobre 1944). Seul contre Roosevelt et Staline, qui, comme lui, ont reconnu le Comité français de libération nationale le 26 août 1943, Churchill a affirmé sa volonté de voir la France se reconstituer après la guerre.
Le reflux japonais en Extrême-
Orient (1943-44)
De Guadalcanal à Leyte. Alors qu’en Afrique comme en U. R. S. S. la retraite des forces de l’Axe revêt un caractère spectaculaire, le renversement de la situation en Extrême-Orient connaît un rythme plus lent. L’immensité des distances, le caractère spécial des forces aéronavales et amphibies qu’il leur faut constituer exigent des Américains près d’un an après leur attaque de Guadalcanal (août 1942) pour qu’ils puissent développer à fond le poids de leur puissance offensive.
L’hiver de 1942 est dominé par la dure conquête de Guadalcanal, qui ne s’achève que le 8 février 1943, et par la défense victorieuse des Australiens en Nouvelle-Guinée, qui écarte
de leur pays la menace d’une invasion nippone. Les Aléoutiennes sont reconquises dans l’été 1943, mais c’est des bases de Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides que le commandement américain lance deux offensives décisives en direction des Philippines.
L’une, essentiellement aéronavale, sera conduite par l’amiral Nimitz* sur les îles Gilbert et Mariannes, l’autre, à dominante amphibie, sur la Nouvelle-Guinée et les Moluques, sera dirigée par le général MacArthur, commandant des forces alliées dans le sud-ouest du Pacifique. La campagne s’ouvre par une série d’actions limitées sur les îles Salomon (Bougainville) et Gilbert, de juin à décembre 1943. En 1944, Nimitz lance ses forces à l’assaut des Marshall (janv.), des Carolines (8 févr.) et des Mariannes, où la conquête de Saipan et de Guam (juin-août), à 2 300 km de Tōkyō, permet à l’U. S. Air Force de prendre sous ses feux la capitale nippone ; l’événement, durement ressenti au Japon, provoque la démission du cabinet Tōjō (18 juill.). En même temps, les divisions de MacArthur atteignent la côte nord-ouest de la Nouvelle-Guinée et débarquent aux Moluques (sept.). Finalement, les deux grandes offensives américaines convergent sur l’île de Leyte (Philippines), où la flotte japonaise subit, du 24 au 26 octobre 1944, un véritable désastre dont elle ne se relèvera pas.
Succès japonais en Chine, échec en Birmanie. Face à l’ampleur de l’offensive américaine, l’état-major japonais décide de consolider sa position en Chine. Depuis la conquête de la Birmanie en 1942, Tchang Kaï-chek, qui maintient 300 000 hommes dans le Shānxi (Chan-si) pour y surveiller les forces communistes de Mao Zedong (Maö Tso-tong), n’a d’autre contact avec ses alliés qu’une liaison aérienne par l’Inde. Si, en 1943, les Japonais ont échoué dans leur raid sur Chong-qing (Tch’ong-k’ing), ils lancent en mai 1944 une offensive sur la Chine du Sud pour ravitailler leurs forces de Birmanie et de Malaisie, avec lesquelles la liaison par mer est devenue trop pré-
caire. La prise de Changsha (Tch’ang-cha) au Hunan (Hou-nan) le 18 juin 1944 leur permet de relier Hankou (Han-k’eou) à Canton, d’éliminer les
bases aériennes américaines installées dans cette région et d’établir ainsi une grande ligne de communication terrestre de la Mandchourie au Tonkin et pratiquement jusqu’à Singapour.
En Birmanie, toutefois, l’action qu’ils tentent au printemps 1944 contre la voie ferrée indienne de Calcutta à Ledo se heurte à l’offensive des forces de l’amiral Mountbatten*, commandant suprême allié dans le Sud-Est asiatique. Parties de Ledo, les unités du général américain Stilwell font au cours de l’été 1944 près de Bhamo, en haute Birmanie, leur jonction avec les forces chinoises. La construction d’une route (dite « route Stilwell »), raccordée au secteur nord de la route de Birmanie, rétablit la liaison terrestre avec la Chine. Tandis que les Britanniques prennent Akyab (janv. 1945), Américains et Chinois, descendant l’Irrawaddy, chassent de Birmanie les Japonais, qui, pour garantir leur retraite, s’assureront par leur coup de force du 9 mars 1945 le contrôle total de l’Indochine* française. Le 3 mai, les Alliés entraient à Rangoon.