Prélude au second front
C’est en 1943, aux conférences de Washington (mai) et de Québec (août), que Roosevelt et Churchill décident que le débarquement en France serait réalisé en 1944 par deux opérations, l’une, principale (Overlord), prévue pour mai en Normandie, l’autre, secondaire (Anvil ou Dragoon), en Provence, 70 jours après. Ce programme, confirmé à Staline à Téhéran, débute par l’installation à Londres, à Noël 1943, du général Eisenhower, nommé commandant suprême des forces d’invasion en Europe. Sa mission, précisée le 12 février 1944, est de « pénétrer sur le continent [...], puis de viser le coeur de l’Allemagne [...] et la destruction de ses forces armées ». Le 11 janvier a commencé la préparation aérienne d’Overlord, destinée à détruire en profondeur tout le système de défense allemand. La victoire alliée dans la guerre sous-marine de l’Atlantique permet la concentration en Angleterre de 3,5 millions d’hommes (75 divisions) et de 20 millions de tonnes de matériel.
L’opération, qui mettra en jeu
4 500 navires et 13 000 avions, est d’une ampleur encore inconnue dans l’histoire. Elle s’appliquera à une downloadModeText.vue.download 568 sur 573
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 9
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Europe très éprouvée par l’occupation allemande, mais où les mouvements de Résistance* ont acquis partout une force importante, notamment en Yougoslavie, où Tito commande une véritable armée, et en France, où les maquis passent à l’action militaire (plateau des Glières, février 1944). Sur le plan politique, la certitude de la dé-
faite allemande rassemble les éléments les plus divers qui entendent participer à la libération de leur pays et à la construction d’une nouvelle Europe.
Leur action est cependant limitée par la brutalité de la répression allemande qui, orchestrée par Himmler, vise la liquidation physique des juifs et des résistants dans les sinistres camps de la mort. Elle s’exerce aussi par des actions « spéciales » de représailles destinées à répandre la terreur comme à Lidice (après l’assassinat de Heydrich à Prague en 1942), à Varsovie (où le ghetto est sauvagement détruit en avril 1943) ou à Oradour-sur-Glane (où plus de 600 Français seront massacrés le 10 juin 1944). Seul le besoin considérable de main-d’oeuvre, exigé par l’immense effort de guerre soutenu jusqu’au bout par le Reich, freine cette entreprise de destruction humaine. En Allemagne même, la population est durement éprouvée par les pertes de la Wehrmacht en Russie (2 millions d’hommes en 1943) et par les bombardements quasi quotidiens de l’aviation alliée sur Berlin, la Ruhr et les grandes villes (Hambourg).
Courageusement, certains hommes
tentent autour de Carl-Friedrich Goer-deler (1884-1945) de mettre fin au cauchemar en supprimant Hitler. Leur mouvement aboutira au putsch du
20 juillet 1944, dont l’échec déclenchera de cruelles représailles et placera le pays sous la dictature exclusive du parti nazi.
Libération de l’Europe
occidentale (juin 1944 -février 1945)
Le 6 juin 1944 à l’aube, les forces alliées débarquent en Normandie, où elles surprennent les défenses allemandes du mur de l’Atlantique, que commande Rommel sous l’autorité de Rundstedt. La bataille pour les plages est gagnée dès le 11. Du 14 au 30 juin, les Américains conquièrent le Cotentin. Le 31 juillet, ils rompent le front allemand à Avranches et exploitent aussitôt leur succès en fonçant sur Rennes et surtout vers Argentan et la Seine, atteinte le 19 août à Mantes (v. Normandie [bataille de]). Paris*, soulevé le 19 août, accueille les 24 et 25 la 2e D. B. du général Leclerc*. Harcelée par l’action de la Résistance (Bretagne, Vercors), la retraite de la Wehrmacht s’est partout précipitée. Les Britanniques de Montgomery*, entrés à
Amiens le 31 août, libèrent Bruxelles le 3 septembre et Anvers le 4. Le 15, les Américains de Bradley, qui ont dépassé Liège (le 8), Luxembourg (le 10) et franchi la Moselle au sud de Metz, libèrent Nancy. Le 12, ils ont pris liaison près de Châtillon-sur-Seine avec les forces franco-américaines (de Lattre* et Patch) débarquées en Provence* le 15 août et qui, après avoir pris Toulon le 27 et Marseille le 28, ont libéré Lyon dès le 3 septembre et Dijon le 11. Prenant place à l’aile droite des forces d’Eisenhower venant de Normandie, elles s’engagent en direction de l’Alsace.
À la fin de septembre, après l’échec de l’opération aéroportée d’Arnhem, les Alliés tiennent le Rhin inférieur, bordent la frontière allemande de Belgique et du Luxembourg et parviennent le 21 octobre à s’emparer d’Aix-la-Chapelle. Mais ils sont arrêtés en Alsace et en Lorraine, où se livrent de violents combats qui donneront Metz à Patton et Mulhouse à de Lattre le 20 novembre, Strasbourg le 23 à la 2e D. B. du général Leclerc. L’automne est marqué par le raidissement de la défense allemande. Hitler met encore sa confiance dans les armes nouvelles « V1 » et « V2 » qui pilonnent l’Angleterre, tandis que la Luftwaffe engage les premiers avions à réaction.
Le 16 décembre. Rundstedt lance dans
les Ardennes une puissante offensive de blindés qui, accompagnée d’une attaque entre Sarre et Rhin, menace gravement la cohésion du front allié.
Celle-ci n’est rétablie que le 16 janvier 1945 par deux contre-attaques au nord et au sud de la poche des Ardennes. Le 3 janvier, de Gaulle était intervenu au-près d’Eisenhower pour sauver Strasbourg, mais, après la liquidation par de Lattre de la poche de Colmar (9 févr.), l’Alsace est totalement libérée. À cette date, la Wehrmacht est partout refoulée sur la ligne Siegfried.
L’armée rouge aux portes de
l’Allemagne
En liaison avec le débarquement de Normandie, l’offensive soviétique d’été débouche le 23 juin 1944 en Russie blanche sur 300 km entre Vi-tebsk et Bobrouïsk. Après la bataille pour Minsk (3-11 juill.), les Russes pénètrent en Pologne, prennent Lublin le 24 juillet, Lwów (Lvov), Przemysl, Dvinsk (auj. Daougavpils) et Brest-Litovsk le 28. Le 30, ils atteignent à Mitau (auj. Ielgava) la frontière de Prusse-Orientale. Mais le front se stabilise en Pologne, et l’armée rouge, qui borde la Vistule, assiste sans intervenir à l’insurrection déclenchée à Varsovie le 1er août par le général Bór-Komorowski : elle se termine par les sanglantes représailles des Allemands après la capitulation de la ville (2 oct.).
Au nord, les Russes reconquièrent les pays baltes, et la Finlande demande et obtient le 19 septembre un armistice avec les Alliés.
Sur les fronts sud, Malinovski et Tolboukhine conquièrent la Roumanie, où le roi Michel Ier demande l’armistice (23 août) et déclare la guerre à l’Allemagne ; après un conflit d’un jour avec l’U. R. S. S., la Bulgarie en fait autant le 7 septembre. Par la Transylvanie, Malinovski pénètre en Hongrie (oct.) et marche sur Budapest, où les Allemands, qui ont arrêté Horthy, concentrent leur résistance (déc.). Tolboukhine a pris contact avec les forces de Tito et entre avec elles à Belgrade le 20 octobre, puis converge, lui aussi, sur la Hongrie, et atteint le 7 décembre 1944 les rives du lac Balaton. En jan-
vier 1945, les Russes reportent leur effort sur la Pologne : les forces de Joukov entrent à Varsovie le 17 janvier ; celles de Koniev, qui sont à Cracovie le 18, atteignent à la fin du mois le bassin houiller allemand de haute Silésie et l’Odra, tandis qu’au nord Tcherniakovski est entré en Prusse-Orientale et que Rokossovski a pris Tannenberg (Steburk) le 21 janvier.
Ainsi, à partir du mois de février 1945, à l’est comme à l’ouest, c’est en Allemagne que va se livrer l’ultime bataille de cette guerre.
Problèmes politiques :
la conférence de Yalta (février
1945)
En quelques mois, la Wehrmacht a donc dû évacuer presque toutes ses conquêtes. Hormis les deux grands fronts de l’est et de l’ouest, elle a dû aussi se replier en Italie sur la ligne downloadModeText.vue.download 569 sur 573