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Par la suite, il avait participé au siège d’un immeuble où se terrait un paquet de gangsters. Là encore, ses dons exceptionnels de tireur d’élite avaient fait merveille. Il avait sucré deux types à lui tout seul, à travers une fenêtre… Et ç’avait été sa promotion au grade d’inspecteur.

Il avait continué à distribuer la mort, toujours des bandits ; des types qui tiraient les premiers… Lui, impassible, s’effaçait derrière un arbre ou une borne lumineuse et crachait la mort avec une sûreté qui faisait l’admiration de ses copains et forçait le respect de ses chefs.

Là, c’était de la tuerie sur commande, de la tuerie qui lui valait galons, augmentation de solde, promotion, médailles…

Ce soir, ce serait une autre forme de tuerie. Ce serait un meurtre… Un sale meurtre… Le meurtre d’un sale type, voilà !

Il était calme. Il était triste. Comme cet argent volé pesait lourdement sur sa vie ! Il le contraignait déjà à commettre un assassinat !

Tuer, c’était la barrière à franchir… Cet argent avait été trop aisément acquis. Or l’argent ne s’acquiert jamais facilement. Il faut toujours en payer le prix… Les quarante mille dollars valaient la peau d’un salaud de Rital comme Cendrini… Sa détermination soulagea Clay. Il se sentit presque libéré.

Il se rhabilla en vitesse et partit pour le commissariat.

Il lui fallait bien l’après-midi pour mettre au point un alibi pour le soir.

* * *

Chose curieuse, pas un instant, au cours de cette journée, il ne se départit de cet état de grâce.

Mieux encore : une fois hors de son appartement, retrouvant le joyeux soleil d’avril, il devint gai, d’une gaîté sincère, expansive. Il se surprit même à fredonner.

Entrant dans un drugstore, il fit l’emplette d’un étui de cigares, des Baths, à bague de métal, ceux dont Ox raffolait… Il acheta aussi une bouteille de whisky.

Lesté de ces achats, il se présenta au bureau du gros lieutenant.

Ox avait revêtu une impossible chemise à carreaux jaunes et rouges qui lui donnait l’air insolite d’un clown démaquillé.

— Vous voilà ! tonna-t-il.

— Je ne suis pas en retard ? dit Clay.

L'autre poussa un soupir de regret.

— Non, c’est vrai, reconnut-il. Si vous aviez eu une seconde de retard, vous n’aviez plus qu’à prendre vos cliques et vos claques, mon garçon, et à filer à la pêche…

Clay sourit.

— Et ce fameux rapport, il est rédigé, oui ?

— Il l’est, dit Ox.

Clay eut une moue inquiète.

— Et… il est posté ?

— Il le sera la prochaine fois que vous aurez envie de jouer au con avec moi, Clay, mettez-vous bien ça dans le crâne une fois pour toutes !

— Il n’y a plus de place dans mon crâne, sourit le policier, c’est complet, archi-complet, ça n’est pas comme dans celui de certains types de ma connaissance…

Ox poussa un barrissement épouvantable.

— Qu’avez-vous l’air d’insinuer, hein ?

— Moi ? J’insinue quelque chose ? fit Clay.

Le moment était venu de faire ses offrandes.

— Tenez, dit-il, je vous ai trop fait renauder hier, lieutenant, je suis grande gueule mais bon zig ; vous le savez et vous savez aussi qu’il n’y a pas, dans toute l’équipe, un type plus à la hauteur que moi pour vous seconder…

— Sans blague ! gouailla le gros Ox.

— Ben voyons ! poursuivit Clay. Aussi, lieutenant, vous me ferez plaisir en acceptant ces barreaux de chaise pour vous boucher le bec avec…

Ox regarda l’étui de cigares et parut ému. La bouteille de scotch acheva sa conquête.

— Salopard, fit-il, vous m’aurez toujours…

— Toujours ! dit Clay en sortant du bureau.

Il savait que c’était vrai, c’était là sa force. Il avait toujours raison, parce qu’il savait s’imposer et parce qu’il avait de la chance.

Il sortit de chez Ox.

Ox le rappela.

— Il me faudrait l’assassin du vieux, dit-il. Figurez-vous que ce grigou-là était l’oncle du beau-frère du gouverneur… On me demande la carcasse de son assassin… Je ne sais pas si vous avez assez de place dans votre cerveau pour comprendre ça, mais ça ferait bien dans le tableau, si vous parveniez à mettre la main dessus rapidement… Y compris sur le tableau d’avancement !

— Bien, chef, fit Clay.

Il sortit, soucieux. Il avait tellement l’intention de laisser en paix l’assassin du vieil antiquaire qu’il s’apprêtait à classer le dossier en un temps record. Et voilà qu’au contraire, les huiles s’intéressaient à l’affaire. Il n’y avait pas moyen de passer l’enquête dans le vide-ordures… Non, pas moyen !

Or Clay ne voulait surtout pas qu’on interroge l’assassin.

Le mot « vide-ordures » lui donna une idée… Une idée faramineuse ! Bon Dieu, c’était épatant d’avoir une matière grise en plein rendement ! S'il n'était pas une crêpe, il allait pouvoir faire coup double !

Coup double !

* * *

Il sauta dans un taxi et retourna chez lui.

À peine parvenu, il se précipita vers le vide-ordures. Il avait balancé par là le portefeuille du vieux receleur, mais, il s’en souvenait, il n’avait pas actionné la pédale d’ouverture, si bien que la pochette de cuir râpé se trouvait coincée dans les mâchoires de l’appareil d’écoulement.

Il put donc la récupérer facilement.

Ceci fait, il alla à son rouleau de billets caché dans la vasque, préleva vingt-cinq coupures de cent dollars qu’il glissa dans le portefeuille, et enfouit celui-ci dans sa poche intérieure qu’il reboutonna soigneusement. Puis il quitta son appartement.

Le ciel était d’une luminosité extraordinaire. Il commençait à faire chaud. Ce qu’il ferait bon sur la côte de Floride, cet été !

Peut-être Gloria Masure le rejoindrait-elle ?

Il n’avait encore jamais possédé une fille de cette classe et sachant aussi bien s’envoyer en l’air.

Ça comptait, ça ! L'amour est une des principales raisons de vivre, pour ne pas dire la seule !

De plus, ça n’était pas désagréable de trimballer une riche héritière à son bras. La petite séance de l’après-midi avait eu l’air de plaire à Gloria. Il faut dire que John Clay était un chaud lapin, et les filles aiment bien les chauds lapins…

Ça serait crevant si lui, le petit flicard, le policier modeste, épousait une fille à papa !

Pourquoi pas, après tout ?

Il descendit, regrimpa dans le taxi qui l’avait amené et à qui il avait ordonné d’attendre.

— Dix-neuvième rue, fit-il.

CHAPITRE VII

Clay passa chez le signor Cendrini.

Il trouva un appartement exigu dans lequel flottait une écœurante odeur de graillon.

Des fiasques de Chianti étaient accrochées aux murs. L'appartement comprenait deux pièces mal entretenues. Dans l’une, une femme au visage blafard, aux yeux mangés par la fièvre, était étendue sur un lit de hardes.