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— Oui, j’avais à vous parler, dit Clay.

Il approcha sa bouche de l’oreille de l’autre.

— N’oublions pas que je fais mon enquête, dit-il. Tout à l’heure, je vous ai fixé rendez-vous pour ce soir, certes, ce rencard tient toujours ; seulement, cela n’empêche pas que je doive travailler à mon enquête…

Clay reprit d’un ton normal :

— Nous allons rédiger une petite déposition d’après les faits que vous m’avez révélés.

— Si, fit Cendrini.

Clay haussa les épaules.

— J’ai vu votre femme, dit-il ; en effet, elle n’a pas l’air d’être en forme… Si vous voulez, en attendant ce soir, je vous ferai une petite avance, nous sortirons ensemble…

— Bene, signor !

La figure de l’Italien venait de s’épanouir comme un volubilis au soleil.

Clay se recueillit et se mit à taper à la machine. Il rédigea un long rapport dans lequel il prit soin de glisser plusieurs contradictions flagrantes, notamment quant à la sortie nocturne de l’Italien et à l’heure où le cri avait retenti.

Il lui fit dire (sur le rapport) qu’il était sorti avant d’entendre le cri, et que c’était en remontant chez lui qu’il l’avait entendu. Il avait alors réveillé son épouse, était redescendu et avait alerté la police.

Ce rapport était si habilement rédigé que les paragraphes accablants pour Cendrini étaient nettement séparés des autres. Lorsque le travail fut achevé, Clay relut le rapport en prenant soin de sauter les passages équivoques.

— Ça va, comme ça ? demanda-t-il.

— Bene, dit l’Italien.

— Parfait, en ce cas, signez et sortons. Je vous donnerai votre petit acompte…

L'Italien signa le rapport. Clay le plia en deux et se leva.

— Une seconde, dit-il.

Il porta le document à Ox.

— Potassez ça, dit-il. Si ce type n’est pas le coupable, je me fais évêque !

Il revint à l’Italien qui l’attendait dans le hall.

— Tenez ! fit-il en lui glissant mille dollars dans la main. Tâchez de soigner un peu votre bourgeoise. Bon Dieu, elle est minable ! Payez-lui au moins des fringues et une becquetance convenable…

— Merci, dit l’Italien, mais vous mé donnerez bien lé reste ce soi… ?

— Vous croyez que je vous donnerais un acompte, autrement ? grommela Clay.

— Merci, dit-il, merci. Merci molto, signor.

Il fila vers la sortie, heureux comme un roi.

Clay appela un de ses collègues.

— Steve ! dit-il. Tu vois ce mec qui file ?

— Le Rital ?

— Il faut le suivre… Moi, il me connaît…

— O.K. ! C’est un douteux ?

— Mieux que ça… Ouvre l’œil… En fin de journée, téléphone-moi, à la nuit de préférence, et je te relèverai. D’accord ?

— D’accord, dit Steve.

Il enfonça son chapeau sur l’œil et emboîta le pas à Henriquez Cendrini.

CHAPITRE VIII

Il était environ huit heures lorsque Steve passa un coup de tube à son collègue.

Clay était dans le bureau des inspecteurs, potassant les journaux du soir.

— Allô, dit-il.

— Clay ?

— Lui-même !

— Ici, Steve. Ton oiseau a regagné sa cage… Il est actuellement chez lui. Je te téléphone d’une teinturerie en bas…

— J’arrive.

Clay reposa l’écouteur sur sa fourche et se leva. Il était déterminé, prêt à tout.

Maintenant, c’était à lui de jouer. Et il allait jouer cette partie exactement comme il avait décidé de le faire. Tout ce qu’il avait mis sur pied suivait les directives de sa propre volonté. Il était la main faisant régner la loi sur l’échiquier. Il était quelque chose comme le Destin. Le destin de plusieurs êtres : le sien ; celui de l’assassin de Malisson ; celui, surtout, de Cendrini.

Il ajusta son Holster sous son bras, passa sa veste, la boutonna, arrangea sa cravate, se recoiffa.

Voilà ! John Clay était prêt à agir comme un guerrier devant l’ennemi.

Il passa chez Ox.

— Je vais relever Steve, dit-il.

— Dites-lui qu’il vienne immédiatement me faire son rapport, dit le lieutenant. Ce Cendrini me paraît moisi jusqu’à l’os, en effet ; je crois que vous avez vu juste.

Clay eut un sourire de triomphe.

— Entendu, patron !

Il sortit. La nuit descendait majestueusement sur la ville. Une brise tiède soufflait du large.

* * *

— Alors ? demanda-t-il à Steve.

Steve était un vieux. Il allait prendre sa retraite l’année suivante après une carrière au cours de laquelle il avait fait honnêtement son petit travail.

— Dis donc, fit-il, ton zouave, il a gagné à la loterie ou quoi ?

— Pourquoi ?

— C’est fou ce qu’il claque comme pèze !

Ces paroles furent une véritable musique pour les oreilles de John Clay.

Comme tout s’emboîtait admirablement, juste comme il l’avait prévu… Le rapport de Steve balaierait les derniers doutes du père Ox.

— Qu’est-ce qu’il a fait ? demanda Clay.

— Il s’est acheté un costar neuf, puis il est allé dans une épicerie italienne, et je croyais qu’il allait embarquer tout le fond. Il avait tellement de paquets qu’il n’y voyait plus devant lui…

— Parfait, merci… Va trouver le vieux pour l’affranchir sur tout ça.

Steve fit un geste d’adieu et s’éloigna en direction du commissariat.

Clay se mit à faire les cent pas dans la rue. Il évitait les zones éclairées afin de ne pas se faire repérer par Cendrini au cas où ce dernier se serait mis à la fenêtre.

Il attendit plus d’une heure, mais l’impatience ne le gagnait pas.

Il mijotait son affaire, calculait tout. Dans quelques heures, il serait libéré de cette histoire ; il pourrait alors jouir de sa fortune.

* * *

Cendrini avait mis le costume neuf acheté l’après-midi. C'était un vêtement de toile mauve à poches plaquées. Là-dedans, il se prenait pour une vedette d’Hollywood.

Clay se jeta sous un porche en le voyant déboucher. Il le laissa passer, puis se mit à le suivre de loin.

Cendrini marchait d’un pas gaillard en direction du port.

Il allait sans se retourner, préoccupé par ce qui allait se passer.

Clay était également préoccupé par ce qui allait se passer, car il savait, lui…

Ils filèrent ainsi un bon quart d’heure. Enfin, ils atteignirent les quais.

L'endroit était absolument désert. Sur la droite, des bâtiments amarrés avaient mis leurs feux de position et cela criblait la nuit de centaines de lumières aux tonalités multiples.

Du côté des entrepôts, l’obscurité était totale.

Clay prêta l’oreille. Pas un bruit ! Rien que la monstrueuse rumeur de la ville qui venait mourir là comme la mer sur une grève.

Il gagna du terrain sur Cendrini… Lorsqu’il ne fut plus qu’à dix mètres de lui, il l’interpella :

— Hé !

L'autre fit volte-face. Malgré l’obscurité, il reconnut l’arrivant.

— Salouté, inspector ! fit-il.

— Oh, ta gueule ! grogna Clay. Tu devrais crier encore plus fort… !

Cendrini se fit humble :

— Excusez, balbutia-t-il.

Il demanda vivement :

— Vous avate l’arzent ?