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Clay n’avait plus envie de rire. Oui, psychologiquement, la situation n’était plus du tout la même.

— D’autre part, il fallait vous convaincre… Alors, inspecteur, savez-vous ce que j’ai fait ?

— Non, dit Clay d’une voix étouffée.

— J’ai envoyé un télégramme à votre lieutenant. Un télégramme ainsi conçu :

« D’où vient que l’inspecteur John Clay a versé à

son compte bancaire la somme de huit mille cinq

cents dollars, le 10 avril dernier au matin ? »

Ce télégramme, il l’a en ce moment. Je suppose que pour être lieutenant de police, il ne faut pas être un crétin. Donc, à l’heure actuelle, il fait vérifier l’exactitude de ce télégramme ; et il se dit aussi, sans doute, que le 10 avril, c’est le lendemain de l’assassinat du vieux Malisson… Voilà ! qu’en dites-vous ?

Clay demeura une seconde sans voix.

— Garce ! gronda-t-il soudain.

Elle rit.

— Ne vous marrez pas ou je vous fous en l’air, putain de femelle !

Elle cessa de rire.

— Vous avez fait ça ! jura-t-il.

— Pour vous décider, oui, reprit Gloria.

Il donna un coup de poing dans le pare-brise.

— Me décider à commettre un meurtre en me rendant suspect !

— Justement, vous n’êtes que suspect… Voici ce que je vous propose, et vous allez accepter ma proposition, car, en revanche, je vous sauve la mise : votre lieutenant vous demandera des explications, vous direz que cet argent, c’est moi qui vous l’ai donné ; vous l’aviez perdu au jeu, Jonas en témoignera… Nous sommes partis ensemble, ça aussi il pourra en témoigner… Avant de nous séparer, je vous ai proposé une dernière partie et vous avez gagné. Il me convoquera et je ratifierai vos dires… Si toutefois nous sommes alliés… Mais si vous n’acceptez pas ma proposition, je vous laisse vous débrouiller. Ce sera coton pour trouver une explication valable, hein ?

Un nouveau silence ponctua ces paroles.

Qu’y répondre ? Clay réfléchissait éperdument et, pour une fois, son esprit de décision se trouvait en défaut.

Elle le tenait comme jamais il n’aurait supposé qu’une femme puisse le tenir. Elle avait délibérément franchi le cap des discussions pour passer au chapitre des actes. La machinerie qu’elle avait montée fonctionnait parfaitement.

Il fallait prendre une décision.

— D’autre part, reprit Gloria, si vous acceptez, je vous remets cent mille dollars… La fortune, quoi ! Avec ça, vous pourrez prendre votre retraite et faire le joli cœur.

Clay secoua la tête.

— Vous me prenez pour un petit buteur à la noix, Gloria… Pendant trente et quelques années, j’ai été un parfait honnête homme. C'est de façon fortuite que j’ai déraillé ; je ne ferai qu’un déraillement dans ma vie… Seulement, il entraîne des conséquences… D’accord, je buterai le vieux Masure, mais je le buterai uniquement pour assurer ma sécurité, je ne demande pas de pognon, rien qu’un petit bout de lettre par quoi vous reconnaîtrez m’avoir ordonné ce travail et m’avoir fait du chantage pour que j’accepte ce vilain job… C'est oui ou c’est non, choisissez. Si c’est non, je rafle mon pognon et je disparais… Un flic, ça connaît des combines pour s’évaporer… Si c’est oui, vous rédigez immédiatement la bafouille, O.K. ?

Elle tapota ses dents de nacre du bout de l’ongle.

— C'est oui, dit-elle.

John Clay lui présenta un stylo à bille et une feuille d’agenda.

— Allez-y, ma belle !

Elle hésita, prit le stylo et s’apprêta à écrire.

— Une seconde ! dit-il. C'est moi qui dicte… Allez-y, petite :

Je, soussignée… Quel est votre véritable nom de famille ?

— Opson.

— Alors : Je, soussignée, Gloria Opson-Masure, reconnais avoir désiré la mort de mon oncle et tuteur Foster Masure… J’ai mis au point une machination pour avoir un moyen de pression sur l’inspecteur John Clay afin de le forcer à assassiner mon oncle. Il s’y est refusé malgré une offre de cent mille dollars… Bon, signez !

Elle signa.

Clay saisit la feuille, la relut et la glissa dans son portefeuille.

— C'est le pacte du diable ! ricana Gloria. Vous irez jusqu’au bout, maintenant ? demanda-t-elle.

— Jusqu’au bout, dit-il, ne vous en faites pas.

Il descendit de la voiture.

— Je vais d’abord arranger cette sale histoire au commissariat. Ensuite je vous téléphonerai pour arrêter un plan d’action. Je tiens à ce que cette affaire soit réussie ; c’est aussi votre désir, non ?

— Je comprends !

— Alors, restez chez vous jusqu’à ce que je vous contacte, vu ?

Il avait repris son ton autoritaire.

— Entendu, dit-elle.

Il la regarda redémarrer.

Un sourire méchant flottait sur ses lèvres.

CHAPITRE III

Clay entra dans un drugstore et commanda un double whisky.

Il avala d’une lampée le breuvage.

— Remettez-moi ça, intima-t-il au serveur noir.

— Double ? demanda celui-ci avec un rien d’admiration pour ce client qui descendait les glasses à cette allure-là.

— Double ! répéta Clay. Et au trot, hein !

Le serveur s’empressa.

L'inspecteur envoya ce second verre rejoindre le premier.

Il se sentit mieux.

Au fond, l’algarade de ce matin lui avait mis un direct au plexus solaire. C'était un rude coup ! De quoi se faire du mouron pour un homme moins froidement déterminé que ne l’était Clay.

Seulement, ce qui faisait sa véritable force, ça n’était pas tellement son courage, mais bien plus son esprit de décision… Et la rapidité de ses décisions.

Pour John Clay, la vie était un ring. Il y avait toujours en face de vous un adversaire qui s’appelait le Destin. Le jeu consistait à lui cogner dans la gueule pour éviter que ce soit lui qui le fasse.

Cogner sec et cogner vite… Voir l’ouverture et placer sa frappe ! Oui, tout était dans la justesse du coup d’œil.

Il lança un billet sur le comptoir et partit sans attendre la monnaie.

Avant de franchir la porte du bureau de police, Clay relut attentivement le papier qu’il avait fait signer à la fille. Un sourire s’épanouit sur ses lèvres.

Gloria était bien maligne, pas assez cependant pour le rouler. Tant qu’il aurait de la jugeote à revendre, il ne risquerait rien… Et ça n’étaient pas les combinaisons de la nièce de Masure qui auraient raison de lui.

Il entra. Ses collègues écrivaient, lisaient le journal ou téléphonaient. Il y avait une atmosphère de ruche au travail dans les locaux de la grande maison.

Clay répondit aux saluts de ses compagnons par des grognements et alla droit au bureau de son chef.

À travers les vitres de celui-ci, il apercevait le gros homme affalé sur son bureau, de la sueur déjà plein le front.

Clay respira à fond pour se donner de l’assurance et frappa.

— Entrez !

Il obtempéra. Ox leva les yeux et l’aperçut.