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— O. K.

— Maintenant, la question des accessoires.

— Ah oui, de quoi s’agit-il ?

— Une simple course à faire…

— Bon, j’écoute.

Clay la regarda.

— Il faudrait que vous alliez dans un grand magasin, dit-il, et que vous achetiez une cordelière de rideau… Quelque chose de très résistant. Prenez-en deux mètres…

— Vous comptez l’étrangler ? demanda-t-elle.

— Encore une fois, c’est mon affaire, petite…

— Pourquoi achèterais-je cette cordelière ? insista Gloria. Hein, Clay ? Parce que vous préférez que je sois dans le bain ?

Elle arrêta la voiture. Elle était toute frémissante et craignait de faire une fausse manœuvre.

Clay se dit qu’il devait affirmer son autorité.

— Pour l’amour du Ciel et pour la dernière fois, Gloria, dites-vous bien que mon intérêt n’est pas de vous fiche dans le pétrin, puisque, si vous y tombez, vous parlez, et qu’en parlant vous me fourrez dans le merdier… Je vous demande d’aller acheter une cordelière parce qu’au rayon ameublement d’un grand magasin, un homme qui vient acheter un truc de ce genre se fait remarquer comme une guenon dans la vitrine d’un bijoutier… Alors qu’une femme, pour peu que vous vous y preniez adroitement, passe rigoureusement inaperçue, vous en convenez ?

— Soit, dit-elle.

Elle mordait à l’hameçon, c’était épatant ; Clay était décidément l’homme le plus astucieux de New York.

— Bien, en ce cas, allons acheter cette cordelière, dit-il. Il me la faut tout de suite.

Ils quittèrent le Park et foncèrent en direction de Manhattan.

— Vous devriez acheter ça ici, dit Clay en montrant les Grands Magasins Speed and Co.

Gloria secoua la tête.

— Non, dit-elle, j’y suis trop connue… Inutile de prendre des risques.

Elle continua son chemin un bon moment. Elle allait en direction de Kensington, le quartier où demeurait John Clay.

Elle stoppa devant un grand Prisunic.

— Ici, ça colle ? demanda-t-elle. Je n’y ai jamais mis les pieds.

— D’accord, consentit le policier.

Il l’attendit dans la voiture pendant qu’elle entrait dans le magasin.

Une bonne demi-heure s’écoula avant qu’elle ne ressortît. Clay commençait à rugir d’impatience.

— Vous voilà ! hurla-t-il. Bon Dieu, sont-ce des manières de faire attendre les gens de cette façon ? Ah non, alors…

— Calmez-vous, dit-elle sèchement. J’ai fait plusieurs achats pour ne pas avoir l’air de savoir vraiment ce que je voulais… Tenez, voici le vôtre.

Dans la brassée de colis qu’elle tenait sous le bras, elle saisit un sachet de papier aux armes du magasin.

Clay en sortit une cordelière rouge. Il la roula en peloton et la fourra dans sa poche.

— Ça ira…

— C’est tout ce qu’il y a pour votre service ? demanda-t-elle.

— Presque, fit Clay.

— Voulez-vous dire que vous avez encore besoin d’autre chose ?

— Oh, peu de chose vraiment. Vous allez griffonner un mot pour votre oncle. Allons, prenez du papier et votre stylo…

Gloria secoua la tête.

— Qu’allez-vous me faire écrire ?

— Peu de chose, simplement un bout de lettre que je lui présenterai en mains propres et qui l’obligera à me suivre.

— Je n’aime pas beaucoup ça, dit-elle.

Il lui saisit le menton afin de l’obliger à le regarder.

— Et moi, vous croyez que je n’aimerais pas mieux être ailleurs ? C'est vous qui avez déclenché la bagarre, c’est à cause de vous que je suis obligé de mettre sur pied ce guet-apens… Maintenant, nous avons les cartes en main, il faut jouer ; écrivez et cessez vos réticences, sinon je saute dans le premier avion et je disparais à jamais de votre horizon ; vous vous dépatouillerez demain avec les petits collègues… Si vous croyez qu’ils sont coulants avec les jolies gosses, vous vous trompez : plus une fille est bien roulée, plus ils sont fumiers avec elle, ça les excite… Vous écrivez ?

— Oui, souffla-t-elle.

— Comment appelez-vous votre oncle ?

— Paddy !

— Alors : Cher Paddy, Je ne puis vivre davantage dans le climat de discorde qui règne à la maison. Après un retour sur moi-même, j’ai compris que la vie n’avait plus le moindre attrait. Je préfère en finir… Adieu, Paddy, et pardon pour tout… Comment vous appelle-t-il, dans ses bons jours ?

— Glori…

— Alors, signez : Votre pauvre Glori.

Gloria Masure signa.

Clay tendit la main pour récupérer le message, mais elle le plia en deux et ne lui donna pas.

— Que signifie encore ? demanda-t-il.

— C'est plutôt à moi, Clay, de vous demander ce que cela signifie. Pourquoi me faites-vous écrire un message pareil ? C'est une catégorie de lettre que l’on écrit avant de se suicider…

— Vous êtes perspicace, railla le policier.

— Alors ?

— Alors, vous avez peut-être cru que j’allais tuer votre bon tonton à domicile, devant les domestiques ? Sans rigoler, vous êtes crédule à ce point ? Allons, mon petit, je n’ai pas envie de me fourrer dans la gueule du loup… Je vous ai demandé l’heure à laquelle rentrait votre oncle, simplement pour l’attendre devant chez lui. Lorsqu’il arrivera, je me précipiterai ; il est essentiel que personne d’autre que lui ne me voie. Je lui montrerai alors le mot que vous tenez à la main en lui disant que vous vous êtes suicidée en vous jetant dans l’Hudson. La lettre le convaincra aisément. Il me suivra…

— Oui, il vous suivra, dit-elle, rêveuse.

— Jusqu’à un petit coin désert, dit Clay.

— Je comprends…

— Il comprendra aussi, mais trop tard.

— Pourquoi une cordelière ? demanda-t-elle encore. Une corde ne suffisait-elle pas ?

— Profane ! murmura Clay. Une corde scie… Or je ne veux pas de traces sanglantes sur le cou… Et puis, ne vous occupez pas de ça. Maintenant que vous voilà renseignée, vous me le donnez, ce mot ?

Elle tendit la lettre sans rien dire.

CHAPITRE V

Clay alla au cinéma.

Puisqu’il était en vacances, autant se comporter comme un homme dégagé de tous soucis.

Il vit un film complètement idiot sur les infortunes sentimentales d’un grand chirurgien. Ça se terminait évidemment dans les roses bonbon par un baiser long comme un coup de téléphone d’impresario.

Lorsqu’il sortit de la salle aux chimères, il rentra chez lui, boucla sa valise et se rendit dans une agence de voyage où il consulta différents horaires.

Il prit une couchette dans le train de nuit en direction de la Nouvelle Orléans.

Le train partait à huit heures du soir ; à six heures, le lendemain matin, il faisait halte à Atlanta. Or, un avion quittant New York à deux heures du matin atterrissait à Atlanta à cinq heures. C'était parfait…

En remplissant son bulletin de voyage, il prit soin de renverser l’encrier sur la tablette afin de se faire remarquer. Puis il tendit un billet de dix dollars à l’employé en s’excusant pour les dégâts. C'était un truc idéal lorsqu’on voulait marquer le souvenir des gens.

Il laissa sa grosse valise en demandant qu’on la fasse porter à son compartiment.

Il sortit de l’agence, prit le métro aérien et se rendit dans une seconde agence de location. Avant d’y pénétrer, il troqua son chapeau mou contre une casquette blanche à longue visière. Il chaussa son nez de lunettes de soleil, ôta sa veste qu’il tint sur son bras à la façon des touristes provinciaux, et se dirigea vers la location des billets d’avion où il réserva une place sur le fameux avion qui, partant six heures après « son » train, touchait Atlanta une heure avant celui-ci. Il prit soin de donner un faux nom.