Выбрать главу

— Avez-vous des chemins de fer ? demanda M e Taparel.

— Des chemins de fer? oh! beaucoup, beaucoup, mais en p'ojet, vous pensez bien ! et nous en avons même trop Alors, le p'ince de Zangueba a pensé à une chose bien simple... besoin d'azent? un emp'unt! bien simple!

— Bien simple ! firent Taparel et Cabassol.

— Vous app'ouvez, n'est-ce pas ? un petit emp'unt, quelques millions, avec belles ga'anties... t'ois cents lieues ca'ées de territoire, les plus belles p'ovinces du Zangueba, terre fertile, t'op fertile même, a'b'es poussent t'op! ciel bleu...

— Ah ! le ciel en est aussi?

— Oui, ciel bleu, — t'op bleu! soleil t'op zaud! des rivières, — trop de rivières, elles débo'dent touzous ! végétation splendide, — t'op de vézétation, on peut pas passer ! Et du zibier, des lions, des éléphants, des rhinocéros, des hippopotames les plus g'ands et les plus beaux de l'Afrique, les plus mézants. Oh! pas de pays pour rivaliser avec Zangueba pour les animaux. Et des se'pents ! Que je regrette de ne pas avoir un se'pent de mon pays pour vous faire voir! en cinq minutes, ils avalent un cheval! oh! les se'pents de Zangueba, touchez pasl touchez pas! Et les cocodiles... c'est la gloire de ma pat'ie! aussi voyez, Zangueba a mis le cocodile dans ses armes! il y en a t'op !

— C'est splendide ! s'écria Cabassol, monsieur l'ambassadeur, vous m'émerveillez ! qu'est-ce que le bois de Boulogne à côté du Zanguebar I...

— C'est de l'herbe, de la toute petite herbe !

— C'est magnifique ! s'écria le notaire, trois cents lieues comme ça ! Et les habitants ?

— Les habitants? il y en a pas ! ou s'il y en a eu, c'est peut-être dans les temps anciens, mais vous pensez bien que les lions, les rhinocéros, les se'pents et les cocodiles les ont mangés ! On n'y va plus pour ne pas être mangé, c'est même ce qui fait la valeur de la ga'antie, pour not'e emp'unt, car puisqu'il n'y va pe'sonne, on est certain que pe'sonne ne p'endra le pays ! Les voisins du Zangueba voudraient bien p'endre le pays, mais le Zangueba est tranquille, les lions et les cocodiles les manzeraient si eux essayaient!

— Garantie superbe, belle ceinture de défense! prononça un monsieur d'un noir pur, au bout de la table.

— Vous entendez ce que dit monsieur, il s'y connaît, lui militaire, lui général de la république de Haïti?

— Garantie splendide ! s'écria Cabassol, je ne doute pas que les avantages de l'affaire et l'énumération des garanties de la garantie hypothécaire n'entraînent les souscripteurs ! Monsieur l'ambassadeur, moi je vous garantis un grand succès ! madame l'ambassadrice, permettez-moi de boire au Zanguebar, à son ciel trop bleu, à son soleil trop chaud, à ses serpents trop méchants, à ses lions, à ses crocodiles, à son prince, à son emprunt, à son ambassadeur et surtout àsa charmante ambassadrice !

— Zembo! s'écria l'ambassadrice, à quoi pensez-vous, mon ami? vous distrait ! décorez ces messieurs !

— Pardon, madame, nous le sommes déjà, fit observer le notaire.

rs les secrétaires de l'ambassade de Zanguebar.

— Oui, mais du Crocodile d'argent, deuxième classe, il faut commencer par là, mais maintenant c'est le Crocodile d'or ! première classe I

L'ambassadeur s'était levé, et il fouillait dans ses poches. Enfin il trouva ce qu'il cherchait, deux petits crocodiles d'or suspendus à des rubans bleus. Cabassol et Taparel s'étaient levés, la serviette à la main.

— Alors, nous montons en grade? demanda Cabassol.

— Oui, la deuxième classe, c'était indigne de vous, ze vous fais zevalier du Cocodile d'or !

Cabassol et Taparel s'inclinèrent.

— Tout mon cœur est au Zanguebar et à sa gracieuse ambassadrice, murmura Cabassol en se rasseyant; mais je vous prie, madame, un petit renseignement? J'ai remarqué que vous dites de temps en bemps.Zemôo, cela veut dire, n'est-ce pas, quelque chosecomine sapristi?

— Mais non ! mais non! Zembo, c'est le nom de mon mari, ce n'est pas sapristi ! »

— Ah ! sapristi, mais alors... voyons votre mari s'appelle bien Zembo? il ne s'appelle pas Bocanda?

Bocanda était le nom que Cabassol se rappelait avoir lu sous la photographie de l'ambassadeur de Zanguebar ornant l'album de M mc Badinard.

— Ce n'est pas lui ! Bocanda est le nom de notre prédécesseur, l'ambassadeur d'il y a deux ans, répondit l'ambassadrice.

— De votre prédécesseur! murmura Cabassol d'une voix étranglée par l'émotion, de votre prédécesseur !

— Eh bien, eh bien, vous troublé ! vous malade?

— Non, madame! pas du tout, au contraire! c'est le plaisir, l'émotion, le Crocodile d'or ! c'est l'orgueil d'être fait chevalier de première classe de l'ordre du Crocodile d'or... Mais, je vous prie, votre prédécesseur, Son Excellence M. Bocanda, qu'est-il devenu?... il est à Paris?

- Oh non ! il a été disgracié ! il est resté huit ans à Paris sans parvenir à négocier l'emprunt qui doit servir à rendre au Zanguebar et à son prince leur splendeur d'autrefois ; alors il a été rappelé au Zanguebar et...

— Et?

— Et, pour lui témoigner son mécontentement, le prince l'a nommé gouverneur d'une province éloignée, justement les trois cents lieues de forêts vierges dont nous parlions tout à l'heure...

— Les trois cents lieues de crocodiles et de rhinocéros...

— Précisément.

— Excusez ma curiosité, madame, un de mes parents a beaucoup connu Son Excellence M. Bocanda ; les crocodiles et les rhinocéros n'ont-ils pas mangé leur gouverneur ?

— Pas encore !...

— Ah! je respire...

— Pas' encore... mais jamais un gouverneur n'a pu durer plus de trois ans, il n'a encore fait que la moitié de son temps.

Cabassol resta quelques minutes sans mot dire. Le vengeur de Badinard se heurtait dès le commencement à une difficulté imprévue. Zanguebar était loin et surtout malsain. Allait-il donc falloir entreprendre le voyage pour retrouver M. Bocanda dans ses forêts vierges, au milieu de ses crocodiles et de ses rhinocéros? Quelle catastrophe ! trois mois de voyage pour aller, trois mois pour revenir, cela faisait déjà six mois; et le temps de chercher M. Bocanda parmi .-es administrés.à la dent cruelle, et le temps de venger M. Badinard ? Et les dangers sans nombre, les feligues, les fièvres et les lions? Décidément la situation de vengeur testamentaire n'était pas une sinécure ! Tout à coup Cahassol se rasséréna, une idée lui était venue.

Tous les nègres se ressemblent, un ambassadeur de Zanguebar ressemble â un autre ambassadeur de Zanguebar, la preuve c'était que Son Excellence M. Zembo avait absolument la même tête que le Bocanda de la photographie.

Pourquoi se tourmenter, pourquoi s'élancer à la poursuite de M. Bocanda?

c'était comme représentant du prince de Zanguebar que S. Exe. Bocanda avait offensé Badinard, eh bien, c'est sur un représentant du prince de Zanguebar que l'on vengerait Badinard.

Ce sophisme apporta quelque satisfaction à l'âme troublée de Gabassol. 11 respira ; mais en respirant il regarda du côté de M e Taparel pour voir s'il n'avait rien entendu de la conversation de l'ambassadrice.

Non. M e Taparel était entrepris par l'ambassadeur et, il subissait une description enthousiaste et imagée du beau Zanguebar. Il n'avait rien entendu.

Tout était donc pour le mieux, mais il fallait se hâter, il fallait mener les choses tambour battant pour ne pas lui laisser l'occasion de reconnaître l'erreur de per-

Beau pays le Zanguebar 1