— Bien vrai ?
— Je vous y autorise, Bczucheux !
— La Providence n'abandonne jamais les amoureux! dit solennellement Bezueheux, mon cœur était brisé par votre sévérité, voilà que les morceaux se recollent. ... Je l'aimais tant !
— Laquelle? demanda Gambriac.
— Celle que vous voudrez ! répondit no O blement Bezueheux, vous voyez comme je suis bon prince !
— L'aînée, alors, Emilie?
— Mademoiselle Emilie! merci, beau père !... Bénissez votre gendre !
Mlle 430 a reconnu son erreur.
Ma cuirasse a tapé dans l'œil de madame 420.
— Mais vous me jurez que jamais personne ne connaîtra l'histoire de ma collection de corsets ? vous me jurez un silence éternel...
— Je le jure ! c'est comme si le notaire y avait passé ! alors, beau-père, je. pois éprendre auprès de mademoiselle Emilie la cour interrompue par de malheureux événements?
— Je vous le permets Et maintenant, comme ma collection est connue, tant pis, mes corsets resteront authentiques!
IX
Où l'on se repasse le n° 430. Une fiancée un pea négresse. Cinq mariages.
Monsieur Félix Cambiac a l'honneur de vous faire part du mariage de mademoiselle Emilie Cambiac,' sa fdle, avec Monsieur Contran Bezueheux de la Fricot-tière.
Et vous prie d'assister à la bénédiction nuptiale qui leur sera donnée le... prochain en l'église de la Trinité.
On se repasse le a 0 430.
LA CLEF DES CŒDRS
M. Na7'tisse Boulandais, directeur
a Monsieur Bezucheux de la FRICOTTIÈRE
Monsieur,
Mes efforts viennent d'être couronnés de succès, j'ai la joie de vous apprendre qu'une réponse favorable vient de m'être faite par le n°430, dont voici la désignation :
I AGE I COULEUR! DOT: I ESPÉRANCES I SIGNE PARTICULIER I IDÉAL
No 430, demoiselle | 26 ans | brune | 350,000 / 350,000 | néant | quelconque
Vous avez plusieurs fois valsé avecelle à nos petites sauteries intimes; la ùsmoi, selle espérait vous voir à nos dernières soirées pour vous répondre de vive voix,
mais vous devenu si rare depuis quelque temps, qu'elle a dû me charger de cette mission délicate.
Je vous attends maintenant pour vous donner quelques derniers détails et pour fixer le jour d'une entrevue avec la jeune fille. Étes-vous heureux! on marque une certaine impatience et l'on soupire en contemplant votre portrait! Je connais assez votre cœur pour répondre de votre empressement.
Accourez donc et croyez-moi votre toujours dévoué.
Narcisse Boulandais
Je me permets de joindre à ma lettre un prospectus détaillant les très avantageuses conditions que j'offre aux clients de l'agence pour les articles indispensables, trousseaux et layettes.
Vous voyez que non-seulement je marie mes clients, mais encore, que je pense aux exigences de leur nouvelle situation. Je m'occupe môme de l'avenir, je vous ai dit que pour mes clients j'étais plus qu'un père !
N. Boulandais
J'oubliais. Pour votre voyage de noces, je pourrai vous donner uneliste d'hôtels de premier ordre avec lesquels j'ai des traités qui assurent aux clients de l'agence des soins empressés, une exquise délicatesse, des chambres avec vue sur les sites poétiques et une très confortable nourriture, le tout aux prix les plus modérés.
a Monsieur Narcisse BOULANDAIS Directeur de la Clef des cœurs Monsieur
Je vous remercie bien sincèrement de la peine que vous vous êtes donnée pour découvrir la jeune personne idéale que le ciel, je n'en doutais pas, devait me reserver. Cette jeune personne idéale, je l'ai trouvée moi-môme. Le billet de faire part ci-joint vous l'apprendra.
J'allais vous écrire pour vous prier de rayer mon nom des registres de l'agence lorsque votre lettre m'est parvenue.
Je suis à la fois confus et désolé, confus de l'immense faveur que mademoiselle 430 voulait bien m'accorder et désolé de porter le désespoir dans ce cœur aimable et confiant.
A.h! que ne sommes-nous en Turquie !
Je crois cependant avoir trouvé un moyen de tout arranger. Vous m'avez dit dernièrement que mademoiselle 430 hésitait entre moi et mon ami Pontbuzaud, eh bien, je la repasse à Pontbuzaud! Tachez de la décider pour ce pauvre ami, au besoin, dites-lui du mal de moi. Je me résigne à devenir pour elle pire qu'un monstre, pour faire le bonheur de mon ami. Plus tard si, comme je n'en doute pas, ils sont heureux ensemble, je dirai en contemplant leur joie : voilà donc mon ouvrage ! Et une noble satisfaction emplira mon âme.
Votre paternelle préoccupation des layettes m'a profondément touché. Soyez sûr que, bien que mon bonheur à moi ne soit pas l'œuvre de l'agence, c'est à vos bons soins que j'aurai recours si le ciel daigne bénir mon mariage.
Je vous prie d'agréer, monsieur, les remerciements infinis * de votre très reconnaissant
Bezucheux de la ITIICOTTIÈUE
0 mon ami, elle sera heureuse, je te le jurel
Mon cher Pon-tbuzaud,
Cours vite à la Clef de cœurs.
La demoiselle 430 qui hésitait entre toi z'et moi (comprend-on ça !) s'est enfin décidée C'est to.i qu'elle a choisi. (Suis-je assez infortuné !)
Par malheur, on avait confondu nos deux photographies et c'est moi qu'on a prévenu. Vole rapidement vers l'agence pour que l'erreur n'aille pas plus loin.
La lettre de faire part ci-jointe t'apprendra que, de mon côté, j'ai découvert l'être charmant destiné à faire la joie de mon âme! Les négociations avec le papa de cet être charmant m'ont fait un peu négliger mes amis depuis quelque temps, nous rattraperons le temps perdu au dîner d'enterrement de ma vie de garçon.
Ton Bezucheux de la Fricottière ex-célibataire (bientôt) Mon cher Bezucheux,
Merci, noble ami 1
La demoiselle 430 a reconnu son erreur, c'était en effet moi qu'elle préférait. M. Boulandais nous présenta l'un à l'autre et nous sympathisâmes immédiatement.
— Voici, par exemple, une anicroche : une vieille arrière-tante qui m'avait mauditfa oublié de me déshériter, son notaire vient de me l'annoncer; grâce à la négligence de ma bien-aimée tante j'hérite avec une ribambelle de cousins, juste une douzaine, mais comme elle était deux ou trois fois millionnaire, ma part sera encore raisonnable.
Ce n'est pas tout.
Une de mes co-héritières est une charmante jeune fille, je l'épouse arrangé en 48 heures.
Jo te présenterai à
Comment faire maintenant avec mademoiselle 430 ? Je ne peux pourtant pas devenir bigame!
Je suis désolé de la plonger dans le désespoir, mais je ne puis contrevenir aux lois de mon pays.
Dneidée lumineuse m'est venue! si je la passais à Saint-Tropez? Ce pauvre ami, il faut bien faire quelque chose pour lui je viens d'en écrire à M. Boulandais, j'espère que le petit changement pourra se faire.
J'ai une autre idée encore. Si nous prenions le môme jour pour enterrer notre vie de garçon ? — Mais non, l'idée est mauvaise, pas le môme jour, ça fait que nous l'enterrons deux fois.
Est-ce dit ? c'est dit A toi,
Tiburce Pontbuzaud
Mon cher Saint-Tropez,
Veux-tu me rendre un service ?
Je vais me marier — tout seul — avec une cousine, (ça fait une, compte bien !) Et il se trouvejustement que grâce aux bons soins de M. Boulandais la demoiselle n° 430 veut aussi m'épouser (ça ferait deux !)
Quelle situation !!!
Je connais ton amitié, je sais que jamais on n'y ar fait appel en vain.