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— Enfin 1 se dit Cabassol, je vais donc être quelque chose 1

Monsieur Boulandais opérant pour lui-même.

Au moment où ses amis, ayant appris l'heureux événement, se réunissaient posr aller en corps lui présenter leurs félicitations, Gabassol arriva comme une bombe au nouveau domicile de Bezucheux.

— Vite, des sels! du vinaigre! de l'éther! s'écria-t-il en se précipitant dans un fauteuil tout neuf, je sens que je m'évanouis, soignez-moi...

— C'est la joie du triomphe qui le... dit Bezucheux en secouant son ami.

Comment! est-ce que... Le ministère Savoureux n'est pas renversé, par hasard?

— Hélas, pas encore !... Savoureux tient son portefeuille..

— Grands dieux ! il a dédaigné ton concours?... il s'est montré ingrat?. .

— Sais-tu ce qu'il a osé m'offrir? à moi, son secrétaire! son...

— Quoi?

— Une sous-préfecture, mon ami, une simple sous-préfecture! Et quelle sous préfecture !... La tienne, mon ami, la tienne!

— Mon arrondissement montagneux et embêtant?

— Juste! celle où tous les sous-préfets se pendent!

— El tu as refusé avec indignation?

— J'allais refuser... lorsqu'une pensée soudaine m'est venue et j'ai gardé la sous-préfecture pour venir vous l'offrir... Qui veut être sous-préfet?

— Personne, mon bon, nous nous marions...

— Toi, oui, je le sais, mais les autres?....

— Les autres aussi! Lacostade se marie, Pontbuzaud aussi. Saint-Tropez aussi. Bisséco aussi!

— Tous !... Par les soins de l'agence Boulandais?

— Moi par mes seuls mérites, les autres par les soins de l'agence I

— Eh bienl et moi? De quel droit vous mariez-vous sans moi? Nous sommes allés ensemble à l'agence, on doit nous marier ensemble... Vous n'avez pas entendu dire que M. Boulandais me mariât aussi?

— Non...

— Alors c'est de l'injustice. Il vous marie tous et il me néglige... Il y met de la mauvaise volonté... Je vais lui faire des reproches... Allons, personne ne veut de ma sous-préfecture?

— Si, dit Bisséco en s'avançant, j'ai réfléchi, donne-la moi tout de même. Ça fera plaisir à ma femme... Je tâcherai d'avoir de l'avancement!

— Tiens, mon ami, voici la nomination en blanc, je la ferai régulariser. Je vole à la Clef des cœurs.

Cabassol descendait déjà l'escalier. Un fiacre passait devant la porte ; il sauta dedans et donna l'adresse de M. Boulandais.

— Comment! se répétait-il en route, il y a une dame qui semble me voir avec une certaine faveur et mon mariage traîne!... il y a quelque chose de louche!... Moi seul pas marié! Boulandais me trahit.

Les plantations d'orangers symboliques, dans le jardin de l'agence, irritèrent davantage Cabassol. Ces arbrisseaux ridicules semblaient le regarder avec ironie et lui dire : t Nous ne fleurissons pas pour toi! » Cabassol traversa le jardin comme un ouragan et jeta sa carte au domestique.

— M. le directeur est occupé, dit le domestique, si monsieur veut prendre la peine de s'asseoir.

Cabassol ne prit pas la peine de s'asseoir; sans écouter les objections ou sans les entendre, il s'élança vers le cabinet du directeur, ouvrit brusquement la porte... et s'arrêta pétrifié par un spectacle inattendu :

M. Narcisse Boulandais était agenouillé aux pieds d'une dame!

— Comment, s'écria Cabassol, au lieu de vous occuper de vos clients, vous... Ah'

Cette exclamation ne contenait pas simplement de Tâtonnement, elle renfermait de la fureur el éclata comme une cartouche de dynamite.

La dame aux pieds de qui M. Narcisse Boulandais semblait en train de déposer ses hommages personnels, était le n° 475, la jeune veuve particulièrement distinguée par Cabassol parmi les nombreux et brillants partis catalogués à l'agence matrimoniale, celle-là même dont Cabassol sollicitait inutilement la main depuis deux mois, auprès de M. Narcisse Boulandais.

— Voilà donc! s'écria Cabassol en se croisant les bras et en foudroyant d'un regard indigné son infidèle mandataire, voilà donc le secret de vos réticences... Vous combattiez mes préférences pour la plus aimable de vos clientes (Cabassol s'inclina devant la dame), parce que vous vouliez la garder pour vousl

— Monsieur, je marie les autres, mais il ne m'est point interdit de songer à moi !.'.. Décidément, à force de combattre le célibat chez les autres, j'ai pensé à l'attaquer chez moi Je me suis converti moi-même...

— Et la mission dont je vous avais chargé? Vous deviez solliciter la main de madame pour moi, mais j'ai le droit de penser que vous m'avez nui dans son esprit et que vous êtes pour quelque chose dans le refus...

— Le refus? dit la dame n° 475 qui, terrassée par l'émotion, n'avait pas pu dire un seul mot jusque-là.

— Madame ne semblait pas me voir avec trop d'éloi gnement dans nos causeries aux soirées de la Clef des cœurs, reprit Cabassol avec amertume... dans nos douces causeries... Mais vous avez profité de la mission que je vous avais confiée pour étouffer une sympathie naissante...

— Une mission? reprit la dame n° 475, un refus? mais il n'a jamais été question décela...

— Pas question de refus? s'écria Cabassol, mais alors M. Boulandais ne vous a donc rien dit?

— Je n'ai rien dit, fit M. Boulandais, parce que, dans ma grande expérience en matière d'unions, j'ai pensé que celle que vous rêviez n'était pas possible... C'est dans votre intérêt que j'ai agi et que je vous ai proposé d'autres...

Lecture du conti-at.

— D'antres? qui vous parle d'aulrcs? Vous avais-jc, oui ou non, prié d'être mon intermédiaire auprès de madame, non pour lui exprimer de dou* sentiments que je croyais lui avoir laissé entrevoir, mais pour lui demander de ne pas repousser l'offre d'un cœur sincère...

— Je n'ai pas jugé à propos...

— Je sais pourquoi maintenant... Et ce refus que vous m'avez apporté, ce faux refus? Comment qualifier cet abus de confiance? Vous n'aviez rien dit à madame...

Vu ménage équestre.

— Et je pensais tout à l'heure, s'écria la dame n° 475, que M. Boulandais ne parlait pas en son nom personnel, mais bien au nom d'une personne qui s'était laissée deviner... lorsque tout à coup, le voyant se jeter à mes genoux, j'ai compris mon erreur...

— L'espérance renaît en moi! s'écria Cabassol; je vous en supplie, madame, si M. Boulandais au lieu de me tromper indignement, avait rempli sa mission avec fidélité... je vous en supplie, madame, l'auriez-vous chargé de me transmettre... un refus... un refus cruel?

Oubliant ou dédaignant la présence de M. Boulandais, Cabassol allait se laisser tomber aux genoux de la dame n° 475 et pour toute réponse, la dame mettait sa main dans celle que lui tendait Cabassol, lorsque M. Boulandais se précipita entre eux.

— Arrêtez! s'écria-t-il, arrêtez! ce mariage ne peut se faire!

M. et M m « Cubassol en voyage de noces

— Pourquoi? demanda Gabassol en le repoussant?

— Parce que je n'ai qu'à révéler votre nom à madame pour la faire reculer... Je vais tout dire, puisque vous le voulez! tant pis pour vous, vous l'aurez voulu... Madame, savez-vous quel est le nom de monsieur? de monsieur qui sollicite si tendrement et si ardemment votre main et votre cœur?... Eh bien, frémissez ! monsieur s'appelle Gabassol et c'est votre persécuteur 1 l'exécuteur des vengeances de feu votre premier marif

— Hein? s'écria Cabassol.

— Quant à madame, vous devinez son nom, n'est-ce pas? C'est M me Ba-dinard, la très calomniée et très malheureuse M me Badi-nard!