V
La cantinière apache.
u OEil pour œil, dent pour dental Photographie pour photographie 1 Mon sérail qu'un jour chacun de mes soixante-dix-sejpit ennemis découvrît dans le guéridon de son épouse — ou de sa maîtresse, le portrait de Gabassol, mou vengeur !
u trois unir,- à M. Antony Gabassol pour compromettre soixante-dix-sept personnes,; je charge M 1 ' Taparel, fflop ami, de surveiller ses opérations et de lui délivrer largement les fonds nécessaires, au fur et à mesure «les nécessités de ma vengeance.
a S'il se montre indigne de ma confiance et s'il ne fournit pas au bout des brois années Boixante : dix-sept vengeances constatées, ma fortune, frais déduits, devra servir à élever dans un endroit sain et désert, à vingt-cinq lieues environ de Paris, et autant que possible près d'un cours d'eau et dans un site agréable, un REFUGE pour les maris maltraités par le sort.
« Je nomme M 0 Taparel et son principal clerc, M. Nestor Miradoux, mes exécuteurs testamentaires, et je les charge de veiller à la stricte exécution de mes volontés.
« Saint-Germain, le 18 aeût 18.....
« TlMOLÉON BADINARD. »
M e Taparel se tut. Gabassol se passait de temps en temps la main sur le front et se pinçait comme pour bien s'assurer de la réalité de sa préser je dans Le cabinet d'un notaire chargé de lui annoncer de pareilles choses.
— Eh bien, monsieur Antony Gabassol, dois-je conclure de votre silence, demanda le notaire, que vous acceptez le legs de feu Badinard et les graves obligations qui en résultent ?
— Si j'accepte ï s'écria Gabassol en sautant sur son fauteuil, si j'accepte ce legs et cette noble mission ! Avez-vous jamais pu douter un instant que j'hésiterais à me faire le vengeur d'une infortune imméritée, j'en suis sûr I
— Très bien! j'aime cette chaleur, et je suis heureux pour mon ami feu Badinard de vos belles dispositions... Je vais donc vous donner communication de l'album aux soixante-dix-sept photographies. D'après mes instructions, cet album ne doit pas sortir de mon étude, vous prendrez note des noms et qualités des personnages photographiés, et vous graverez leurs traits votre mémoire. Chaque victoire que vous remporterez devra être cons-par un acte notarié, soit par une lettre de la personne compromise, ou même une photographie avec dédicace flatteuse, que nous annexerons àla phot \ l'album.
asol frappa Bur la table d'un air déterminé. M Taparel lit sauter les cachets du paquet contenaifl les photographies. L'album apparut revêtu d'une couverture coquette et galante. Au centre du
Moi, Jean-'l'liimoléuu Bndinard
maroquin rose, se trouvait un cœur doré servant de cible aux flèches de quatre amours disposés aux quatre coins.
— Oh! oh ! fit le notaire, la reliure est significative. Pauvre Badinard !
L'album de M fc » Badin.ird.
L'album possédait cent quarante cases, soixante-dix-sept seulement se trouvaient occupées par des cartes photographiques. Les trois hommes, penchés sur la table, parcoururent rapidement le volume.
— Belle collection 1 dit enfin M« Taparel.
— Remarquable collection, affirma M. Miradoux.
Il y avait un peu de tout parmi la collection des ennemis de Badinard, sur lesquels le vengeur testamentaire allait avoir à se précipiter ; des militaires, des diplomates, des Parisiens, des étrangers, des jeunes gens et des hommes mûrs, des moustaches naissantes et des crânes chauves, de tout enfin, jusque un gômmeux nègre.
Des dédicaces brûlantes accompagnaient la plupart de ces photographies.
A Elle
son
Félicien Cabuzac!
Si je t'aime, ça ne se demande pas!
Hans Klopmann.
Le diable emporte ma femme, à toi mon cœur !
Achille Vauberné.
0 amour! amour! amour! toujours! toujours! toujours! Ou du moins le plus souvent possible.
V e Exupère de Champbadour.
Moi petit nègre, mangerais bonne blanche à tous repas!
LlLI-BoCANDA, ambassadeur de Zanguebar.
En avant!!!
Capitaine Bignol.
Corpo di bacebo ! si jamais les horreurs de la guerre m'amenaient sous vos fenêtres, j'enfoncerais tout, je n'écouterais ni larmes ni prières et ne vous ferais pas de quartier. Vous en valez la peine !
Major Buffarelli.
A toi mon âme !
Cotignac (du Tarn).
Ton œil est un poignard enfoncé dans mon âme.
Ramon Carabellas.
Je n'accorde ma mandoline / Que pour chanter ta crinoline!
Célestin Bedarrous,
poète lyrique.
Etc., etc., etc.
Gabassol, le notaire et le principal clerc se regardèrent pleins d'indignation.
— Oh ! oh !
— Saperlipopette!
— Sacrebleu !
Ce sacrebleu venait de Gabassol qui jugeait convenable d'être plus indigné que les autre?.
— Sacrebleu ! ! ! Je propose, messieurs, d'ouvrir les hostilités immédiatement...
— Bravo ! vous n'avez d'ailleurs pas de temps à perdre, soixante-dix-sept vengeances en trois ans, cela fait_vingt et une et demie par an, c'est un chiffre imposant îllpeiitseprésnnterdesdifficultésàsurmonter, desobslaclesàfranchir.
Refuge pour les maris maltraités par le sort (projet).
— Voulez-vous v m'accorder la permission d'émettre un avis? s'écria M. Nestor Miradoux, eh bien, mon avis serait que M. Gabassol entamât plusieurs affaires à la fois pour mener les choses plus rondement !
— Vous avez raison ! je vais choisir dans l'album un lot de quatre personnages, et je me mettrai immédiatement en campagne !
— C'est cela, dit le notaire, M. Nestor Miradoux, dont je connais l'expérience et les hautes capacités, fera toutes les courses nécessaires, toutes les démarches qu'il faudra pour faciliter votre tâche, dès à présent, il ne va plus que s'occuper de la succession Badinard.
Cabassol ouvre les hostilités et débute en révolutionnant Bullier. — Un notaire qui se dérange.
L'héritier de feu Badinard était un jeune homme énergique. Une situation si nouvelle pour lui, tout à l'heure encore réduit par le manque d'argent, à rester dans ses appartements en costume d'apache, n'avait jeté dans son âme qu'un trouble momentané; maintenant il avait repris toute son assurance et voulait se montrer à la hauteur des circonstances.
Assis calme et ferme devant le bu-A Buiiier. reau de M B Taparel, il feuilletait l'al-
- bum aux photographies pour y chercher ses quatre premières victimes. Tout à coup il poussa une exclamation d'étonnement.
— En voilà un que je connais, dit-il, en montrant la photographie d'un jeune homme barbu, ornée de cette dédicace :
A ELLE
L'amour a mordu mon cœur comme un bocal de sangsues!
Paul Matassin.
— Vous le connaissez, demanda M e Taparel, c'est un pharmacien?
— Non, c'est un étudiant en médecine, un de mes amis Mais, rassurez-rous, du moment où il s'agit de l'exécution de mon mandat, je ne connais plus d'amis, Badinard sera vengé!... que dis-je ? il l'est déjà! J'ai dans ma poche une lettre de mais, non je ne l'ai pas sur moi, mon paletot vient de chez ma tante, et naturellement, avant de l'y conduire, j'en avais retiré les papiers compromettants. La lettre est chez moi, à l'hôtel Hippocrate.