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Tulipia, femme perfide, recevez nos adieux! déclamèrent les cinq gommeux en cliœur.

— Vous êtes des insolents! s'écria-t-elle. Julie, flanquez-moi tout le monde à la porto !

L'inspecteur de VOEU prit son chapeau et suivit Gabassol et les autres.

— Eh bien, et mon explication, dit Gabassol en route, que faisiez-vous ici?

Vous vous en doutez. Chargé par la Compagnie d'assurance Y Œil de préserver M. de Champbadour de... vos entreprises, j'avais appris par la conversation de M" Taparelque, pour uneraison quej'ignore, vous aviez à troubler la tranquillité conjugale ou extraconjugale d'autres personnes... Je vous ai donc surveillé et j'ai bien vite compris que vos cinq amis étaient menacés. Vos amis filaient dans l'ombre des amours mystérieuses : je suis intervenu, comme vous voyez, j'ai découvert avant vous leur secret... un seul secret pu lieu de cinq. Je devais, ces jours-ci, leur proposer de les assurer à notre compagnie...

— Et en attendant vous...

J'avoue qu'en ceci je dépassais quelque peu mes instructions, mais... j'ai un cœur... et je suis faible!

Dans la rue, sur la porte de Tulipia, le secrétaire du commissaire déclara aux faux pickpockets que tous ses soupçons étaient évanouis et qu'ils étaient libres.

— Maintenant que nous avons foudroyé Tulipia, séparons-nous ! dirent les cinq infortunés; demain nous nous expliquerons sérieusement.

Ils se quittèrent, la tête basse, et se perdirent dans des rues différentes. L'inspecteur de VŒU était parti. Cabassol revint seul aussi et furieux.

— Ainsi donc, sans cette fâcheuse affaire de Mabille, sans la découverte des cinq clefs, Bezucheux et les autres ne se seraient pas fâchés avec la belle Tulipia, et je la leur aurais soufflée, et j'aurais accompli cinq vengeances à la fois!... Badinard! Badinard! sur qui vais-je faire tomber ta vengeance, pour me rattraper? Patience ! patience, ô Badinard! demain grand conseil avec tes exécuteurs testamentaires, et tu verras mon zèle !

LA GPANDE MASCARADE PARISIENNE

LE CLUB

DE BILLES DE BILLARD

D.65-82—IMPRIMERIE D. BARDIN ET C e , A SAINT-GERMAIN.

LA GRANDE MASCARADE PARISIENNE

LE CLUB

BILLES DE BILLARD

TEXTE ET DESSINS

A. ROBIDA

PARIS

LIBRAIRIE ILLUSTRÉE ! LIBRAIRIE M. DREYFOUS

7, RUE DU CROISSANT.

LA GRANDE MASCARADE PARISIENNE

DEUXIÈME PARTIE

CLUB DES BILLES DE BILLARD

 

I

Recherche d'un crâne. — Une réception aux Billes de Billard. — Une photographie mystérieuse.

Antony Cabassol, ce brave et consciencieux garçon, était dans un état de désolation impossible à décrire. La série d'échecs qui venaient de l'accabler lui avait en partie enlevé cette belle confiance en soi qui lui avait fait accepter si hardiment le mandat de vengeur testamentaire de feu M. Timoléon Badinard. Trois vengeances en quatre mois, c'était peu pour un homme qui n'avait que trois ans pour en exécuter soixante-dix-sept! Cabassol, humilié, sentait que le vindicatif Timoléon Badinard, du haut du ciel, sa demeure dernière, devait froncer un sourcil mécontent ! Liv. 21.

Et M c Taparel et M. Nestor Miradoux, les exécuteurs testamentaires, que devaient-ils penser, eux aussi, de ce vengeur qui ne vengeait pas, de ce léga-laire qui n'exécutait pas les conditions imposées!

Cabassol, accablé, faisait ces tristes i 11 exions, assis dans le cabinet de M 0 Ta-parel, le lendemain du jour où, apercevant la possibilité d'exécuter cinq ven-P'ances en une seule, il s'était vu souffler à son nez et à sa barbe la belle Tulipia Balagny, l'ange de Bézucheux de la Fricollière et Compagnie, enlevée par l'inspecteur de VŒU.

M 0 Taparel et son principal clerc, assis devant un monceau de papiers et de factures, prenaient des notes et tiraient au clair la situation des affaires de la succession Badinard. Bientôt, après avoir aligné des colonnes de chiffres et terminé de longues additions, M. Nestor Miradoux prit une feuille de papier timbré et écrivit :

SUCCESSION BADINARD Situation au 10 juin 18...

Vengeances exercées.

Reste.

Total des sommes déboursées, dépenses, trais prévus et imprévus, loyers, frais de maison du légataire, M. Cabassol, etc., etc. . . . 327,D82 fr. 6o Reconnu et approuvé par nous, légataire et exécuteurs testamentaires.

—Voulez-vous signer? demanda Miradoux à Cabassol, après avoir donné lecture de cette pièce.

— Et qu'allons-nous faire? demanda Cabassol, après avoir paraphé.

— Lutter! s'écria M 0 Taparel en frappant du poing sur la table, lullcr courageusement! Nous avons eu le malheur, après avoir bien commencé, de tomber sur un mari assuré à la Compagnie VOEU, mais cela ne se représentera peut-être plus Il faut nous remettre prudemment à la besogne, pour ne pas donner l'éveil à cette Compagnie qui continuerait sans doute à mettre, pour se créer des clients, des bâtons dans nos roues ! Donc prudence et discrétion, et en avant!

— Trè; bien I lit Miradoux,

— Allons, vous me rendez le courage ! s'écria Gabassol; sur qui vais-je me lancer ?

— Un instant, fit M e Taparel, ne choisissons pas; si vous m'en croyez, nous allons nous en remettre au hasard pour trouver l'ennemi contre lequel nous devrons opérer. Voici l'album aux photographies, prenez en une sans regarder,.

— Suit, dit Gabassol, au hasard de la fourchette ! une, deux, trois, voilà !

Une chaude explication.

Et sans regarder, il ouvrit vivement l'album à une page quelconque.

Les trois hommes se penchèrent sur la ; hotographie amenée par le sort, en poussant une exclamation de désappointement. Elle représentait tout simplement une large plaque jaune, blanche par endroits, et parsemée de taches foncées, laquelle plaque avait pu autrefois être une figure d'homme, mais n'était plus qu'une sorte de reflet perdu, le portrait d'un vague fantôme, d'une apparition sans contours arrêtés et sans forme précise. * Au-dessous se lisaient les mots :

En v regardant de plus près avec une grande attention, Cabassol finit par découvrir un point où le nouveau procédé s'était montré un peu plus inaltérable qu'ailleurs. C'était le sommet de la tête de l'individu photographié : on distinguait une tache blanche qui devait être un crâne dépouillé de cheveux. Et c'était tout; du nez, des yeux, de la barbe, nulle trace, le crâne seul avait survécu au désastre.

— Allons, s'écria Cabassol, voilà un faible point de départ ! ce crâne est un indice bien mince pour reconnaître un homme. Comment, avec cela seulement, parvien-drai-je aie découvrir dans Paris, où fourmillent les crânes que les orages de la vie ont dénudés? N'importe, je le découvrirai, il le faut ! le hasard m'a donné cette tâche, je la mènerai à bien, je trouverai ce crâne, et je vengerai sur lui le pauvre Badinard ! —Voilà une grande difficulté ! fit le notaire, je ne vois pas trop comment nous percerons l'incognito du monsieur qui se cache sous ce crâne.

Le président du club de3 Billes de billard.

— Quand je devrais prendre un à un tous les chauves de Paris, j'y parviendrai. Les difficultés de l'entreprise me fouettent le sang et font renaître mon ardeur, je trouverai le porteur de ce crâne...

— Et s'il a trouvé une eau pour faire repousser les cheveux?

— Et s'il portait maintenant perruque ?