Выбрать главу

— Il nous faut des chevaux, dit Egwene. Je sais dans quelles écuries est Bela, mais essayer d’y aller risque d’être dangereux.

— Nous allons abandonner ta jument, souffla Nynaeve. Parce que nous partons en bateau…

— Où sont passés les gens ? demanda soudain Min.

Nynaeve regarda autour d’elle et s’aperçut que la rue était déserte. Il n’y avait plus l’ombre d’un passant et tous les commerçants avaient fermé boutique. Mais, tout au bout de la rue, venant du port, une centaine de soldats avançaient au pas, un officier au casque et à l’armure peints ouvrant la marche. Tandis qu’ils approchaient, Nynaeve eut l’étrange impression que tous rivaient le regard sur elle.

C’est ridicule ! Avec leur casque, je ne vois pas leurs yeux, et si quelqu’un avait donné l’alerte les soldats arriveraient dans notre dos…

Elle s’immobilisa néanmoins.

— Il y en a d’autres derrière nous, annonça Min. Vous entendez les bruits de bottes ? J’ignore lesquels arriveront les premiers.

— Ce n’est pas après nous qu’ils en ont… (Nynaeve regarda au-delà des soldats, le port où mouillaient les gros navires seanchaniens et où le Poudrin était censé les attendre.) Nous allons les croiser sans problème.

Lumière, fais que ce soit vrai !

— Et s’ils veulent que tu ailles avec eux ? demanda Elayne. Tu portes une robe de sul’dam. Imagine qu’ils te posent des questions…

— Je n’y retournerai pas ! s’écria Egwene. Plutôt mourir ! Mais avant, je vais leur montrer que j’ai bien retenu mes leçons !

Nynaeve vit une aura jaune briller autour de la jeune fille.

— Non ! lança-t-elle.

Mais il était déjà trop tard. Dans un vacarme de fin du monde, la rue s’ouvrit sous les pas des soldats qui montaient du port. Des pavés volèrent dans les airs et des hommes furent soulevés de terre. Son aura toujours vive, Egwene se tourna et frappa l’autre détachement de Seanchaniens. Alors que la poussière retombait en pluie sur les quatre femmes, les soldats survivants se dispersèrent en bon ordre et allèrent se cacher dans des ruelles adjacentes. En quelques secondes, il ne resta plus en vue que les cadavres et les blessés.

Tentant de regarder dans les deux directions à la fois, Nynaeve leva les bras au ciel.

— Idiote ! Nous voulions passer inaperçues !

Eh bien, c’était raté. Mais avec un peu de chance, en passant par les ruelles, elles atteindraient peut-être le port au prix d’un assez long détour.

Mais les damane doivent être alertées… Elles ne peuvent pas avoir manqué ça.

— Je n’y retournerai pas ! répéta Egwene. Pas question !

— Attention ! cria Min.

Avec un étrange gémissement, une lance de feu grosse comme un cheval venait de passer au-dessus d’un toit et amorçait sa retombée. Droit sur les quatre femmes.

— Filez ! ordonna Nynaeve.

Elle se rua vers la ruelle la plus proche, entre deux boutiques fermées. Finissant sur un plongeon, elle atterrit rudement sur le ventre, le souffle coupé. Une seconde plus tard, l’onde de chaleur d’une explosion la survola. Toujours haletante, elle roula sur le dos et sonda la rue d’où elle venait.

Sur un cercle d’au moins dix pas de diamètre, les pavés de la rue éventrée étaient noirs comme du charbon. En face de Nynaeve, Elayne s’était réfugiée dans une autre ruelle. En revanche, Min et Egwene n’étaient nulle part en vue. Les sangs glacés, Nynaeve plaqua une main sur sa bouche.

Elayne comprit ce qu’elle pensait et secoua frénétiquement la tête. Puis elle tendit un bras en direction du port. Leurs deux amies étaient parties par là.

Nynaeve soupira de soulagement avant de grogner de rage.

Petite idiote ! On aurait sûrement pu les croiser sans anicroche.

Mais l’heure n’était pas aux reproches. Avançant jusqu’au coin de la ruelle, Nynaeve jeta un coup d’œil dans la rue… et rentra très vite la tête pour éviter une énorme lance de feu qui explosa très près d’elle, la criblant d’éclats de pierre.

La fureur lui permit d’entrer en contact avec le saidar avant même qu’elle ait décidé de le faire. Un éclair zébra le ciel et vint s’écraser derrière une maison, là d’où semblait être partie la lance de feu. La riposte ne se fit pas attendre, et l’ancienne Sage-Dame jugea qu’il était temps de détaler en direction du port.

Si Domon ne nous a pas attendues, je… Lumière, aide-nous à y arriver toutes les quatre !

Lorsqu’un éclair déchira le ciel, Bayle Domon se leva d’un bond. Un deuxième éclair suivit de très près, frappant lui aussi au cœur de la ville.

Dans un ciel pratiquement sans nuages ?

Un rugissement monta de la cité, puis une lance de feu s’abattit sur un bâtiment, juste au-dessus des quais. Des éclats de tuile volèrent dans les airs puis retombèrent sans blesser personne, puisque la zone, très curieusement, était déserte. Enfin, à l’exception de quelques soldats qui couraient à présent dans tous les sens, arme au poing.

Un militaire sortit d’un entrepôt, un grolm à ses côtés, et allongea sa foulée pour courir en compagnie du monstre vers l’endroit de la toute première explosion.

Un des marins du Poudrin ramassa une hache et la brandit, résolu à couper une amarre.

Domon bondit, saisit au vol le manche de la hache et referma sa main libre sur la gorge du type.

— Aedwin Cole, le Poudrin n’appareillera pas avant que j’en aie donné l’ordre !

— Capitaine, cria Yarin, ils deviennent fous !

Une explosion bien plus forte que les précédentes se répercuta dans tout le port, effrayant jusqu’aux mouettes. D’autres éclairs s’abattaient sur Falme, comme si un ennemi céleste l’attaquait.

— Les damane vont nous tuer tous ! Filons pendant que ces fous furieux sont occupés à se massacrer. Ils ne feront pas attention à nous, c’est certain !

— J’ai donné ma parole, dit simplement Domon. (Il arracha la hache à Cole et la jeta au loin.) Ma parole, par la bonne Fortune !

Mais presse-toi, femme ! Que tu sois une Aes Sedai ou non, presse-toi !

Geofram Bornhald n’accorda pas une importance énorme aux éclairs qui zébraient le ciel de Falme. Il nota cependant qu’une créature volante – sans doute un des monstres seanchaniens – fuyait à toute allure pour éviter d’être touchée. S’il y avait un orage, cela ralentirait les Seanchaniens autant que les Fils de la Lumière. Une excellente raison pour ne pas s’en faire…

Des collines très peu boisées, même si certaines étaient au sommet couvertes de buissons, se dressaient entre le seigneur capitaine et la ville. Du coup, ses hommes et lui n’étaient pas visibles non plus pour les citadins.

La colonne de Fils de la Lumière attendait derrière son chef, tel un long serpent prêt à frapper dès qu’on le lui ordonnerait. De plus en plus violent, le vent faisait gonfler les capes blanches et cinglait la bannière de l’ordre – un soleil jaune barré de lignes ondulées – sous laquelle se tenait Bornhald.

— Il est temps, Byar…, souffla celui-ci.

Son second hésitant, il changea de ton :

— Tu dois partir, Fils de la Lumière Byar !

Byar posa la main sur son cœur et s’inclina.