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— Que voulez-vous dire ? Et qui êtes-vous ?

La femme avança jusqu’au lit. Devant sa grâce et sa fluidité, Min éprouva un sentiment qui lui était jusque-là inconnu : l’envie.

Comme si elle était seule avec lui, l’inconnue caressa le front de Rand.

— Il n’y croit pas encore, dit-elle. Il le sait, mais il n’y croit pas. J’ai guidé ses pas, je l’ai poussé, tiré, fait avancer et convaincu de suivre son chemin… Il a toujours été têtu mais, cette fois, il ne m’échappera pas. Ishamael pense contrôler les événements, mais c’est moi qui les tiens entre mes mains…

Min eut l’impression que la femme dessinait une marque sur le front du blessé. Un Croc du Dragon, semblait-il…

— Qui êtes-vous ?

L’inconnue se contenta de regarder la jeune femme, qui recula contre l’oreiller, serrant frénétiquement Rand contre elle.

— Je m’appelle Lanfear, petite.

Une des Rejetés ? Par la Lumière ! non !

Voyant Min secouer furieusement la tête, Lanfear eut un sourire méprisant.

— J’ai le droit d’aînesse, gamine. Lews Therin a toujours été à moi, et il le restera toujours. Prends bien soin de lui jusqu’à mon retour.

Sur ces mots, la visiteuse se volatilisa.

En un clin d’œil ! Un instant présente, et plus celui d’après… S’avisant qu’elle s’était réfugiée près de Rand, Min comprit qu’elle cherchait sa protection. Rien de glorieux, dans la situation présente, mais c’était ainsi…

Une détermination d’acier sur son visage émacié, Byar galopait avec le soleil couchant dans le dos. Depuis qu’il s’était lancé au galop, il n’avait pas tourné la tête une seule fois. Malgré le brouillard, il avait vu à Falme tout ce qu’il avait besoin de voir. La légion massacrée… Le seigneur capitaine mort… Et, à cela, une seule explication : des Suppôts avaient trahi les Fils de la Lumière. Oui, des Suppôts tels que ce Perrin de Deux-Rivières. Voilà ce qu’il allait dire à Dain Bornhald, le fils de Geofram, actuellement occupé à surveiller Tar Valon avec d’autres Fils de la Lumière.

Mais il avait de pires révélations à faire. Et, celles-ci, seul Pedron Niall les entendrait. Oui, il devait décrire au seigneur général ce qu’il avait vu dans le ciel de Falme.

Forçant sa monture à accélérer encore, Byar continua son chemin sans jamais regarder derrière lui.

49

Ce qui devait être

Rand ouvrit les yeux et se retrouva en train de regarder les rayons de soleil qui filtraient des branches d’un buisson aux larges feuilles encore vertes en cette période de l’année. Dans le vent qui les agitait, on sentait comme un augure de neige, peut-être pour la tombée de la nuit. Alors que sa chemise et sa veste semblaient avoir disparu, Rand sentit que quelque chose lui serrait assez fort la poitrine. En tout cas, son flanc gauche lui faisait un mal de chien.

Levant les yeux, il constata que Min était assise à côté de lui. En robe ! Dans une telle tenue, il avait failli ne pas la reconnaître.

— Min… D’où viens-tu donc ? Et, d’abord, où sommes-nous ?

La mémoire de Rand n’était plus qu’un miroir brisé. Il revoyait de très anciens événements, mais les derniers jours devaient compter parmi les fragments qu’il avait perdus. Ou, en tout cas, qu’il ne parvenait pas à assembler de manière cohérente.

— Je viens de Falme… Toi aussi, d’ailleurs. Nous sommes à cinq jours de cheval à l’est de la ville, et tu as dormi tout ce temps.

— Falme ?

Des images se formèrent. Mat avait soufflé dans le Cor de Valère…

— Egwene ! Est-elle… ? Ont-ils réussi à la libérer ?

— Qui ça, « ils » ? Cela dit, elle est libre, mais c’est nous qui l’avons délivrée.

— Nous ? Je ne comprends pas…

Qu’importe, si elle est sauvée !

— Nynaeve, Elayne et moi !

— Nynaeve ? Elayne ? Vous étiez toutes à Falme ?

Rand voulut s’asseoir, mais Min le repoussa sans peine et resta au-dessus de lui, les mains sur ses épaules, le regardant gravement.

— Où est Egwene ?

Min rosit légèrement.

— Partie… Ils sont tous partis. Egwene, Nynaeve, Mat, Hurin et Verin. Le renifleur ne voulait pas te laisser, tu peux me croire. Ils chevauchent vers Tar Valon. Egwene et Nynaeve pour reprendre leur formation et Mat pour voir ce que les Aes Sedai peuvent faire pour lui, maintenant qu’il a la dague. Ils ont emporté le Cor de Valère. Je ne parviens pas à croire que je l’ai vu de mes yeux !

— Partie…, marmonna Rand. Elle n’a même pas attendu que je me réveille.

Les joues de Min se colorant de plus en plus, elle baissa les yeux sur son giron.

Rand leva les mains pour se palper le visage, mais il se pétrifia, les yeux rivés sur ses paumes. Désormais, un héron était également imprimé sur sa main gauche, chaque ligne nette et claire.

« Une fois le héron, pour tracer son chemin Une deuxième fois le héron, pour dire son vrai nom… »

— Non ! s’écria Rand.

— Ils sont partis, dit Min, se méprenant sur le sens de ce « non ». Toutes tes dénégations n’y changeront rien.

Rand secoua la tête. Une petite voix lui souffla que sa blessure au flanc était lourde de sens. Il ne se souvenait plus de l’avoir récoltée, mais c’était un événement important. Il fit mine de soulever sa couverture pour jeter un coup d’œil à son torse, mais Min lui flanqua une tape sur la main.

— Ne touche pas ! Ce n’est pas encore cicatrisé… Verin a essayé de te guérir, mais ça n’a pas agi comme elle l’aurait voulu. (Min se mordilla pensivement la lèvre inférieure.) Selon Moiraine, Nynaeve a dû faire quelque chose, sinon tu n’aurais pas survécu jusqu’à ce qu’on puisse te confier à Verin. Mais ton ancienne Sage-Dame prétend avoir été trop terrifiée pour pouvoir allumer une bougie avec le Pouvoir. Rand, quelque chose cloche avec ta blessure… Tu vas devoir attendre qu’elle guérisse naturellement.

Min était troublée, devina Rand, et elle ne parvenait pas à le cacher.

— Moiraine est avec nous ? Quel dommage ! En apprenant que Verin était partie, je me suis cru débarrassé à jamais des Aes Sedai !

— Oui, je suis ici, dit Moiraine.

Tout de bleu vêtue, elle avança, sereine comme si elle était à la Tour Blanche, et vint se camper devant Rand.

Min plissa le front, comme si elle avait bien l’intention de défendre son ami contre l’Aes Sedai.

— Eh bien, j’aimerais mieux que vous n’y soyez pas, dit Rand. Si ça ne tient qu’à moi, vous pouvez retourner à l’endroit où vous vous cachiez et y rester.

— Je ne me cachais pas, Rand… Sur la pointe de Toman et à Falme, j’ai essayé de faire de mon mieux… Ce n’était pas grand-chose, mais j’ai beaucoup appris… Et, même si je n’ai pas pu sauver deux Aes Sedai, laissant les Seanchaniens les faire monter sur un bateau avec les Enchaînées, je n’ai rien à me reprocher.

— Votre mieux, vraiment ? Vous avez chargé Verin de jouer les chiens de berger, mais je ne suis pas un mouton… Vous m’avez dit que je pouvais aller où je voulais. Eh bien, j’ai l’intention de filer quelque part où vous n’êtes pas.

— Je n’ai chargé Verin d’aucune mission… Elle a agi de sa propre initiative. Sais-tu que tu fascines beaucoup de gens, Rand ? Au fait, tu as trouvé Fain, ou est-ce lui qui t’a trouvé ?

Le brusque changement de sujet désarçonna Rand.

— Fain ? Ni l’un ni l’autre… Mais je suis un héros de première ! Je voulais sauver Egwene, et Min s’en est occupée avant moi. Fain a menacé de s’en prendre à Champ d’Emond si je me dérobais à notre duel, et je n’ai même pas réussi à l’apercevoir. Est-il parti avec les Seanchaniens ?