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SCÈNE NEUVIÈME

HÉLÈNE, ANDROMAQUE, OIAX, puis HECTOR

OIAX. – Où est-il? Où se cache-t-il? Un lâche! un Troyen!

HECTOR. – Qui cherchez-vous?

OIAX. – Je cherche Pâris…

HECTOR. – Je suis son frère.

OIAX. – Belle famille! Je suis Oiax! Qui es-tu?

HECTOR. – On m’appelle Hector.

OIAX. – Moi je t’appelle beau-frère de pute!

HECTOR. – Je vois que la Grèce nous a envoyé des négociateurs. Que voulez-vous?

OIAX. – La guerre!

HECTOR. – Rien à espérer. Vous la voulez pourquoi?

OIAX. – Ton frère a enlevé Hélène.

HECTOR. – Elle était consentante, à ce que l’on m’a dit.

OIAX. – Une Grecque fait ce qu’elle veut. Elle n’a pas à te demander la permission. C’est un cas de guerre.

HECTOR. – Nous pouvons vous offrir des excuses.

OIAX. – Les Troyens n’offrent pas d’excuses. Nous ne partirons d’ici qu’avec votre déclaration de guerre.

HECTOR. – Déclarez-la vous-mêmes.

OIAX. – Parfaitement, nous la déclarerons, et dès ce soir.

HECTOR. – Vous mentez. Vous ne la déclarerez pas. Aucune île de l’archipel ne vous suivra si nous ne sommes pas les responsables… Nous ne le serons pas.

OIAX. – Tu ne la déclareras pas, toi, personnellement, si je te déclare que tu es un lâche?

HECTOR. – C’est un genre de déclaration que j’accepte.

OIAX. – Je n’ai jamais vu manquer à ce point de réflexe militaire!… Si je te dis ce que la Grèce entière pense de Troie, que Troie est le vice, la bêtise?…

HECTOR. – Troie est l’entêtement. Vous n’aurez pas la guerre.

OIAX. – Si je crache sur elle?

HECTOR. – Crachez.

OIAX. – Si je te frappe, toi son prince?

HECTOR. – Essayez.

OIAX. – Si je te frappe en plein visage le symbole de sa vanité et de son faux honneur?

HECTOR. – Frappez…

OIAX, le giflant. – Voilà… Si Madame est ta femme, Madame peut être fière.

HECTOR. – Je la connais… Elle est fière.

SCÈNE DIXIÈME

HÉLÈNE, ANDROMAQUE, OIAX, HECTOR, DEMOKOS

DEMOKOS. – Quel est ce vacarme! Que veut cet ivrogne, Hector?

HECTOR. – Il ne veut rien. Il a ce qu’il veut.

DEMOKOS. – Que se passe-t-il, Andromaque?

ANDROMAQUE. – Rien.

OIAX. – Deux fois rien. Un Grec gifle Hector, et Hector encaisse.

DEMOKOS. – C’est vrai, Hector?

HECTOR. – Complètement faux, n’est-ce pas Hélène?

HÉLÈNE. – Les Grecs sont très menteurs. Les hommes grecs.

OIAX. – C’est de nature qu’il a une joue plus rouge que l’autre?

HECTOR. – Oui. Je me porte bien de ce côté-là.

DEMOKOS. – Dis la vérité, Hector. Il a osé porter la main sur toi?

HECTOR. – C’est mon affaire.

DEMOKOS. – C’est affaire de guerre. Tu es la stature même de Troie.

HECTOR. – Justement. On ne gifle pas les statues.

DEMOKOS. – Qui es-tu, brute? Moi, je suis Demokos, second fils d’Achichaos!

OIAX. – Second fils d’Achichaos? Enchanté. Dis-moi, cela est-il aussi grave de gifler un second fils d’Achichaos que de gifler Hector?

DEMOKOS. – Tout aussi grave, ivrogne. Je suis le chef du Sénat. Si tu veux la guerre, la guerre jusqu’à la mort, tu n’as qu’à essayer.

OIAX. – Voilà… J’essaie.

Il gifle Demokos.

DEMOKOS. – Troyens! Soldats! Au secours!

HECTOR. – Tais-toi, Demokos.

DEMOKOS. – Aux armes! On insulte Troie! Vengeance!

HECTOR. – Je te dis de te taire.

DEMOKOS. – Je crierai! J’ameuterai la ville!

HECTOR. – Tais-toi!… Ou je te gifle!

DEMOKOS. – Priam! Anchise! Venez voir la honte de Troie. Elle a Hector pour visage.

HECTOR. – Tiens!

Hector a giflé Demokos. Oiax s’esclaffe.

SCÈNE ONZIÈME

LES MÊMES, PRIAM ET LES NOTABLES

Pendant la scène, Priam et les notables viennent se grouper en face du passage par où doit entrer Ulysse.

PRIAM. – Pourquoi ces cris, Demokos?

DEMOKOS. – On m’a giflé.

OIAX. – Va te plaindre à Achichaos!

PRIAM. – Qui t’a giflé?

DEMOKOS. – Hector! Oiax! Hector! Oiax!

PÂRIS. – Qu’est-ce qu’il raconte? Il est fou!

HECTOR. – On ne l’a pas giflé du tout, n’est-ce pas, Hélène?

HÉLÈNE. – Je regardais pourtant bien, je n’ai rien vu.

OIAX. – Ses deux joues sont de la même couleur.

PRIAM. – Les poètes s’agitent souvent sans raison. C’est ce qu’ils appellent leurs transes. Il va nous en sortir notre chant national.

DEMOKOS. – Tu me le paieras, Hector…

DES VOIX. – Ulysse. Voici Ulysse…

Oiax s’est avancé tout cordial vers Hector.

OIAX. – Bravo! Du cran. Noble adversaire. Belle gifle…

HECTOR. – J’ai fait de mon mieux.

OIAX. – Excellente méthode aussi. Coude fixe. Poignet biaisé. Grande sécurité pour carpe et métacarpe. Ta gifle doit être plus forte que la mienne.

HECTOR. – J’en doute.

OIAX. – Tu dois admirablement lancer le javelot avec ce radius en fer et ce cubitus à pivot.

HECTOR. – Soixante-dix mètres.

OIAX. – Révérence! Mon cher Hector, excuse-moi. Je retire mes menaces. Je retire ma gifle. Nous avons des ennemis communs, ce sont les fils d’Achichaos. Je ne me bats pas contre ceux qui ont avec moi pour ennemis les fils d’Achichaos. Ne parlons plus de guerre. Je ne sais ce qu’Ulysse rumine, mais compte sur moi pour arranger l’histoire…

Il va au devant d’Ulysse avec lequel il rentrera.

ANDROMAQUE. – Je t’aime, Hector.