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— Moi non plus, dit-il.

Mc Cash réajusta son bandeau pour éviter de se gratter, but une gorgée d’eau dans la bouteille qui traînait là et lui demanda de le déposer à la gendarmerie. Elle mit le contact :

— Qu’est-ce que tu vas dire à Ledu ?

— Ça dépend si tu marches avec moi, dit-il.

— Pourquoi tu ne dirais pas la vérité ?

— Ledu me collerait en garde à vue. Ça, je ne peux pas…

Il secouait doucement la tête, le front plissé.

— Pourquoi ? demanda-t-elle.

Mais il ne répondait pas : il avait clos ses paupières. Elle posa la main sur son épaule :

— Tu as mal à ton œil, c’est ça ?

Mc Cash inspira profondément, vapeur et pluie, rouvrit les yeux… Bientôt il n’y verrait plus rien.

— Dépose-moi, dit-il.

*

— Avouez que c’est curieux ! renchérit Ledu. D’abord vous passez au foyer de l’enfance, vous demandez à voir Le Guillou et on le retrouve le lendemain mort dans sa grange.

— Les assassins sont d’ordinaire plus discrets, acquiesça Mc Cash. J’avais loué une fanfare mais ils ne sont pas venus, ces cons-là.

— N’empêche qu’il a été assassiné.

Le sapin en plastique clignotait dans le coin du bureau. Pour le reste, c’était la même odeur de photocopieuse et d’after-shave de grande surface.

— On a tenté de les effacer mais il y a des traces de lutte dans la grange, poursuivit le chef des gendarmes. (Il désigna sa main bandée.) Vos explications au sujet de votre blessure ne tiennent pas debout : depuis quand faites-vous du jardinage, Mc Cash ?

— Depuis ma plus tendre enfance. Je faisais aussi de la poterie mais j’ai abandonné.

— Et on peut la voir, cette fameuse serpette ?

— C’est un peu encombrant, je l’ai laissée chez moi, répondit-il. Je vous signale simplement que je l’ai nettoyée : au cas où vous chercheriez à savoir si Le Guillou ne se serait pas tué avec avant de se suicider.

D’après ses souvenirs, il y avait une serpette dans la remise de sa baraque… Ledu ne le croyait pas.

— D’après l’autopsie, dit-il, le directeur du foyer est mort aux alentours de l’heure où vous êtes passé au foyer.

— Je croyais que j’étais un pervers ?

— Ça va souvent de pair. Vous étiez où ces jours-ci ?

— Entre les seins d’une femme, la plupart du temps.

— Ah oui ?

— Énormes.

— Je vous conseille d’arrêter votre cirque, Mc Cash. Ex-flic ou pas, vous étiez tenu de rester dans les environs et vous avez disparu au moment même où mourait Le Guillou. Et ce n’est pas tout… Je vous ai laissé plusieurs messages sans obtenir de réponse, alors vous allez me dire tout de suite où vous étiez, avant que je vous colle en garde à vue.

— À la montagne, concéda le borgne. Dans le Jura… J’avais des choses urgentes à régler.

— Plus urgentes que de rester à la disposition des autorités ! glapit Ledu. On peut savoir de quoi il retourne ?

— Des affaires personnelles.

— De quel genre ?

— Le genre personnel.

— Ça vous dispensait de répondre au téléphone ?

— Le chalet était isolé. Le portable ne passait pas.

— Et vous avez fait du ski avec votre main blessée ?

Ce n’était pas vraiment une question.

— On n’était pas là-bas pour skier, répondit Mc Cash.

— Oui, ironisa le gendarme, je sais que vous êtes très porté sur la peau de bête devant la cheminée… (Il lissa sa courte moustache comme s’il la nettoyait.) J’imagine que la femme en question pourra confirmer…

— Oui, dit-il. Quoique avec tout ce qu’on raconte sur la simulation…

Leurs regards se croisèrent. Même le silence avait envie de se foutre des baffes.

— Vous savez quand même qui est cette personne ? demanda l’adjudant.

— Saholy, répondit le borgne. C’est son petit nom.

— L’assistante sociale ? (Le gendarme ne cacha pas sa surprise.) Saholy Debetz, dit-il en griffonnant sur son carnet. Bien, nous vérifierons… Mais ce n’est pas une explication valable… Maintenant passons à la petite Alice, dit-il sans cesser de le dévisager. Vous connaissez, non ?

— Je l’ai accompagnée au foyer, répondit le borgne. Elle avait oublié des affaires lors de son séjour là-bas. Le directeur était, paraît-il, au courant…

— Invérifiable puisqu’il est mort.

— Que voulez-vous que j’y fasse ?

— Vous savez que la petite est portée disparue ? Sa famille d’accueil a été sauvagement assassinée et leur maison partiellement incendiée. Les pompiers sont arrivés à temps mais il y avait plusieurs cadavres dans la maison, sauf Alice, introuvable… Vous êtes la dernière personne à l’avoir vue en vie, déclara-t-il. J’entame la procédure de garde à vue ou vous me dites ce que vous savez.

C’était absolument au-dessus de ses forces :

— Il y avait une troisième personne avec nous dans le Jura, concéda Mc Cash.

— Ah oui ?

— Alice.

Jusqu’alors enrobé dans son fauteuil, Ledu avança les coudes sur le buvard.

— Nous y voilà… Et qu’est-ce qu’elle faisait avec vous dans le Jura, cette enfant portée disparue ?

Mc Cash avait l’œil cramoisi.

— C’est ma fille, dit-il.

Sur le coup, l’adjudant fut totalement désarçonné. Ça ne collait pas du tout avec ce qu’il avait imaginé.

— Je n’ai appris son existence qu’à la mort de sa mère, poursuivit Mc Cash. Alice n’est au courant de rien. Elle me croit mort. J’ai demandé de l’aide à l’assistante sociale qui s’est occupée d’elle et on est convenus d’organiser quelques jours de vacances ensemble, avec les Plabennec, pour voir si ça pouvait coller entre nous…

L’esprit de Ledu flotta un moment — il le revoyait à la sortie de l’école, quand ils l’avaient surpris dans les sapins, ses réponses biaisées…

— Alice avait oublié ses affaires de ski au foyer, continua Mc Cash. On passait les prendre avant de filer dans le Jura. Quand nous sommes allés chez les Plabennec, ils étaient en pleine forme…

Les dates correspondaient.

— Pourquoi ne pas me l’avoir dit tout de suite ? protesta Ledu, désarçonné.

— Parce que je suis malade et que je vais bientôt mourir.

Ça jeta un froid dans le bureau du fonctionnaire. C’est vrai que le borgne n’avait pas l’air d’aller fort… Mais il mentait.

— Ne jouez pas aux imbéciles, Mc Cash : j’ai une demi-douzaine de cadavres sur les bras et j’ai le sentiment que quelqu’un fait le ménage avant moi… On a repêché un homme dans le Meu, pas très loin de chez Le Guillou, justement : un certain Borovitch, ancien militaire connu des services d’Europol comme tueur ou homme de main pour le compte de diverses mafias… On a retrouvé des papiers dans le bureau du directeur du foyer. Vous n’êtes pas au courant ?

— Je ne vois pas comment.

— La fillette repêchée dans le Meu a sans aucun doute été victime du trafic en question : on a relevé ses empreintes chez Le Guillou. On ne sait pas comment les choses se sont passées mais lui, le dénommé Borovitch, et peut-être les deux autres hommes retrouvés chez les Plabennec, ont été tués par la même personne… Vous.

La vue du borgne se brouillait.

— Je n’ai pas tué Le Guillou.

— Il y a juste un petit hic, enchaîna Ledu : un témoin a vu votre véhicule près de chez lui, le jour de sa mort.

Merde.

— Quel témoin ?