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— Vos vars, vous voulez dire. Parce que les Upsalas préfèrent la procréation d’été ! Ça, je vous prie de croire que ça les rend populaires auprès des hommes, bredouilla Odo.

Elle remplit son verre en en renversant la moitié à côté.

— Ce système ne marcherait jamais à la campagne, nota Maïa.

— C’est vrai. La vie citadine offre des services publics, un grand nombre d’opportunités de carrière…

— Parlons-en ! Est-il exact que vous choisissez des professions différentes de crainte de vous rencontrer ?

Pendant qu’Odo riait sous cape, Maïa réfléchissait. Les Upsalas réussissaient manifestement dans tout ce qu’elles touchaient, et en partant chaque fois de zéro. Les Upsalas pourraient bien un jour posséder Stratos tout entière. Pas étonnant que la présence de Brill inquiète Odo, malgré la profession innocente qu’elle avait choisie.

« Le génie leur a permis de surmonter le handicap du manque d’harmonie. Leie et moi ne sommes pas des génies, mais nous ne nous détestons pas non plus. Si nous sortons vivantes de ce pétrin, nous pourrions peut-être nous inspirer des Upsalas. »

— Eh bien, c’était très agréable, reprit Brill. Si nous nous remettions au travail, à présent ? Ma baby-sitter double son tarif horaire après dix heures.

Les tests suivants mesuraient le potentiel crypto-mathématique. Une heure durant, Maïa livra des batailles miniatures contre une grille informatisée comme celle de Renna. Brill la soumit à des épreuves de plus en plus difficiles jusqu’à ce qu’elles deviennent impossibles. C’était un exercice qui exigeait de la concentration, de l’intuition et beaucoup d’habileté. Maïa adora ça… jusqu’au moment où ses dessins se brouillèrent.

— Pourquoi me faites-vous faire tout ça ? gémit-elle.

— Nous vous croyons capable d’acquérir les qualifications nécessaires pour une niche, répondit sèchement Brill en éteignant la machine.

— Quelle niche ? demanda Maïa en se frottant les yeux.

— Je peux vous dire à quoi vous ne pouvez prétendre. N’espérez pas entrer à l’Université grâce à vos aptitudes pour l’abstraction. Si votre don est transmissible, une de vos enfants d’été y arrivera peut-être, mais il est trop tard pour que vous deveniez mathématicienne. De toute façon, vous semblez plus faite pour l’action que pour une vie contemplative, ajouta la femme en étudiant un diagramme. Ce n’est pas un inconvénient pour ma cliente, mais d’autres éléments…

— Votre cliente ? releva Maïa. Vous voulez dire que vous n’êtes pas là pour le compte de l’Administration ?

La clone persime s’approcha discrètement, soudain vigilante. Brill évacua la question d’un haussement d’épaules.

— Je suis mandatée par une branche de ma famille afin de rechercher des employées pour une nouvelle entreprise. Mais l’aventure est risquée. Ça n’a rien d’une niche sûre.

— Mais…, balbutia Maïa sentant la colère poindre sous le silence de la clone. Odo supposait que vous veniez pour…

— Je n’y peux rien. Toute employeuse potentielle peut faire appel à nos services. L’affaire qui m’amène ici n’a rien à voir avec les engagements politiques des Persimes. Odo n’a aucune inquiétude à avoir. Bien, notre dernier test portera…

— Je suis douée pour la navigation et pour la mécanique ! lança Maïa. Ma sœur jumelle aussi. À nous deux, nous…

Elle se tut, gênée de son éclat. Un vestige de son enfance était remonté à la surface pour plaider une cause qu’elle ne se souciait même plus de défendre.

— Ces éléments pourraient avoir leur importance, commenta Brill après un silence, et une brève lueur de bonté brilla dans son œil. La dernière épreuve est une rédaction. Décrivez trois énigmes que vous avez dû résoudre pour entrer dans des salles secrètes. Vous savez à quoi je fais allusion. Indiquez succinctement les éléments, logiques et intuitifs, qui vous ont amenée chaque fois à la réponse correcte. Limitez-vous à une centaine de mots par épisode… C’est à vous.

Maïa soupira. Tout le monde avait l’air au courant de ses aventures dans le Centre de Défense. Mais le secret avait beau être éventé, il était retombé aux mains des forces conservatrices qui l’avaient maintenu en activité pendant des siècles.

« Si j’ai réussi à ouvrir la porte de métal rouge, c’est en partie par hasard…, écrivit-elle. J’ai fait le rapprochement entre des mots que j’avais entendus autrefois et les symboles dessinés sur les hexagones…» Elle savait qu’elle faisait du mauvais travail. Elle n’arrivait pas organiser ses pensées de façon cohérente. Penser à Botjelli la ramenait à des problèmes plus réels que ces stupides tests. Quel dommage que Leie et Brod ne soient pas repartis avec les amies de Naroïne !

Elle décrivit ensuite la méthode qu’elle avait utilisée pour résoudre l’énigme du mur d’images. Elle en attribua le mérite à Leie et au malheureux navigateur, sauf que cela revenait à leur faire partager la responsabilité de la suite : l’invasion des lieux secrets, qui avait amené Renna à abréger ses préparatifs et à tenter ce décollage prématuré et fatal.

« C’est ma faute, à moi seule. » Elle ferma les yeux et inspira profondément. « Ce n’est pas le moment d’y penser. Plus tard…»

Elle plaça la seconde feuille de papier sur la première, contempla la troisième et leva les yeux, perplexe.

— Quelle troisième serrure à énigme ? Je ne vois pas…

— La première. Quand vous aviez quatre ans. Dans la cave de vos mères.

— Comment savez-vous que… ? fit Maïa, stupéfaite.

— Ce n’est pas la question. Continuez, s’il vous plaît. Ce test mesure la faculté de réponse au stress, pas les compétences ni la mémoire.

Maïa soupçonnait que ce jargon cachait autre chose, mais elle raconta docilement ce qu’elle se rappelait de ce jour lointain, où le monte-charge grinçant avait descendu pour la dernière fois deux jeunes jumelles dans les caves des Lamaïs.

La main crispée sur le papier où elle avait griffonné sa dernière hypothèse, Maïa avait appuyé sur les motifs de pierre – serpents entrelacés, étoiles et autres symboles – qui s’étaient mis en place un par un, en cliquetant. Les jumelles avaient regardé, en retenant leur souffle, l’inviolable porte glisser lentement de côté pour révéler…

Des ossements. Des tas d’os bien rangés – fémurs, tibias, omoplates, crânes grimaçants –, dans un froid glacial et un silence surnaturel. Maïa avait fait un bond en arrière et Leie poussé un cri de surprise. Elles étaient devant ce qui restait de générations et de générations de leurs propres mères génétiques, mais – ah, le sens de l’ordre lamaï ! – tous les squelettes avaient été démantibulés et il était difficile de les imaginer en train de se lever, vengeresses.

Elles avaient découvert d’autres choses, dans l’ossuaire. Des archives poussiéreuses rangées dans des placards glacés, et des objets plus menaçants : des armes. Des engins de mort, interdits aux milices familiales, mais qui cadraient bien avec la devise des Lamaïs : « Deux précautions valent mieux qu’une. »

Cette découverte avait valu pas mal de cauchemars aux jumelles, mais aussi un mépris salutaire envers leur interminable chaîne d’ancêtres. Si les Lamaïs avaient vaincu le temps, elles ne parviendraient jamais à surmonter leur profonde insécurité. Pour finir, Maïa se souvenait surtout des mois qu’elle avait passés à se creuser la tête sur l’énigme. Elle avait découvert que une fois résolus, les rébus perdaient tout intérêt.

— Tout ce que je peux vous dire, lui confia Brill avant de partir, c’est qu’il s’agit d’une entreprise de transport et de communication faisant appel à des techniques traditionnelles perfectionnées. Les femmes de notre clan apprécient tout ce qui leur permet de s’agrandir en se dispersant.