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— Eh bien, je suis ravie de vous voir en si bonne santé, ma mère ! fit-elle d’une voix qui vibrait tout juste un petit peu trop. Je vous donne le bonjour !…

Albine prit sur son lit un miroir à main et vérifia le savant désordre de sa chevelure dont une longue boucle glissait sur son épaule nue.

— Voyons, Mélanie, tu ne vas pas nous quitter si vite ? J’ai fait préparer ta chambre…

— Vous n’y pensez pas ? Je ne resterai pas un instant de plus dans cette maison.

Elle tourna les talons pour fuir mais à présent Francis, venu là sans qu’elle l’eût entendu, lui barrait le passage avec un sourire qu’elle jugea odieux.

— Je crois, au contraire, que vous allez y rester, un certain temps tout au moins, et vous comporter comme la bonne épouse que j’espère…

— Laissez-moi passer ! ordonna-t-elle.

— Vous voulez rire ? Nous ne nous sommes pas donné tout ce mal pour vous laisser filer à présent que nous vous tenons.

Elle se jeta contre lui pour l’obliger à lui céder le passage mais elle n’était pas de force contre un homme jeune, vigoureux et entraîné aux sports, et il la maîtrisa sans même cesser de sourire. Jamais elle ne l’aurait cru aussi fort. Ses doigts étaient durs comme de l’acier.

— Allons ! fit-il, nous n’allons pas nous colleter comme un ménage d’ouvriers un soir de paye ? Vous avez perdu la partie : admettez-le et comportez-vous en femme du monde !

— Je n’admets rien du tout et je n’ai pas perdu. Dès aujourd’hui j’introduis une instance en divorce et vous n’y pourrez rien. Même si vous m’obligez à rester ici ! M. Dherblay et mes avocats sauront bien me retrouver…

— À votre place je n’y compterais pas trop ! J’ai rencontré ce matin votre M. Dherblay dans un endroit tranquille et en présence de quelques gentlemen…

— Un duel ? Vous vous êtes battus en duel ?…

— Je ne vois pas quel autre nom donner à cette noble et ancienne institution. Je reconnais d’ailleurs que ce garçon a montré de la valeur. Malheureusement…

Un frisson glacé parcourut le dos de Mélanie cependant que sa gorge se séchait :

— Il est mort ? Vous l’avez tué ?

— Pas tout à fait mais je pense que, s’il s’en tire, il en a pour un moment à s’occuper exclusivement de sa personne. Vous voyez que vous n’avez pas beaucoup d’aide à espérer.

— Vous oubliez le commissaire Langevin. S’il apprend les événements de ce matin, vous risquez fort d’être arrêté.

— Certainement pas ! Il aurait fallu nous prendre sur le fait. En outre plusieurs personnes peuvent affirmer que tout s’est passé le plus correctement du monde. D’autre part, j’ai adressé, dès mon retour ici, une note aux principaux journaux de Paris annonçant que nous vous avons heureusement retrouvée et que votre disparition est due à un choc reçu lorsque vous êtes tombée de la barque. J’ai d’ailleurs brodé sur ce thème une assez charmante histoire dont je vous ferai part afin que vous la connaissiez bien.

— Vous êtes fou ? Oubliez-vous que le commissaire possède tous les éléments pour vous démentir ?

— Mais ne s’en servira pas… dès l’instant où vous lui expliquerez qu’il vaut mieux s’en tenir là. Trop de boue remuée laisse des traces pénibles sur une famille. Il est temps que la nôtre rentre dans l’ordre…

— Et vous vous imaginez que je vais abonder dans votre sens ? Vous avez complètement perdu la tête ! Dès que je le verrai, ce sera pour réclamer ma liberté.

Francis saisit le bras de Mélanie et ses doigts se serrèrent autour jusqu’à la faire gémir :

— Vous ne réclamerez rien du tout car vous ne le verrez pas. Une lettre fera l’affaire… à moins que vous ne préfériez être enfermée comme folle et que votre ami Dherblay n’ait plus la moindre chance de guérir… en admettant qu’il lui en reste une seule ?

D’un geste brusque, Mélanie dégagea son bras et, tournant le dos à Francis, considéra sa mère qui buvait tranquillement une tasse de café.

— Je suppose que vous êtes fière de vous, Mère ?

Albine reposa sa tasse et ouvrit de grands yeux trop candides pour qu’à présent Mélanie s’y laissât prendre.

— Tu es beaucoup trop jeune pour savoir ce qui est bon pour toi. Tu as vécu, et par ta seule faute, une aventure abracadabrante et je pense…

— Par ma seule faute ? C’est moi sans doute qui ai choisi d’envoyer mon époux passer sa nuit de noces avec Mlle Lolita Fernandez, des Folies-Bergère ? Vous devriez la voir, Mère. Cela m’étonnerait qu’elle vous plaise, mais elle plaît beaucoup à M. de Varennes. Il fallait l’entendre l’appeler « Chérrri » !

Avec une satisfaction cruelle, Mélanie vit sa mère pâlir tandis que ses mains repoussaient nerveusement le plateau. Elle allait peut-être dire quelque chose mais Francis, haussant les épaules avec agacement, s’interposa :

— Nous n’avons que trop dérangé cette chère Albine. Les émotions ne valent rien pour son teint et si vous le voulez bien nous allons nous retirer…

— Francis ! Venez ici, je vous en prie, fit Mme Desprez-Martel d’un ton où perçait l’irritation. Mais il se contenta de sourire :

— Plus tard, ma chère ! Il faut que je conduise… ma femme à son appartement. Nous nous reverrons.

Quand il eut refermé sur eux la porte, Mélanie se dirigea vers l’escalier, bien décidée à sortir coûte que coûte, mais Francis courut après elle et l’immobilisa.

— Vous ne m’avez pas compris. J’ai dit : votre chambre !

— Ma chambre n’est plus ici. Je rentre chez moi…

Vaine défense. Sans ajouter un mot, Varennes l’empoigna à bras-le-corps, la jeta sur son épaule comme un simple paquet et l’emporta au bout du couloir. Puis, pénétrant dans son ancienne chambre, la jeta sur le lit sans trop de douceur et sans se soucier de ses cris et de ses protestations.

— Vous ne sortirez d’ici que lorsque je le jugerai bon et, surtout, lorsque vous serez raisonnable.

— Si vous comptez me réduire par la violence, vous vous trompez ! s’écria-t-elle, furieuse.

— Croyez-vous ? J’ai l’impression qu’avec vous la violence pourrait avoir du bon ?

Et brusquement, il se jeta sur elle, la clouant sous son poids et, saisissant ses deux bras, les maintint en croix tandis qu’il s’emparait de sa bouche qu’il baisait et mordait tour à tour. Mélanie voulut hurler mais elle manquait de souffle et sa voix s’étouffa comme dans un cauchemar. Alors il lui tordit les bras pour les ramener au-dessus de sa tête où il les maintint d’une seule main tandis que, de l’autre, il ouvrait la jaquette du « tailleur » de léger drap vert que portait Mélanie et déchirait son corsage de soie blanche puis sa chemise de dentelle pour libérer ses seins qu’il contempla un instant avant de se mettre à les caresser tout en s’emparant à nouveau des lèvres de la jeune femme qui manqua étouffer. Pensant qu’il allait la violer, elle se tordit sous lui, opposant une défense désespérée qui le fit rire :

— Bon Dieu, ce que tu es belle quand tu es en colère, ma petite lionne ! Et ce que ça va être bon de te baiser encore et encore ! Parce qu’on va passer de bons moments, tous les deux, tu sais ?… Faut pas t’occuper de la vieille ! Je l’ai à ma botte et elle fait ce que je veux. On a du temps à rattraper et je reconnais que j’ai été un foutu imbécile… mais tu vas voir, tu vas voir…

Abasourdie Mélanie entendait, sans en croire ses oreilles, cette voix basse, épaisse et vulgaire qu’elle ne connaissait pas. Visiblement, l’homme ne se possédait plus et laissait remonter à la surface les instincts et les mots d’une nature profonde dont nul ne pouvait soupçonner l’existence. Elle était tellement sidérée que sa défense faiblit. Il le sentit. Sa main s’attaqua alors à la jupe qu’elle remonta pour atteindre, avec la sûreté que donne l’habitude, la fente du pantalon de batiste et l’intimité de la jeune femme qui cette fois recommença à lutter, cherchant à mordre cette bouche collée à la sienne et qui lui faisait horreur autant que ces doigts qui la fouillaient. Elle y réussit. Francis s’écarta un peu. Alors elle poussa un cri aigu auquel répondit presque aussitôt la voix de sa mère, tremblante de colère :