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— Trop aimable à vous. Auriez-vous vu mon écuyer ?

— Je te l’ai envoyé avant-hier. Il n’est pas venu ?

— Il est venu, reconnut Tyrion, et puis reparti.

— Je te l’enverrai de nouveau. »

Podrick Payne ne refit néanmoins surface que le lendemain matin. Il pénétra dans la pièce d’un pas hésitant, les traits bouleversés par la peur, manifestement. Bronn entra sur ses talons. Le chevalier reître portait un justaucorps tout clouté d’argent et un lourd manteau de cheval. Des gants de cuir délicatement repoussé lui jaillissaient du baudrier.

Un seul coup d’œil à sa physionomie, et Tyrion ressentit un malaise au creux de l’estomac. « Tu en as mis, du temps…

— C’est le gosse qui m’a supplié, sans quoi je serais pas venu du tout. Je suis attendu pour souper au château de Castelfoyer.

— Castelfoyer ? » Tyrion ne fit qu’un saut de son lit à terre. « Et qu’y a-t-il pour toi, je te prie, à Castelfoyer ?

— Une fiancée. » Bronn eut le sourire d’un loup dévorant des yeux un agneau perdu. « Je dois épouser Lollys dans deux jours.

— Lollys. »Parfait, foutrement parfait. La fille débile de lady Tanda se dégotait un mari des plus chevaleresques avec un semblant de père pour le bâtard qu’elle se trimballait dans le tiroir, et ser Bronn de la Néra grimpait un nouvel échelon. Tout ça puant les pattes de Cersei. « Ma chienne de sœur t’a vendu un cheval boiteux. Ta promise est simple d’esprit.

— Si l’esprit me tentait, c’est vous que j’épouserais.

— Lollys est grosse d’un autre homme.

— Et, lorsqu’elle aura mis bas, c’est de mes propres œuvres qu’elle sera grosse.

— Elle n’est même pas l’héritière de Castelfoyer, signala Tyrion. Elle a une sœur aînée. Falyse. Une sœur mariée.

— Mariée depuis dix ans et toujours stérile, objecta Bronn. Son seigneur et maître boude sa couche. Il préfère les vierges, à ce qu’on prétend.

— Il pourrait préférer les chèvres que cela ne changerait rien. Les terres n’en passeront pas moins à sa femme, à la mort de lady Tanda.

— A moins que Falyse meure avant sa mère. »

Et voilà quelle espèce d’aspic Cersei avait donné à allaiter à lady Tanda…, s’extasia Tyrion. S’en doutait-elle le moins du monde ? Et quand bien même elle s’en douterait, s’en soucierait-elle ? « Pourquoi venir ici, dans ce cas ? »

Bronn haussa les épaules. « Vous m’avez dit une fois que si jamais quelqu’un me demandait de vendre votre peau, vous doubleriez les prix. »

Oui. « C’est deux épouses que tu exiges, ou bien deux châteaux ?

— Un exemplaire de chaque espèce pourrait aller. Mais si vous prétendez me voir liquider Gregor Clegane à votre place, vaudrait mieux, alors, que le château, il soit fichtrement gros. »

Les pucelles de haute naissance avaient beau pulluler, dans les Sept Couronnes, il n’empêchait que même la plus rance, la plus moche, la plus miteuse des laissés-pour-compte répugnerait à se laisser unir à de la racaille d’aussi basse extrace qu’un Bronn. A moins d’être flasque de tête et flasque de corps, d’être enceinte d’un enfant sans père issu d’une demi-centaine de viols. Lady Tanda avait tellement désespéré de trouver un mari pour sa Lollys qu’elle était allée jusqu’à le harceler, lui, Tyrion, quelque temps, et ce dès avant que la moitié de Port-Réal n’eût sauté la donzelle. Sûrement Cersei avait-elle enrobé la pilule d’une manière ou d’une autre, et puis Bronn était chevalier, maintenant, statut qui faisait de lui un parti sortable, après tout, pour une cadette de maison de second ordre.

« Le malheur veut que je me trouve moi-même à court tout à la fois de nobles damoiselles et de châteaux pour l’instant, confessa Tyrion. Mais je suis en mesure de t’offrir comme auparavant de l’or et de la gratitude.

— De l’or, j’en ai. Quant à la gratitude, ça me permet d’acheter quoi ?

— De quoi te sidérer, peut-être. Un Lannister paie toujours ses dettes.

— Votre sœur aussi est une Lannister.

— Madame ma femme est l’héritière de Winterfell. S’il advient que je me tire de ce mauvais pas la tête encore sur les épaules, il se peut qu’un jour je gouverne le Nord en son nom. Rien ne s’opposerait dès lors à ce que je t’y taille une belle tranche.

— Si, peut-être, des fois que, rétorqua Bronn. Et fait foutrement froid, là-bas. Lollys est charnue, chaude et à portée de main. Deux nuits de plus, et je me la farcis.

— Perspective assez peu friande, à mes yeux.

— Ah bon ? » Bronn s’épanouit. « Admets-le, Lutin. Tu serais libre de choisir entre baiser Lollys et te battre avec la Montagne, en moins d’un clin d’œil que t’aurais les chausses par terre et la queue en l’air. »

Le salopard me connaît trop bien.Tyrion tâta d’une autre tactique. « Je me suis laissé dire que Gregor Clegane avait été blessé sur la Ruffurque et derechef à Sombreval. Ces blessures ne doivent pas manquer de le ralentir. »

Bronn manifesta quelque agacement. « Il n’a jamais été rapide. Il n’est rien que d’une taille monstrueuse et d’une force monstrueuse. D’accord, il est plus vif que ce qu’on attendrait d’un type de ce calibre. Il a une allonge tout ce qu’y a de pas normale, et il n’a pas l’air de sentir les coups comme tout le monde.

— Il te fiche à ce point la frousse ? susurra Tyrion dans l’espoir de le voir relever le défi.

— S’il ne me fichait pas la frousse, je serais le dernier des cons. » Il haussa les épaules. « Se pourrait que j’arrive à l’avoir. En lui dansant tout autour jusqu’à temps qu’il soit tellement crevé de frapper comme un forcené qu’il ne puisse même plus brandir son épée. En lui faisant perdre l’équilibre n’importe comment. Quand ça s’aplatit sur son dos, un type, ça ne change rien, qu’il soit géant. N’empêche que le risque est gros. Un seul faux pas, et je suis mort. Pour quoi faire que je devrais m’y frotter ? Je vous aime bien, tout vilain petit fils de pute que vous êtes…, mais, si je me bats pour vous, je suis perdant de toute manière. De deux choses l’une, ou bien la Montagne me répand les tripes, ou bien c’est moi qui le tue, mais alors, bernique, Castelfoyer. Mon épée, je la vends, je ne la donne pas. Je ne suis pas votre putain de frère.

— Non, s’attrista Tyrion. Non, tu ne l’es pas. » Sa main balaya l’espace. « File, alors. Cours à Castelfoyer rejoindre lady Lollys. Puisses-tu trouver plus de joie dans ton lit conjugal que je n’en ai jamais trouvé dans le mien. »

Bronn hésita sur le seuil de la porte. « Vous allez faire quoi, Lutin ?

— Tuer Gregor moi-même. Voilà-t-y pas qui donnerait une sacrée chanson ?

— J’espère que je l’entendrai chanter. » Bronn sourit une dernière fois, et puis il sortit de la pièce et du Donjon Rouge et de l’existence du nain.

Pod agita ses pieds. « Je suis désolé.

— Pourquoi ? Est-ce par ta faute que Bronn est une impudente fripouille au cœur noir ? Une impudente fripouille au cœur noir, il l’a toujours été. C’est ce qui me plaisait bien, en lui. » Tyrion se versa une coupe de vin qu’il alla déguster sur la banquette de la fenêtre. Dehors, le jour était gris et pluvieux, mais toujours y avait-il quelque chose de plus réjouissant dans cette vue que dans celle qu’il s’offrait lui-même. Expédier Podrick Payne en quête de Shagga, rien, présuma-t-il, ne s’y opposait, mais le Bois-du-Roi recélait tant et tant de cachettes dans ses profondeurs qu’y capturer les hors-la-loi prenait des années, souvent… Et puis Pod a parfois du mal à trouver les cuisines quand je l’envoie m’y chercher du fromage. Timett, fils de Timett ? Il devait être à présent retourné dans les montagnes de la Lune. Et quant à affronter en personne Gregor Clegane, allons donc, pas question, malgré ce qu’il venait de dire à Bronn, ce serait d’une bouffonnerie encore plus énorme que les nains jouteurs de Joffrey. Il n’entrait assurément pas dans ses intentions de mourir assourdi par les éclats de rire. Le duel judiciaire, affaire entendue.

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