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— Prions le Très-Haut que ce jour ne vienne jamais, déclara Vahino gravement. Nous avons connu assez de guerre.

La sonnerie retentit de nouveau, et le robot annonça de la même voix métallique parfaitement inhumaine:

— Son Excellence Skorrogan, fils de Valthak, Duc de. Kraakahaym, Envoyé Extraordinaire de Skontar auprès de la Confédération de Sol.

Tout le monde se leva de nouveau, peut-être un peu plus lentement cette fois, et Dalton surprit l’expression d’hostilité sur plusieurs visages, hostilité qui se changea tout juste en indifférence neutre au moment où le nouvel arrivant fit son entrée. Il était évident que les Skontariens n’étaient pas très populaires dans le Système Solien actuellement, et pour une part, ils devaient s’en prendre à eux. Mais force était d’admettre que, dans l’ensemble, ce n’était pas de leur faute.

Selon l’opinion la plus communément répandue, c’était Skontar qui portait la responsabilité de la guerre avec Cundaloa. En réalité, cette thèse n’avait aucun fondement. Un hasard malchanceux avait voulu que les deux soleils Skung et Avaiki, qui formaient un système séparé d’une demi-année-lumière environ, aient un compagnon que les Humains appelaient Allan, du nom de capitaine qui avait effectué la première expédition dans ce système. Et les planètes d’Allan étaient inhabitées.

Lorsque la technologie terrienne avait pénétré sur Skontar et Cundaloa, les premiers résultats en avaient été de faire de ces deux planètes, et en fin de compte de ces deux systèmes, des états rivaux qui lançaient des regards envieux vers les nouvelles planètes vertes d’Allan. Toutes deux y avaient fondé des colonies, les sources de conflit s’étaient alors multipliées, et il y avait eu finalement cette guerre de cinq ans qui avait dévasté les deux systèmes et s’était terminée par une paix négociée par l’entremise terrienne. Cet affrontement avait été un nouvel exemple de conflit entre deux impérialismes rivaux, comme il en avait existé souvent dans l’histoire humaine avant la Grande Paix et l’avènement de la Confédération. Les termes du traité étaient aussi équitables que possibles et les deux systèmes étaient sur les genoux. Il leur fallait respecter cette paix à présent, surtout à un moment où tous deux avaient un besoin impérieux de se ménager l’aide solienne en vue de la reconstruction.

Il n’en restait pas moins que l’Humain moyen aimait bien les Cundaloiens et, comme corollaire, détestait les Skontariens, sur qui il faisait retomber la responsabilité du conflit. D’ailleurs, dès avant la guerre même, ils étaient loin de jouir de la sympathie générale: leur isolationnisme, leur façon de s’accrocher à des traditions dépassées, leur accent âpre, leur attitude arrogante et jusqu’à leur simple apparence physique, tout plaidait contre eux.

Dalton avait eu du mal à convaincre l’Assemblée d’admettre la participation de Skontar aux conférences sur l’aide économique. Pour y parvenir, il avait fait ressortir que cette participation était essentielle non seulement en raison des ressources inappréciables que Skang pouvait leur fournir en échange, particulièrement ses minéraux, mais aussi par le fait qu’ils avaient ainsi l’occasion de se gagner l’amitié d’un empire virtuellement puissant et jusqu’ici éloigné.

Le programme d’aide n’était encore qu’à l’état de proposition. L’Assemblée devrait voter une loi prévoyant en détail qui bénéficierait de l’aide et à concurrence de combien, après quoi cette loi devrait faire l’objet de traités avec les planètes concernées. La réunion officieuse qui allait se tenir ici n’était que la première phase de cette procédure. Mais une phase cruciale, en fait.

Dalton s’inclina cérémonieusement pour saluer le Skontarien. L’envoyé répondit en frappant son énorme lance contre le sol, inclinant l’arme archaïque contre le mur et tendant son fulgureur dans son étui, côté manche. Dalton le prit avec précaution et le posa sur la table.

— Salut et bienvenue, commença-t-il comme Skorrogan ne disait toujours rien. La Confédération…

— Merci…

La voix était dans le registre de la basse rauque, un peu métallique et avec un très fort accent.

— Le Valtam de l’Empire de Skontar adresse son salut au Président de Sol par l’intermédiaire de Skorrogan, fils de Valthak, Duc de Kraakahaym.

Il se dressait de toute sa taille au milieu de la salle, semblant l’emplir toute entière de sa massive et rébarbative présence. Bien qu’habitant une planète où la pesanteur était plus élevée et la température plus basse, les Skontariens étaient une race d’individus de très haute taille — plus de deux mètres — et d’une carrure si impressionnante qu’ils en paraissaient presque trapus. On pouvait les classer dans la catégorie des humanoïdes, dans la mesure où l’on avait affaire à des mammifères bipèdes, mais la ressemblance s’arrêtait à peu près là. Sous un front très large et très bas et une épaisseur de sourcils inquiétante, les yeux de Skorrogan avaient la couleur dorée et la férocité des yeux d’un faucon. En guise de visage, un museau épaté dont la mâchoire était garnie d’une effrayante rangée de crocs; ses oreilles étaient arrondies et plantées très haut sur le crâne massif. Une fourrure brune très courte recouvrait son corps musculeux jusqu’au bout d’une longue queue qu’il ne cessait d’agiter, et une crinière rutilante encadrait sa tête et son cou. En dépit de ce qui devait être pour lui une température tropicale, il portait les fourrures et peaux revêtues traditionnellement chez lui lors des cérémonies officielles et une forte odeur âcre se dégageait de sa propre peau.

— Vous êtes en retard, fit l’un des ministres sur le ton de la courtoisie forcée. J’espère que vous n’avez rencontré aucune difficulté pour venir.

— Non, moi sous-estime temps nécessaire pour venir ici. Prière m’excuser.

En fait, il n’avait l’air nullement désolé: il se contenta de prendre le fauteuil qui se trouvait le plus près de lui pour y installer sa masse imposante et ouvrit sa serviette:

— Nous avons affaires à discuter, Messieurs?

— Euh… oui, en effet.

Dalton prit place au bout de la longue table de conférence:

— Encore que nous n’ayons pas à entrer dans le détail des données et chiffres au cours de cette discussion préliminaire: nous souhaiterions simplement nous mettre d’accord sur des points, des objectifs politiques généraux.

— Je suppose naturellement que vous voudrez une liste complète des ressources disponibles sur Avaiki et Skang, comme sur les colonies allaniennes? dit Vahino de sa voix douce. L’agriculture de Cundaloa et les mines de Skontar constituent déjà une base importante pour aboutir plus tard à la nécessaire indépendance économique.

— Ici intervient aussi l’aspect éducation, dit Dalton. Nous enverrons beaucoup d’experts, de conseillers techniques, d’enseignants…

— Et bien entendu se posera un problème d’effectifs militaires… commença le chef d’État-major.

— Skontar a armée à elle, l’interrompit Skorrogan sur un ton sec. Pas nécessité de discuter cela maintenant.

— Peut-être que non, en effet, intervint le Ministre des Finances d’un air doucereux. Sur quoi il alluma une cigarette.