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– Merci! comte, cette eau fraîche m’a fait du bien. C’est bizarre, ce singulier malaise!

– Allons! allons! fit Saint-Germain, ce ne sera rien que cela…

– Oh! je suis complètement remis… mais vraiment je suis confus!…

– Allons! je vous laisse… À propos, baron, le chevalier aura sans doute besoin pour des expériences de quelques menus objets… oh! un rien!… quelques bouts de bois… une ou deux cordes… soyez tranquille, très courtes… trop courtes pour tenter la descente d’ici à terre… Aurez-vous l’obligeance…

– Mais comment donc!… J’ai eu l’honneur de me mettre à la disposition du chevalier, j’espère qu’il voudra bien s’en souvenir.

Saint-Germain eut un coup d’œil vers d’Assas comme pour dire: «Vous voyez?… profitez de cette bonne volonté!» À quoi d’Assas eut un geste résolu qui signifiait: «Soyez tranquille!» Et tout haut:

– Mille grâces, baron! J’userai de votre gracieuse bonne volonté… sans en abuser.

– Usez et abusez, chevalier, sans quoi vous me désobligeriez.

– Vous verrez, baron, l’invention du chevalier… quelle merveilleuse invention!… Et puis, entre nous, ce sera une grande satisfaction, pour un homme de cœur comme vous, de vous dire que vous aurez contribué à rendre la liberté à ce pauvre chevalier qui est bien le meilleur et le plus inoffensif garçon de la terre…

Allons, adieu, chevalier!… Baron, je dépose à vos pieds l’expression de ma vive gratitude… ne vous dérangez pas, je vous en prie.

Et tout confit en douceurs et en politesses, le comte sortit en laissant le baron assez intrigué de cette visite en apparence si insignifiante et si banale, et le chevalier bouillant d’impatience de déplier et d’étudier cette feuille de papier si fragile qui, pourtant, à ce que prétendait Saint-Germain, contenait un trésor inestimable: la liberté.

XVII LE PLAN DE M. JACQUES SE DESSINE

Dans l’après-midi du même jour, le chevalier reçut une autre visite.

Cette fois, c’était de Bernis qui s’était présenté à la porte du corps de garde et avait demandé au baron de Marçay la permission de tenir compagnie quelques instants à son prisonnier.

Obéissant aux ordres qu’il avait reçus, cet officier, non sans s’être fait prier comme il avait fait le matin même pour Saint-Germain, consentit enfin à autoriser cette seconde visite et, de même que pour Saint-Germain, se retira discrètement.

Mais, à l’opposé du comte qui avait gracieusement insisté pour qu’il assistât à son entretien avec le chevalier, de Bernis laissa le baron se retirer sans rien faire pour le retenir, et attendit même prudemment qu’il fût rentré dans son appartement, pour entamer la conversation.

– Chevalier, fit de Bernis après les compliments d’usage; chevalier, j’ai appris votre arrestation et j’ai vainement essayé d’arriver jusqu’à vous. Ce diable de Verville était un cerbère plus farouche à lui seul que tous les cerbères de la mythologie… Enfin! heureusement que de Marçay est de meilleure composition… car j’ai des choses très graves à vous apprendre.

– Je vous écoute, monsieur, répondit d’Assas avec une pointe de froideur.

En effet, le chevalier se sentait pris de soupçons vagues. De Verville était un soldat qui exécutait strictement sa consigne, mais en même temps, c’était un ami, de fraîche date il est vrai, qui n’en était pas moins sincère et dévoué. La preuve en était dans l’empressement qu’il avait mis à prévenir Saint-Germain dès qu’il avait été libéré de toute entrave et de toute contrainte vis-à-vis de son ex-prisonnier.

Or, de Verville, un ami, avait, paraît-il, refusé quelques faveurs qu’il jugeait incompatibles avec la consigne reçue, alors que ce de Marçay accordait, dès le premier jour, tout ce que l’autre avait cru devoir refuser.

Pourquoi?… dans quel but?…

D’une part, de Verville, l’ami nouveau, lui avait conseillé de se défier de ce Marçay. Jusqu’à quel point y avait-il lieu de tenir compte de cette recommandation?… Un secret pressentiment lui disait que cet ami était sincère et que son avis, très sérieux, n’était pas à dédaigner…

D’autre part, Saint-Germain, qui lui avait sauvé la vie, en qui il avait une confiance aveugle, lui répétait le même avertissement en termes presque identiques; c’est donc qu’il y avait réellement quelque chose et que la confiance qu’il se sentait disposé à accorder à de Verville était méritée.

S’il en était ainsi, que venait faire là ce petit poète avec ses insinuations?…

Bernis, il est vrai, lui avait rendu un service très grand. Mais en y réfléchissant bien, ce service n’était-il pas plus apparent que réel?… Car, enfin, il semblait que ce Bernis l’avait amené à Versailles juste à point pour le remettre aux mains de cet énigmatique M. Jacques qui s’était servi de lui comme d’un instrument inconscient, travaillant à sa propre perte pour le plus grand profit de projets ténébreux dont il sentait confusément que Mme d’Étioles et lui-même étaient les premières victimes.

Ce Bernis avait-il été sincère en lui dévoilant la retraite de Jeanne?… ou bien avait-il été un adroit complice?…

Longtemps il avait cru à cette sincérité et voilà que tout à coup des soupçons lui venaient parce que son visiteur se montrait bienveillant à l’égard d’un homme dont il devait se méfier.

Le chevalier se tenait donc sur ses gardes, cependant que Bernis qui l’observait se disait, de son côté, qu’il allait falloir jouer très serré avec cet adversaire prévenu et disposé à la plus grande méfiance.

C’est pourquoi, pendant que le premier se tenait dans une prudente réserve, le second redoublait de cordialité.

– Ah! quel malheur, chevalier, que je n’aie pas appris plus tôt tout ce que je sais maintenant… vous ne seriez pas ici, mon pauvre chevalier!…

– Comment cela?… Expliquez-vous, de grâce!

– Vous souvenez-vous de cette petite Suzon dont je vous ai parlé et dont je suis acoquiné, du diantre si je sais pourquoi, par exemple?… C’est elle qui m’a tout appris, pour son malheur et le mien!

– Mais enfin, monsieur, que vous a-t-elle appris cette Suzon?… et de quel malheur voulez-vous parler? fit le chevalier impatienté.

– Chevalier, je veux parler des événements incompréhensibles qui ont amené votre arrestation; je veux parler des ennemis puissants qui sont attachés à votre perte… et à la mienne aussi… en sorte qu’il se pourrait qu’avant peu je fusse incarcéré comme vous… Ah! les femmes! les femmes!…

– Voyons, je vous en prie, parlez clairement, monsieur de Bernis. Je ne suis qu’un soldat et j’avoue ne rien comprendre à toutes les finesses du beau langage. Venez au fait, s’il vous plaît.

– Vous êtes-vous demandé, reprit imperturbablement Bernis, pourquoi vous étiez ici?

– Pardieu!… Je ne fais même que me poser cette question depuis que j’y suis.

– Et vous n’avez pas trouvé?… Je comprends cela… Eh bien! je vais vous éclairer… Vous êtes ici tout bonnement parce que le roi a cru que vous aviez voulu vous jouer de lui.

– Moi?… Allons donc!… Je suis allé, au contraire, vers Sa Majesté, pour lui signaler un danger auquel…

– Précisément… le danger en question n’existait pas… le roi le savait et voilà pourquoi il a cru que vous vous moquiez de lui… Le roi avait, en outre, un motif plus grave d’être furieux contre vous…