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– Adieu donc, mon enfant!… Loin de Paris, vous retrouverez ce bonheur dont vous êtes si digne. Ne secouez pas la tête. L’amour passe. On croit que le cœur est mort. Et un beau jour, on s’aperçoit qu’un autre amour le fait revivre. Vous aimerez. Vous serez heureux… Adieu… Pensez quelquefois à moi dans vos jours de chagrin, et s’il vous survenait quelque catastrophe, n’hésitez pas à m’écrire… je puis beaucoup, d’Assas!

Allez, mon enfant, je ne vous perdrai pas de vue: là-bas, dans votre garnison, ou, plus tard, sur les champs de bataille, dites-vous bien que je veille sur vous…

D’Assas, au comble de l’émotion, se jeta dans les bras de cet homme étrange.

Le comte de Saint-Germain le serra sur sa poitrine, puis lui faisant un dernier signe, s’éloigna rapidement.

D’Assas se dirigea vers la grande porte de la grille du château.

II LOUIS XV

– Officier! Message pour le roi! cria le factionnaire lorsque le chevalier lui eut expliqué ce qu’il venait faire au château à cette heure où tout le monde dormait.

Car il n’était encore que cinq heures et demie, et la nuit était profonde.

Le cri fut répété par la sentinelle voisine et, de bouche en bouche, parvint jusqu’au poste des gardes.

Bientôt la porte de ce poste s’ouvrit. D’Assas vit sortir deux gardes dont l’un portait une lanterne. En avant d’eux, enveloppé dans son manteau, marchait l’officier qui commandait le poste.

Il vint s’arrêter près du chevalier.

– Vous avez un message pour le roi? demanda-t-il à travers la grille, et en cherchant à dévisager d’Assas.

– Oui, un message très pressé, répondit le chevalier en découvrant son visage.

– Qui êtes-vous? fit l’officier que ce geste ne rassurait pas, et qui, d’ailleurs, ne faisait qu’exécuter sa consigne.

– Chevalier d’Assas, cornette au régiment d’Auvergne.

– De qui le message?… Excusez-moi; mais je ne puis vous laisser entrer sans le savoir.

Le chevalier demeura sans voix.

Il n’avait pas prévu la question.

Il hésita un instant, puis:

– Je ne puis le dire, fit-il.

– En ce cas, fit l’officier, donnez votre message, il sera remis à Sa Majesté en temps et lieu. Quant à vous, vous n’entrerez que lorsque les grilles seront ouvertes, c’est-à-dire à huit heures.

– Monsieur, dit d’Assas, le message que je porte est verbal et non écrit. Je ne puis vous le remettre. Mais je vous assure que c’est très grave et très pressé. Peut-être y va-t-il de la vie du roi…

L’officier demeurait perplexe.

Les derniers mots du chevalier l’avaient fait pâlir.

Mais sa consigne était formelle.

À ce moment précis, deux hommes qui venaient de s’approcher en longeant extérieurement la grille du château apparurent près de d’Assas dans le rayon de lumière que projetait la lanterne.

– Le roi! murmura l’officier.

Ces deux hommes, c’étaient en effet Louis XV et son valet de chambre Lebel. Ils arrivaient de la maison des quinconces. Et Louis, en approchant, avait entendu ces mots de d’Assas:

– Il y va de la vie du roi!

– Silence, monsieur! dit Louis XV à l’officier qui, ayant reconnu le roi, s’apprêtait à crier un ordre pour que les honneurs fussent rendus.

Et, sans reconnaître d’Assas, il ajouta:

– J’ai voulu voir par moi-même comment le château est gardé. Votre service est parfaitement organisé, monsieur, je vous félicite.

Avec cette prudence qu’il tenait de famille Louis XV feignait d’ignorer ce qui se passait, et de n’avoir pas entendu ces mots qui, pourtant, l’avaient fait pâlir, et l’avaient poussé à se découvrir.

L’officier, tressaillant d’une joie profonde, s’inclinait jusqu’à terre.

Tout aussitôt, il repoussa le soldat qui s’apprêtait à ouvrir, et fit tomber lui-même les chaînes de la porte.

– Vous aurez soin de me faire savoir votre nom, monsieur, dit le roi en passant sans hâte; j’aime les bons serviteurs. Viens, Lebel… je suis enchanté de ma petite excursion…

– Sire, fit alors l’officier, si Votre Majesté daigne le permettre… je lui dirais…

– Parlez, monsieur.

– Eh bien, Sire, voici un gentilhomme qui vient d’arriver, porteur d’un message pressé pour le roi.

– Ah! ah! fit négligemment Louis XV en se tournant vers d’Assas, qu’il feignit d’apercevoir pour la première fois. C’est vous, monsieur, qui avez un message à me communiquer?

– Oui, Sire! dit le chevalier.

Le roi tressaillit au son de cette voix qu’il crut reconnaître.

– Qui êtes-vous, monsieur? demanda-t-il.

– Chevalier d’Assas… répondit le jeune homme en faisant deux pas.

Cette fois, le roi frémit. Un flot de sang monta à sa tête. Après la conversation qu’il venait d’avoir avec Juliette, d’Assas n’était plus qu’un rival détesté.

Une seconde, il fut sur le point de jeter un ordre d’arrestation.

La curiosité de savoir ce que le jeune homme pouvait avoir à lui dire l’emporta.

– Et vous dites, reprit-il, que vous avez un message?

– Oui, Sire: un message verbal que je dois transmettre au roi, – au roi seul.

– Suivez-moi donc, en ce cas, dit Louis XV. Monsieur, ajouta-t-il en se tournant vers l’officier, veuillez me faire escorte.

En même temps, il glissait quelques mots dans l’oreille de Lebel qui s’éloigna rapidement.

D’Assas était beaucoup trop loyal pour s’apercevoir que Louis XV en priant l’officier de l’escorter avait eu surtout pour but de s’assurer un défenseur contre une attaque imprévue.

Le roi supposait-il donc le chevalier capable de se livrer à quelque tentative insensée?…

C’est probable, car malgré la confusion de l’officier qui s’efforçait de rester à sa place à quelques pas en arrière, Louis le fit marcher près de lui.

Le roi arriva à ses appartements et pénétra dans un petit salon où Lebel l’attendait.

Le valet de chambre lui fit un signe que d’Assas, tout à ses pensées, ne vit pas.

Ce signe voulait dire que les pièces voisines étaient gardées et que le roi pouvait être sans crainte.

Louis XV renvoya l’officier et Lebel, et s’assit derrière une large table qui pouvait au besoin lui servir de rempart improvisé.

Et à haute voix, il demanda alors:

– Je vous écoute, monsieur, dit-il alors.

En même temps, il jouait avec un timbre qui se trouvait sur la table, à portée de ses mains. Au premier coup de timbre, vingt hommes armés devaient accourir.

– Sire, fit d’Assas, je me suis chargé d’avertir Votre Majesté qu’il y a un grave danger pour elle à pénétrer dans la maison qui se trouve dissimulée sous les quinconces, à droite du château.

Le roi n’eut pas un geste qui prouvât à d’Assas que ce message le surprenait, ou même qu’il l’eût entendu.

– Il s’agit, Sire, d’une jolie maison que connaît Votre Majesté et où on doit l’attirer sous le prétexte que le roi y est appelé par une… dame… que le roi connaît également.

D’Assas était fort pâle en parlant ainsi.