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C'est le sciil|)teLir Polyclète qui avait fixé le type de la déesse dans une statue colossale qu'il avait faite pour les Argiens, dont la ville était placée sous la protection spéciale de Junon. On honorait là des reliques très-célèbres, entre autres le lit de la déesse. La Junon de Polyclète était colossale, quoiqu'un peu moins grande que la Minerve de Phidias, qui avait été sculptée vingt ans auparavant. Elle était assise sur un trône d'or : la tête, la poitrine, les bras et les pieds étaient en ivoire; les draperies en or. Elle était coitfée d'un diadème sur lequel l'artiste avait représenté les Heures et les Grâces. D'une main elle tenait son sceptre.

Fig. 42. — Junon, coloss;ile i^d'après une statue antique, à Rome).

de l'autre elle portait une grenade ; un coucou était placé au sommet du sceptre, et le manteau était orné de guirlandes formées de branches de vignes. Les pieds de la déesse reposaient sur une peau de lion.

Martial célèbre ainsi la Junon de Polvclète : « 0 Polyclète ! cette

Fig. 43. — Junon, reine du ciel, d'après une pierre gravée antique).

Junon, le miracle de ton art, cet heureux titre de ta gloire, la main de Phidias l'envierait à ton ciseau : sa beauté a quek[ue chose de si imposant, que sur le mont Ida, Paris, sans balancer, lui eût donné la préfé-

M JUPITER ET JUNON.

rence sur les déesses forcées de s'avouer vaincues. Polyclète, si Jupiter n'ciit aimé sa Junon, il eût aimé la tienne. »

La Junon colossale, à Rome, est la j)lus célèbre parmi les représentations que nous connaissons de cette déesse, doni il existe aussi plusieurs bustes remarquables.

Iris. — Junon, qui dans Tordre moral est la déesse du mariage, caractérise dans l'ordre pbysique l'humidité d(^ l'air. C'est pour cela que la Fable lui donne |)Our servante Iris, {x'rsonnilieation (b> larc-cn-ciel, ([ui apparaît aj)rès les grandespluies. C'est Iris qui est cbarg^ée de la toilette i\v Junon et (jui préjtare son bain; mais sa priiu'i[»alc mission est dètre la messagère de la reine du ciel. Elle glisse dans l'air avec la rapidité d'une hirondelle, et l'art lui donne la forme d'une jeune fille ailée, qui porte le caducée et des talonnières ailées, comme Mercure, le messager de Jupiter, Le chemin que parcourt Iris est la courbe que décrit l'arc-en-ciel avec lequel elle est identifiée. Cette divinité n'apparaît que très-rarement sur les monuments antiques.

Junon de Lanuvium. — Junon était adorée sous une forme spéciale à Lanuvium. ville du Latiinu, d'où son culte se répandit parmi les

Fig. 44. — Junon Sospita ou Lanuvienne, sur un denior de la famille Procilia.

Romains. Le caractère absolument guerrier que l'art lui a donné est différent de celui des autres figiu^es delà déesse. Un serpent est sous ses pieds : elle tient une lance et un bouclier, et porte l'égide, ou peau de chèvre, qui recouvre sa tête. Outre la belle statue du Vatican, plusieurs monnaies la représentent avec son attitude belliqueuse (fig. 44).

Il n'est pas bien surprenant que Junon ait pris chez les Romains un caractère belliqueux, puisqu'à Rome la religion et la politique n'ont jamais été séparées. Quand Camille assiégea \ éies, il voulut apporter à Rome la statue de Junon que possédait cette ville. Après avoir fait un sacrifice devant la statue, il lui demanda si elle voulait venir })rendre place parmi les dieux protecteurs de Rome. La statue répondit par un signe affirmatif. et ce miracle prouva aux Romains que Junon leur était favorable.

Le coucou de Junon. —Jupiter, voulant fléchir l'altière Junon, qui jusque-la n'avait eu que des dédains pour lui, prit la forme d'un coucou,

et, ayant excité une violente tempête, il vint se réfugier tremblant de froid, aux pieds de la déesse, qui, prenant pitié du pauvre oiseau, le prit et le cacha dans son sein. Le roi des dieux reprit aussitôt sa forme divine, et Junon^ touchée sans doute de la manière piquante dont la déclaration avait été faite, consentit à devenir son épouse : c'est en mémoire de cet événement que Junon porte un coucou en haut de son sceptre.

La nymphe Chéloné. — Pour rendre ses noces plus solennelles, le maître du tonnerre y convoqua tous les dieux, et chaque divinité apporta un riche présent. Jupiter cependant aperçut une place vide parmi les nymphes. C'était la nymphe Chéloné (dont le nom veut dire tortue) ; Mercure, le messager céleste, fut aussitôt envoyé chez elle, pour savoir les raisons qu'elle avait eu pour ne pas venir à la fête. Mais la nymphe déclara qu'elle ne se trouvait bien que dans sa maison et se permit même de railler les époux. Mercure indigné fit tomber sa maison sur son dos où elle se colla, et lui interdit l'usage de la parole, afin qu'elle ne put plus railler les dieux. C'est pour cela que la tortue a toujours sa maison sur son dos et qu'elle ne profère aucun cri.

Le châtiment de Junon. — Junon, bien qu'elle soit la déesse tu-télaire du mariage, a rarement vécu en bonne intelligence avec son divin époux. Elle osa un jour, d'intelligence avec iXeptune, conspirer contre Jupiter, dans l'intention de le détrôner, et ils parvinrent même à le charger de liens. Mais la néréide Thétis amena au secours du roi des dieux le géant Briarée dont la présence seule arrêta les dessins de Junon. Jupiter, courroucé, suspendit sa femme entre le ciel et la terre, au moyen d'une chaîne d'or, avec une lourde enclume pesant à ses pieds. Cette fable singulière et fort ancienne a été reproduite par le Corrége, dans le couvent de Saint-Paul à Parme. Par une inconvenance mythologique, dont la Renaissance offre plus d'un exemple, l'artiste a représenté la reine du ciel dans un état complet de nudité. Junon est toujours vêtue des pieds à la tête.

Dans la guerre de Troie, Junon fut constamment l'ennemie des Troyens et la protectrice des Grecs. Quand elle vit ses amis succomber sous les coups d'Hector , elle voulut leur porter secours. Mais Jupiter avait défendu aux dieux de prendre part à la lutte, et s'était établi sur le Gargarus, pour être sur de leur obéissance. Junon alors imagina une ruse ; elle alla trouver Vénus, et, sous prétexte d'une visite qu'elle voulait faire, elle lui emprunta sa merveilleuse ceinture, qui donnait à celle qui la portait une beauté irrésistible. Ainsi parée, elle alla trouver son mari, feignant de vouloir l'entretenir un moment. Comme elle avait mis le Sommeil dans ses intérêts, le roi des dieux ne tarda pas à s'endormir, et les Troyens perdirent en un moment tous les avantages

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JUPITER ET JUNON.

qu'ils a\;ii<Mil con(|iiis avec tant de |>('iiie. A son réveil, Jupiter tuf furieux et la inenaea d'un tiaifenieiil analogue à celui qu'il lui avait déjà infligé, mais le mal était fait.

La grande cause de la mésintelligence qu'on voit si souvent survenir entre Junon et son divin époux, a |)our piincipal motif la jalousie que faisaient éprouver à la reine du ciel les nombreux hymens de Jui)i-ter. C'est a cette Jalousie que le paon doit l'honneur d'avoir remplacé le coucou, comme attribut de Junon.

Argus et lo. —Junon, voyant un jour que son époux n'occupait |)as dans l'Olympe sa place habituelle, conçut des soupçons sur sa fidélité. Regardant alors sur la terre, elle aperçut près du fleuve Inachus un nuage épais et une obscurité qui n'était pas naturelle. Elle descendit avec l'intention de dissiper ce nuage, et de voir ce qui se passait. Jupiter était là en effet, poursuivant la nymphe lo, fille du fieuve. et.

Fig. 45. — Argus et lu (d'après une pierre gravée antique).

pour n'être pas aperçu de l'Olympe, il avait fait naître cette obscurité. Gomme il craignait beaucoup la jalousie de Junon, aussitôt qu'il vit que son nuage disparaissait, il changea lo en génisse. Junon, le rencontrant, lui demanda ce qu'il faisait, et Jupiter répondit qu'il admirait cette belle génisse (jue la terre venait de produire au môme moment. Junon la trouva en (>lTet ravissante, et, affectant d'en avoir envie, elle pria Jupiter de la lui donner. Le dieu n'avait aucune raison })Our refuser à sa femme un cadeau (pii semblait de si mince importance.