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Nous n'avons pas entrepris de faire une histoire de la mythologie dans ses développements successifs^ mais nous la prenons au moment où les œuvres d'art qu'elle a produites sont achevées. A cette époque la confusion entre les divinités grecques et latines était acceptée par les artistes, comme par tout le monde. Les Romains, n'ayant pas de mythologie propre, avaient adopté celle des Grecs.

Des etforts que nous respectons plus que personne ont pour but de substituer les véritables noms des divinités grecques <à ceux qui sont admis depuis quatre siècles dans la langue française. Au point de vue de la théologie, la distinction à faire entre Jupiter et Zeus, entre Vénus et Aphrodite, peut être intéressante, mais cette distinction serait tout à

l'ait inutile dans un travail qui envisage spécialement la question artistique. En disant « la Vénus de Milo», nous sommes certain d'être compris beaucoup mieux que si nous disions « Aphrodite de Mélos. » Entre les deux systèmes, nous avons choisi sans hésiter celui qui était le plus conforme à notre but.

Les images des dieux. — A aucune époque de l'antiquité, les Grecs ou les Latins n'ont été fétichistes ou idolâtres, dans le sens que nous attachons à ce mot quand nous parlons des nègres du Soudan ou des sauvages de la Polynésie. Si on dit quelquefois le dieu, en parlant de sa statue, il ne faut voir là qu'une forme de langage. <( Ceux qui ne connaissent pas le vrai sens des mots, dit Plutarque, arrivent à se tromper sur les choses; aussi les Grecs, au lieu d'appeler les statues' d'airain ou de pierre, ou les peintures, des simulacres en l'honneur des dieux, ont l'habitude de les nommer des dieux. » On croyait néanmoins les images indispensables pour entretenir le sentiment religieux dans le peuple. « Ceux dont la mémoire est robuste, dit Maxime de Tyr, et qui n'ont qu'à lever les yeux au ciel pour se sentir en présence des dieux, n'ont peut-être pas besoin de statues; mais ceux-là sont très-rares, et à peine trouverait-on un homme dans une foule nombreuse qui pût se rappeler l'idée divine, sans avoir besoin d'un pareil secours. »

Les Grecs ont donné à leurs dieux la forme humaine et Phidias en a expliqué la raison en disant : « Si nous donnons aux dieux la forme humaine, c'est parce que nous n'en connaissons pas de plus parfaite.» Mais ce n'est qu'après une lente élaboration que l'art est parvenu à fixer les types des dieux tels que nous les connaissons. A l'époque où sont nées les légendes multiples qui composent la mythologie, on se contentait de fabriquer des idoles grossières, dont les vases de style archa'ique nous oJEfrent fréquemment l'image (fig. 1).

« Quant à ce qui concerne l'image des dieux, dit 0. Muller, elle ne passait nulle part, dans le commencement, pour un portrait véritable du dieu, mais seulement pour un signe symbolique de sa personne. La piété des temps primitifs avait d'autant moins besoin d'une image exté-^ rieure, qu'elle se sentait davantage intérieurement pénétrée d'une foi vive en sa présence ; aussi n'y avait-il rien de plus commun que de trouver des pierres grossières, des piliers en pierre, des poutres en bois,etc., exposés comme images du culte. Pour devenir l'objet de l'adoration, ces objets avaient moins besoin de la forme que delà consécration. Pour que le signe fut dans un rapport plus intime avec la divinité, on y ajou-

tait quelques parties très-significatives^ des têtes d'une forme caractéristique, des bras qui tenaient des attributs ; c'est là l'origine de l'hermès qui resta très-longtemps l'œuvre principale de la sculpture en pierre. Les sculpteurs en bois essayèrent au contraire, à la même époque, à façonner des statues, particulièrement celles des dieux dont les attributs exigeaient que la figure fut entière, comme Pallas. Ces figures

Fig. 1. — Ancienne idole de Bacchns (d'après un vase peint du musée de Naples).

continuèrent à être considérées plus tard comme les plus saintes; de nombreuses et merveilleuses légendes ne mentionnaient fort souvent que leur maintien, par exemple la lance haute, la position génuflexe, les yeux à demi fermés. Leur aspect avait souvent, surtout à cause du trop grand nombre d'attributs dont elles étaient surchargées, quelque chose d'extraordinaire et de risible. Les pieds, dans les statues de l'exécution la plus grossière, n'étaient pas séparés. Une simple ligne indiquait la place des yeux. On les représenta ensuite les yeux à peine ouverts et dans la position de personnes qui marchent. Les mains, lorsqu'elles ne portaient rien, adhéraient au corps. Ce qu'on cherchait avant tout dans ces statues, c'était Toccasion de servir et de soigner la divinité à la manière humaine. Ces simulacres étaient lavés, cirés, frottés, vêtus et frisés, ornés de couronnes et de diadèmes, de chaînes de cou et de boucles d'oreilles. Ils avaient leur garde-robe et leur toilette, et ressemblaient plutôt dans tout leur être à des poupées, à des mannequins, qu'à des œuvres dues à l'art perfectionné de la plastique. »

Lorsque l'art se fut perfectionné, les statues des dieux continuèrent à être soigneusement entretenues par ceux qui avaient la garde des temples et des innombrables chapelles dont les campagnes étaient couvertes. Un bas-relief antique nous montre les soins qu'on donne à un

INTRODUCTION.

hermès rustique. Deux femmes apportent des vases dans lesquels un paysan, ceint d'une peau de chèvre, prend de l'eau pour laver la statue, en présence d'une prétresse qui tient un rameau (fig. 2).

Les statues fameuses étaient surtout l'objet d'un soin particulier. Mais l'attention qu'on mettait à les empêcher de se dégrader n'avait pas seu-

Fig. 2. — Le nettoyage d'un Hermt's (d'après un bas-relief antique)

lement la piété pour motif. La Vénus de Praxitèle attirait à Cnide de nombreux voyageurs qui s'y rendaient bien moins par dévotion que pour admirer un chef-d'œuvre. Au point de vue religieux, les images qui étaient l'objet de la plus grande vénération, étaient ces antiques idoles tombées du ciel et presque toujours exécrables au point de vue de l'art. C'est à celles-là surtout qu'on attribuait des histoires merveilleuses, en sorte que le même temple renfermait souvent deux images, dont l'une recevait les ferventes prières des populations naïves, tandis que l'autre excitait simplement l'admiration des touristes et des lettrés. Dans la grande époque de l'art, en même temps que les sculpteurs fameux créaient leurs chefs-d'œuvre, des artistes plus modestes reproduisaient, d'après des types anciens, les vieilles images archaïques, dont la forme, en quelque sorte immuable, avait été consacrée par l'opinion publique.

Les statues des dieux furent abandonnées pour les reliques des saints, quand la religion chrétienne eut pris le dessus, et leur beauté ne put les sauver de l'anathème prononcé contre les idoles. Les temples commencèrent à être abandonnés sous Constantin, et le règne de Théodose marque l'époque d'une destruction systématique et universelle. Pendant mille ans_, tout ce qu'avait produit l'antiquité fut méconnu et oublié.

Suprématie de Jupiter. — Au sommet des divinités antiques, et les embrassant toutes dans son immensité, est Jupiter, le roi des dieux et des hommes. Sa toute-puissance s'étend sur l'univers entier, et prend, en se dédoublant, des noms et des attributs divers ; ses qualités personnifiées sont les dieux. Quelle que soit la puissance que chacun d'eux peut exercer dans le rôle qui lui est assigné, Jupiter conserve toujours le rang suprême et, au besoin, il rappelle son écrasante supériorité :

« Dieux et déesses, voulez-vous Réprouver vous-mêmes? Eh bien ! du haut du ciel, suspendez une chaîne d'or à laquelle vous vous attacherez tous, et malgré vos efforts vous ne pourrez faire descendre sur la terre Jupiter, votre maître suprême! Mais à mon tour, si je le voulais, moi, je vous enlèverais aisément avec la terre et la mer; et si je fixais, à l'extrémité de l'Olympe, la chaîne qui vous tiendrait tous, l'univers serait suspendu devant moi, tant je suis supérieur, en force et en puissance, aux hommes et aux dieux. » (Homère.)