Il y a dans le ciel un chemin qu'on aperçoit la nuit ; c'est la voie lactée. Par là on se rend au séjour des immortels. Le palais de Jupiter en forme le centre : à ses côtés sont placés ceux qu'habitent les dieux les plus puissants, et les divinités moindres demeurent plus loin.
La solennité des augustes réunions de l'Olympe a été chantée sur tous les tons par les poètes ; aussi les écrivains comiques de l'antiquité n'ont-ils pas manqué de la tourner en ridicule. Dans le Jupiter tragique de Lucien, le roi des dieux, piqué de ce que les hommes ne lui oiï'rent pas autant de sacrifices qu'il le désirerait, charge Mercure, son fidèle messager, de convoquer aussitôt la cour céleste :
Mercure. — Holà ! eh ! Venez vite a l'assemblée, les dieux ! (Ju'on se dépêche I Venez tous, accourez ! il s'agit d'une atîaire de consé-(juence.
Jupiter. — Ouelle trivialité, Mercure, quelle bassesse, quel prosaïsme dans ta proclamation, et cela quand tu convoques pour une chose des plus importantes !
Mercure. — Et comment veux-tu donc que je fasse, Jupiter ?
Jupiter. — Comment je veux? Ne pourrais-tu rehausser ta proclamation par quelques vers, quelques grands mots poétiques qui feraient accourir plus vite ?
Mercure. — Cela, Jupiter, c'est l'affaire des poètes et des rapsodes, mais moi je n'y entends rien : je gâterais tout en faisant de mauvais vers dont tout le monde se moquerait. Vois comme on rit d'Apollon, malgré l'obscurité dont il enveloppe ses oracles,pour qu'on n'ait pas le loisir d'en examiner la versification.
Jupiter. —Tu peux au moins, Mercure, mêler a ta proclamation quelques vers d'Homère, par exemple ceux qu'il emploie pour nous convoquer. Tu (lois bien t'en souvenir. (Lucien.)
Praxitèle avait sculpté les douze grands dieux dans le temple de Diane à JViégare. Cette scène, fréquemment représentée dans l'antiquité, forme aussi le sujet de plusieurs tableaux dans l'art moderne. Rubens a représenté les dieux de l'Olympe dans un tableau qui est au musée de Madrid, et nous avons au Louvre la même assemblée qui préside au gouvernement de Marie de Médicis; Jupiter est sur son trône, tandis (|ue Junon attelle au globe de la France des colombes, emblèmes de la
douceiii', ot en conlio la direction à rAniour, (le\aiit (jui se tiennent la Pai\ et la Concorde. Apollon avec ses tlèclies. Minerve avec sa lance, et Mars que Vénus veut en vain retenir, chassent la Discorde, l'Envie, la Haine et la Fraude, monstres ennemis de la félicité publique.
Quand le duc d'Orléans chargea Coypel de décorer le Palais-Royal, l'artiste choisit pour sujet principal Y Assemblée des </ze?/a:, et représenta avec les attributs des principales divinités les dames de la cour qui avaient de la réputation pour leur beauté ; ce qui leur donne un caractère moderne, très-peu en rapport avec ce qu'on est en droit d'attendre d'une Junon ou d'une Minerve. Le succès fut immense, et d'autant plus grand, que le duc d'Orléans, qui apprenait alors le dessin sous la direction de Coypel, avait, disait-on, travaillé au tableau. Les dames voulaient toutes savoir si le prince avait fait quelque chose dans leurs portraits, et Coypel était trop courtisan pour ne pas laisser attribuer les meilleurs morceaux à son élève. Aussi le duc lut-il si ravi des compliments qu'il reçut, qu'il fit don au peintre d'un superbe carrosse à deux chevaux, avec une pension de cinq cents écus pour l'entretenir.
Nous avons vu dans quel ordre les douze grands dieux de l'Olympe étaient })lacés sur la Table des douze dieux au Louvre. Bien que plusieurs monuments les présentent dans un ordre différent, c'est celui auquel nous nous conformerons parce qu'il nous semble le plus rationnel : c'est d'ailleurs celui qui a été le plus souvent adopté.
JUPITER ET JUNON
CHAPITRE PREMIER
L'ENFANCE DES DIEUX
Le chaos. — Le ciel et la terre. — Le Temps dévore ses enfants. — Enfance de Jupiter. — Guerre des Titans. — Saturne en Italie. — Janus. — Les âges de rhumanité. — Le déluge. — Deucalion et Pyrrha. — Les grands cataclysmes. — Typhaon. — Les géants foudroyés.
Le chaos. — Avant les dieux, l'espace ne présentait qu'une niasse confuse, où les principes de tous les êtres étaient confondus. « Le soleil, dit Ovide, ne prêtait point encore sa lumière au monde, la lune n'était point sujette à ses vicissitudes ; la terre ne se trouvait point suspendue au milieu des airs où elle se soutient par son propre poids ; la mer n'avait point de rivages ; l'eau et l'air se trouvaient mêlés avec la terre qui n'avait point de solidité ; l'eau n'était pas fluide, l'air manquait de lumière et tout était confondu. Aucun corps n'avait la forme qu'il devait avoir et tous ensemble se faisaient obstacle les uns aux autres... Dieu plaça chaque corps dans le lieu qu'il devait occuper, et établit les lois qui devaient en former l'union. Le feu, qui est le plus léger des éléments, occupa la région la plus élevée, l'air prit au-dessous du feu la place qui convenait à sa légèreté ; la terre, malgré sa pesanteur, trouva son équilibre et l'eau qui l'environne fut placée dans le lieu le })lus bas. » (Ovide.)
Le Ciel et la Terre. — Le Ciel {Ouranos) devint l'époux de la Terre et de leur union naquirent les Titans, dont les principaux sont le Temps {Cronos, plus tard confondu avec Saturne), Océan, le père des Fleuves, Atlas, personnification des montagnes, Japet, l'anccfrc du genre humain. Les Eclairs [Cuclopes] et les Tempêtes {Uécatonchircs)^
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('•^alcinciif iK's ilii Ciel, apparaissent un monionf. |>iiis disparaissent sans (piOn saelie oii ils sont passés. C'est que le CirI, (piand il lui naît des en la II Is de cette espèce, les replonj^e aussitôt dans le sein de la Terre, leur mère. Celle-ci, ponrtant. irritée de ce procédé, cn^ag-ea les Titans a se iH^olter contre leur père : l(> Temps (Cronos) se mita lenr tête, et, arme d"iine sorte de laueille appidée liarpè, que lui a\ait remise sa mère, il lilessa ,tzrie\ement son père et le réduisit à rimpuissanee. Le san^ ([ui, de la plaie céleste, tomba sur la terre, en lit sortir les Furies ; celui qui tomba sur la hum- fit naître Apbrodite (ou Vénus), personnification (k V Attrait.
Ces antiques légendes. Tort oubliées dans la grande épo([ue liellé-niqiie, sont très-vagnemenl indicjnées dans les poètes et n'apparaissent jamais dans l'art sous leur forme primitive et archaïque.
L'atlas de Guigniaut, ([ui sert de commentaire au grand ouvrage de
l'iii'. 8. — Ourar.os (le ciel), d'après une lanii)e antique).
Creuzer, donne comme une représentation d'Ouranos une ligure de Aieillard enveloppé d'un ample manteau et placé dans le firmament entre le soleil et la lune. Ce document est tiré d'une lampe antique, mais il s'éloigne beaucoup des habitudes des artistes anciens pour la re-[irésentation des divinités ; et c'est donc uniquement à titre de curiosité (pie nous le reproduisons (fig. 8).
Lne jolie pierre gravée antique nous montre le Temps, personnifié sous la l'orme d'un homme assis, et tenant en main la Jiarpè avec laquelle il a mutilé son père (fig. 9).
Onand le Temps eut chassé son père, celui-ci lui prédit ([u'il serait à son tour détrôné et chassé par ses fils. Le Temps nous apparaît bientôt comme l'époux de la Terre (Rhéa, plus tard identifiée avec Cybèle), et comme il détruit tout ce qu'il produit, les Grecs disaient qu'il dévorait
ses enfants dès leur naissance. C'est ainsi qu'il fit disparaître successivement Vesta, Cérès, Junon, Pluton et Neptune. Cette table a fourni ])eu de sujets aux sculpteurs anciens, mais l'art moderne s'en est empare et a produit sur ce thème bizarre plusieurs ouvrages intéressants. Hubens, dans une composition sur Saturne décorant ses enfants (à Madrid), nous montre le dieu pourvu d'un appétit digne d'un carnassier