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Dar Véter remercia l’informateur et demanda de lui réserver les mines de diamants, jusqu’à ce qu’il eût réfléchi.

Il débrancha la station de placement et prit la Maison de la Sibérie, vaste centre d’information géographique. On relia son télévisophone à une machine mnémotechnique à enregistrements récents, et il vit défiler d’immenses forêts. L’ancienne taïga marécageuse, où des mélèzes clairsemés poussaient sur un sol toujours gelé, avait cédé la place aux géants sylvestres, cèdres sibériens et séquoias d’Amérique, dont l’espèce était jadis presque éteinte. Les grands troncs rouges formaient une clôture superbe autour de collines aux sommets bétonnés. Des tuyaux en acier de dix mètres de diamètre sortaient d’en-dessous et franchissaient les lignes de partage des eaux pour rejoindre les rivières qu’ils engouffraient dans leurs gueules en entonnoir. Les pompes énormes mugissaient sourdement. Des centaines de mètres cubes d’eau se précipitaient dans les profondeurs des brèches diamantifères, y tourbillonnaient en rugissant, érodaient la roche et ressortaient en laissant des dizaines de tonnes de diamants sur les grilles des chambres de lavage. Dans de longues salles inondées de lumières, des gens surveillaient les cadrans mobiles des trieuses. Les pierres scintillantes s’égrenaient par les trous calibrés des caisses de réception. Les opérateurs des stations de pompage surveillaient sans cesse les indicateurs des machines qui calculaient la résistance variable de la roche, la pression et le débit d’eau, l’approfondissement du front de taille et l’éjection des particules solides. Dar Véter se dit que si la vue riante des bois ensoleillés ne convenait pas à son humeur actuelle, le travail concentré aux pompes ferait son affaire. Il débrancha la Maison de la Sibérie. Un signal d’appel retentit aussitôt, et l’informateur de la station de placement reparut sur l’écran.

— Je voudrais savoir ce que vous avez décidé. Nous venons de recevoir une offre de place aux mines sous-marines de titane sur la côte occidentale de l’Amérique du Sud. C’est ce que nous avons de plus difficile pour le moment… mais il faut s’y rendre d’urgence!

Dar Véter s’alarma.

— Je n’aurai pas le temps de passer l’examen à la prochaine station de l’Académie de Psychophysiologie du Travail.

— Les épreuves annuelles nécessitées par votre ancien travail vous en dispensent.

— Envoyez la communication et donnez les coordonnées! repartit vivement Dar Véter.

— Point KM 40, station 6L, ramification sud n° 17, branche ouest de la Voie Spirale. Je lance un avertissement.

Le visage sérieux disparut de l’écran. Dar Véter rassembla ses menus effets personnels, enferma dans un coffret les pellicules où étaient enregistrées les images et les voix de ses amis, ainsi que ses propres pensées. Il enleva du mur la reproduction chromoréflexe[28] d’un vieux tableau russe, prit sur la table une statuette en bronze de l’actrice Bello Gai, qui ressemblait à Véda Kong. Tous ces objets et quelques vêtements furent emballés dans une caisse en aluminium dont le couvercle portait des chiffres et des signes linéaires en relief. Dar Véter composa les coordonnées qu’on lui avait indiquées, ouvrit une trappe dans le mur et y poussa la caisse. Elle disparut, entraînée par un ruban sans fin. Puis il inspecta son logement. Bien avant l’époque de l’Anneau, il n’existait déjà plus de personnes chargées spécialement de l’entretien des locaux. Ces fonctions étaient remplies par les habitants eux-mêmes, ce qui exigeait de leur part un soin et une discipline irréprochables, ainsi qu’un aménagement judicieux des logis et des édifices publics, l’automatisme de la ventilation et du nettoyage.

L’inspection terminée, Dar Véter abaissa un levier situé à la porte, pour prévenir la station immobilière que ses deux pièces étaient disponibles, et s’ea fut… La véranda vitrée de plaques laiteuses était échauffée par le soleil, mais la brise marine rafraîchissait comme toujours le toit en terrasse. Les passerelles piétonnes, jetées entre les bâtiments en treillis, semblaient flotter dans l’air et inviter à la promenade, mais Dar Véter ne s’appartenait plus. Le tuyau de la descente automatique le conduisit à la poste magnéto-électrique souterraine, d’où un wagonnet actionné aux ondes l’emmena vers la gare de la Voie Spirale. Dar Véter n’alla pas vers le détroit de Behring, où passait l’arc de jonction de la Branche ouest. Par cet itinéraire, le voyage jusqu’à la 17e ramification sud durait près de quatre jours. Dans les zones habitées Nord et Sud, circulaient des spiropteres de marchandises qui traversaient les océans et reliaient par le chemin le plus court les branches de la Voie Spirale. Dar Véter suivit la branche centrale jusqu’à la zone Sud, dans l’espoir de persuader le chef des transports aériens qu’il était un colis express. Sans compter qu’il gagnait trente heures. Dar Véter pourrait voir le fils de Grom Orm, président du Conseil d’Astronautique, qui l’avait choisi comme mentor.

Le garçon était devenu grand et devait entreprendre l’ann’ée prochaine ses travaux d’Hercule. En attendant, il travaillait au Service de Surveillance dans les marais d’Afrique Occidentale.

Quelle tâche séduisante, pour un jeune, d’être au Service de Surveillance, de guetter l’apparition des requins dans l’océan, des insectes nuisibles,des vampires et des reptiles dans les marécages tropicaux, des microbes morbifiques dans les zones peuplées, des épizooties ou des incendies dans les régions steppiques et forestières, de déceler et d’anéantir les fléaux terrestres du passé, qui resurgissaient de façon mystérieuse dans les coins perdus de la planète! La lutte contre les formes nocives de la vie se poursuivait sans trêve. Les micro-organismes, les insectes et les champignons réagissaient aux nouveaux moyens de destruction en produisant des espèces nouvelles qui défiaient les composés chimiques les plus meurtriers. Ce n’était qu’après l’Ere du Monde Désuni qu’on avait appris à utiliser les antibiotiques puissants, sans engendrer des espèces dangereuses et résistantes de microbes.

«Si Dis Ken est employé à la surveillance des marais, songeait Dar Véter, c’est qu’il devient un travailleur sérieux dès son jeune âge…»

Le fils de Grom Orm, comme tous les enfants de l’Ere de l’Anneau, avait été éduqué hors de sa famille, dans une école située au bord de la mer, dans la zone Nord. C’est là qu’il avait subi les premières épreuves à la station de l’APT. En confiant un travail aux jeunes, on tenait toujours compte des particularités psychologiques de l’adolescence: exaltations, sentiment très fort de la responsabilité, égocentrisme.

L’immense wagon filait sans bruit ni secousses. Dar Véter monta à l’étage, sous le toit translucide. Tout en bas, de part et d’autre de la Voie, passaient en vitesse des bâtiments, des canaux, des bois et des montagnes. Les usines automatiques alignées aux confins des zones agricole et forestière, faisaient étinceler au soleil leurs coupoles diaphanes. Les contours nets et sévères des machines géantes se voyaient à travers les murs de cristal.

Au-delà du monument à Ginn Kad qui inventa un moyen avantageux pour la fabrication du sucre synthétique, la Voie s’engagea dans les forêts de la zone agricole des tropiques. Les plantations s’étendaient à perte de vue, groupant des arbres de toutes nuances, formes et hauteurs. Dans les allées étroites et aplanies qui séparaient les massifs de verdure, rampaient des récolteuses mécaniques, des machines de pollinisation et de contrôle; d’innombrables fils s’entrecroisaient en un brillant réseau. Jadis, le symbole de l’abondance était le champ de blé mûr… Mais dès l’Ere de l’Unification on avait compris le désavantage économique des cultures annuelles; le transfert de toute l’agriculture dans la zone tropicale dispensa l’humanité de semer et de soigner chaque année, au prix de grands efforts, des herbes et des arbustes délicats. Les arbres, végétaux vivaces qui épuisent moins le sol et résistent mieux aux intempéries, étaient devenus les principales plantes agricoles, bien avant l’Ere de l’Anneau.

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Reproduction chromoréflexe, cliché imprimé avec utilisation de couleurs à fort pouvoir de réflexion interne procurant aux dessins un effet de relief accru, de même qu’un jeu de couleurs et de clairs-obscurs parfaitement naturel (imag.).