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Il y avait des années, après la découverte d’océans de pétrole et de montagnes d’hydrocarbures solides, on avait monté sur Vénus des installations automatiques pour créer une atmosphère artificielle sous une immense cloche en matières plastic ques translucides. Ces appareils permettaient de cultiver des plantes et de fonder des usines qui fournissaient aux hommes toute sorte de produits de la chimie organique, en quantités colossales. Dans le temps, après la découverte de grandes réserves de matières nucléaires, on a installé sur Vénus des appareils pour saturer d’oxygène l’atmosphère. Ils ont permis de planter là-bas des végétaux qui décomposent le gaz carbonique, et, de nos jours, l’oxygène afflue sur Vénus en quantités colossales. Dans quatre mille ans, ce sera une planète appropriée à la vie animale.

Le secrétaire mit de côté ses notes marquées sur une plaque, métallique et sourit aimablement. Mven Mas, en costume rouge foncé, la mine grave et solennelle, parut au premier rang de l’amphithéâtre. Il salua l’assistance, les mains jointes au-dessus de la tête, et s’assit.

— En général, nous annonçons nous-mêmes les nouvelles propositions, continua Mir Om. Mais vous entendrez tout à l’heure l’exposé de recherches presque terminées. C’est l’auteur, Iva Djan, qui vous le fera, et vous aurez là de quoi méditer.

Le secrétaire quitta la tribune, cédant la place à une jeune femme blonde, aux cheveux courts et aux yeux verts étonnés. Grom Orm, le président du Conseil, vint se mettre à côté d’elle.

La femme aux yeux verts commença son rapport d’une voix étranglée, les membres paralysés par la timidité. Elle cita le fait bien connu que la flore des continents méridionaux se distinguait par la nuance bleuâtre de son feuillage. Cette teinte caractérise les formes anciennes des plantes terrestres. L’étude de la végétation des autres planètes a révélé que le feuillage bleu est conditionné par des atmosphères plus transparentes que la nôtre ou par des radiations astrales ultraviolettes plus dures que celles du Soleil. On sait que les radiations rouges du Soleil sont stables, tandis que ses radiations bleues et ultraviolettes ne le sont nullement. Les radiations violettes du Soleil ont subi, il y a près de deux millions d’années, un brusque changement qui a duré longtemps. Les plantes sont alors devenues bleues, les oiseaux et les animaux des lieux non abrités ont pris une couleur noire, les œufs des oiseaux qui nichaient à découvert étaient noirs également. Pendant cette période, la modification du régime électromagnétique de notre système solaire a rendu instable l’axe de rotation de la Terre. Les astronomes, au cours des siècles, se fondaient exclusivement sur le mécanisme de gravitation, sans tenir compte du rôle de l’équilibre électromagnétique, beaucoup plus changeant.

On projetait de faire passer les mers dans les dépressions continentales pour modifier la position du globe par rapport à son axe. Si, pour résoudre la question, on recourt non pas à la mécanique élémentaire, mais aux forces électromagnétiques du système, ce sera beaucoup plus simple, plus efficace et moins coûteux. Rappelons-nous qu’au début de l’astronautique la création de la gravitation artificielle exigeait une si énorme dépense d’énergie, qu’elle était pratiquement irréalisable. Mais depuis la découverte des forces mésoniques, nos astronefs sont munis d’appareils de gravitation simples et de toute sécurité. De même, l’expérience de Ren Boz indique un chemin détourné.

Iva Djan se tut. Les six vaillants explorateurs de Pluton, assis au centre de la salle, l’approuvèrent en tendant leurs mains jointes. Les joues de la jeune femme s’empourprèrent à l’instant même où l’écran se rallumait, barré d’épurés stéréos-copiques aux contours bizarres.

— Je comprends qu’en élargissant la question, on peut songer à modifier les orbites des planètes et à rapprocher Pluton du Soleil.

Mais pour le moment, je n’envisage qu’un déplacement de la planète par rapport à son axe de rotation pour améliorer les climats des hémisphères. L’expérience de Ren Boz a montré qu’il est possible d’invertir le champ de gravitation en son deuxième aspect: le champ électromagnétique, et de polariser vectoriellement les directions que voici — les figures de l’écran s’allongeaient et viraient — ce qui rendra l’axe de rotation de la Terre moins stable et permettra de lui donner la position voulue pour l’éclairage le plus avantageux des continents.

Sur la longue vitre fixée au-dessous de l’écran défilèrent des paramètres calculés d’avance par les machines, et quiconque savait déchiffrer ces symboles se rendait compte que le projet d’Iva Djan n’était certainement pas utopique.

Iva Djan arrêta le mouvement des épures et des symboles et descendit de la tribune, la tête penchée. Le public, très animé, s’entreregardait en chuchotant. Après un échange de gestes avec Grom Orm, le jeune chef de l’expédition de Pluton monta à la tribune.

— Il est certain que l’expérience de Ren Boz conduira à une succession de découvertes capitales. Je prévois qu’elle ouvrira des horizons jusque-là inaccessibles à la science. Ce fut le cas de la théorie des quanta, premier échelon de la connaissance de la transition réciproque, suivie de la découverte des antiparticules et des antichamps. Puis vint le calcul répagulaire, victoire sur le principe d’indétermination du mathématicien de l’antiquité Heisenberg. Enfin, Ren Boz a fait le pas suivant: l’analyse du système espace-champ, la notion d’antigravitation et d’antiespace ou espace zéro. Toutes les théories méconnues ont fini par devenir le fondement de la science!

Je propose, au nom du groupe d’explorateurs de Pluton, de soumettre la question à l’opinion publique. Le déplacement de l’axe terrestre économisera de l’énergie pour réchauffer les régions polaires, égalisera encore plus les fronts polaires et enrichira en eau les continents.

— La question est-elle assez claire pour être mise aux voix? demanda Grom Orm.

Une multitude de feux verts s’allumèrent en réponse.

— Eh bien, commençons! dit le président en passant la main sous son pupitre. Il y avait là trois boutons dont le premier à droite signifiait «oui», le deuxième «non» et celui de gauche «je m’abstiens». Chaque membre envoya à son tour un signal imperceptible pour les autres. Evda Nal et Tchara en firent autant: une machine spéciale comptait les voix du public pour contrôler la justesse de la décision du Conseil.

Au bout de quelques secondes, de grands signes lumineux parurent sur les écrans de démonstration: les débats étaient approuvés par toute la planète.

Grom Orm prit la parole.

— Pour une raison que je me permettrai de tenir secrète jusqu’à la fin de l’affaire, il faut examiner maintenant l’acte de Mven Mas, ex-directeur des stations externes, puis on verra la question de la 38e expédition astrale. Le Conseil me fait-il confiance?

Les feux verts furent la réponse unanime.

— Est-ce que tout le monde sait les détails de l’événement?

Nouvelle cascade de feux verts.

— C’est du temps gagné! Que l’ex-directeur des stations externes veuille bien nous exposer les motifs de son acte qui a eu des suites si funestes. Le physicien Ren Boz, qui souffre encore de ses blessures, n’a pas été cité comme témoin. Il n’est du resté pas responsable.

Grom Orm aperçut un feu rouge près du siège d’Evda Nal.

— Avis au Conseil! Evda Nal a quelque chose à dire au sujet de Ren Boz.

— Je voudrais intervenir à sa place.

— Pourquoi?

— Parce que je l’aime!

— Vous parlerez après Mven Mas. Elle éteignit le signal rouge et se rassit.

Mven Mas monta à la tribune. Tranquillement, sans se ménager, l’Africain dit les résultats qu’il avait attendus de l’expérience et ce qui s’était produit en réalitç: une vision dont il se méfiait lui-même. La hâte stupide des préparatifs, due au caractère secret et illégal de l’action, les avait empêchés d’inventer des enregistreurs spéciaux en remplacement des machines mnémotechniques ordinaires, dont les récepteurs avaient été détruits au premier instant. On avait eu tort de faire l’expérience sur le satellite. Il aurait fallu accrocher au satellite 57 un vieux planétonef et installer dessus les appareils d’orientation du vecteur. Toute la faute en était à lui, Mven Mas. Ren Boz s’occupait de l’installation, tandis que la réalisation de l’expérience à l’échelle du Cosmos relevait du directeur des stations externes.