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Toutefois, la nouvelle venue ne conserva son éclat que pendant deux mois environ, après quoi sa lueur pâlit rapidement. Six mois après elle ne se distinguait pas des autres étoiles et encore un an plus tard elle avait complètement disparu.

Lorsque les historiens découvrirent les notes du savant chinois, ceux qui manifestèrent le moins d’intérêt furent… les astronomes. Le phénomène décrit par Ma Touan-lin est en effet familier aux astronomes contemporains, les étoiles telles que celle qui fut jadis observée étant appelées supernovæ. La formation de nouvelles étoiles est relativement fréquente mais elles possèdent très rarement un éclat aussi intense que la supernova de 1054. Quand on dispose d’un télescope pour l’étude de la voûte céleste, la découverte d’une supernova est chose assez courante. Lorsqu’en 1948 un radiotélescope fut pointé vers l’endroit où apparut autrefois l’Invitée décrite par Ma Touan-lin, on s’aperçut qu’il s’en dégageait un flux intense d’ondes radio, fait particulièrement significatif…

Le lecteur impatient est sans doute sur le point de m’interrompre : « Pourquoi consacrez-vous une page entière à parler d’astronomes, d’historiens, de radio-astronomes sans mentionner le moindre chimiste ? » Que ce lecteur prenne patience ! Les chimistes vont bientôt faire leur apparition, il ne saurait en être autrement, car le puissant flux d’ondes radio venant de l’ancien emplacement de la supernova de 1054 les concerne tout particulièrement.

On sait que les ondes radio se dirigeant vers la Terre en provenance des espaces interplanétaires ont pour origine les brusques lueurs des novæ. On estime actuellement que ces lueurs sont dues à la formation et la désintégration d’éléments.

Le Soleil tire son énergie de la réaction de transformation de l’hydrogène en hélium. Mais c’est une étoile relativement jeune. Il existe dans les espaces cosmiques des étoiles plus anciennes dont une partie considérable de l’hydrogène a déjà « brûlé » et s’est transformée en hélium. Est-ce à dire qu’un tel astre soit en voie d’extinction ? Non ! Les noyaux des atomes d’hélium s’unissent pour former des atomes de carbone.

On a des raisons de croire que plus une étoile est âgée, plus les éléments qui la composent sont lourds. Mais il est évident que la transformation des éléments initiaux en éléments de plus en plus lourds ne saurait durer indéfiniment. A quel élément s’arrête donc ce processus ?

Les savants sont unanimes à penser que cet élément est… le californium. Les novæ possèdent en effet une particularité commune : la période de demi-extinction de leur éclat (à l’issue de laquelle l’intensité de cet éclat diminue de moitié) est d’environ 55 jours ce qui correspond presque exactement à la période de demi-désintégration du californium (de poids atomique 254).

Le processus du développement des éléments dans l’Univers se déroule ainsi : la continuelle augmentation du numéro d’ordre et du poids atomique des éléments dont une étoile est composée amène un accroissement de sa densité et une diminution de son éclat. Finalement, l’accumulation d’une grande quantité de californium dans la masse de l’étoile provoque une explosion atomique ; le californium et les autres éléments lourds se désintègrent en formant des éléments plus légers.

On peut donc considérer qu’il se forme au moins un élément transuranien dans les espaces cosmiques au cours des processus dont les étoiles sont le siège. Or, s’il y a formation de californium, il doit également y en avoir de curium et de plutonium, produits lors de la désintégration radio-active du californium.

Passons maintenant à la deuxième question : la formation dans la nature d’éléments transuraniens est-elle possible ?

A la suite de l’obtention des éléments transuraniens en laboratoire, on n’en continua pas moins de les rechercher dans les roches de l’écorce terrestre, et ce pour les raisons suivantes. Tout d’abord, les recherches n’étaient plus menées à l’aveuglette puisque les propriétés du neptunium par exemple, de même que celles du plutonium, étaient maintenant fort bien connues. D’autre part il s’agissait de savoir s’il pouvait se créer quelque part sur notre planète des conditions susceptibles de provoquer la formation de neptunium ou de plutonium à partir d’uranium.

Cette dernière supposition paraît absurde et pourtant ce fut elle qui se confirma la première. Plusieurs années avant la découverte du plutonium, on s’aperçut qu’au lieu de subir la désintégration radio-active générale (émission de particules alpha, bêta ou gamma) un certain nombre d’atomes d’uranium se scindaient littéralement en deux parties. Outre la formation d’éclats nucléaires, on observait alors également une émission de neutrons. Il est vrai que pour une désintégration de ce genre, il se produit plusieurs millions de désintégrations de type ordinaire.

Néanmoins, ce processus a toujours lieu. Ainsi donc, les neutrons indispensables à la transformation de l’uranium en neptunium, puis en plutonium proviennent de… l’uranium même.

D’autre part, il est possible que les rayons cosmiques détruisent les atomes de certains éléments en formant également des neutrons libres.

Toutes ces considérations servirent donc de base à la recherche du plutonium naturel dans les minerais d’uranium. Les premiers essais furent infructueux. Mais après avoir traité plusieurs kilos et même plusieurs tonnes de minerai d’uranium, on obtint enfin une réponse absolument nette : l’uranium naturel contenait bien du plutonium. Mais en quelle quantité ? A vrai dire on hésite à se servir du mot quantité en l’occurrence. En effet, le rapport entre le poids du plutonium et celui du minerai d’uranium est de 10–14. Pour mieux imaginer ce chiffre, indiquons que le rapport entre le nombre d’élèves dans une classe et celui de la population de notre planète est de l’ordre de 10–8, c’est-à-dire un million de fois plus élevé que le rapport plutonium-uranium dans le minerai de ce dernier.

En 1952 on analysa un échantillon de minerai d’uranium de poix en provenance du Congo pour déterminer s’il contenait du neptunium. Les opérations d’analyse furent tout aussi laborieuses que dans le cas précédent et le neptunium fut, évidemment, découvert. Nous disons « évidemment » car le maillon intermédiaire lors de la formation du plutonium à partir d’uranium est justement le neptunium. L’uranium s’avéra même contenir un peu plus de neptunium que de plutonium : une partie pour deux mille milliards de parties d’uranium.

Il est possible que les roches contiennent également d’autres éléments transuraniens en quantités infinitésimales. Ainsi, on suppose que le curium 247, dont la période de demi-désintégration est relativement longue — cent millions d’années environ — pourrait encore se trouver en quantités infimes dans l’écorce terrestre. Il s’y trouve alors très probablement en compagnie des lanthanides — éléments des terres rares — car les propriétés des actinides dont fait partie le curium, sont semblables à celles des éléments des terres rares. On a déjà calculé que si le curium accompagne les éléments des terres rares, il doit s’y trouver dans la proportion d’un atome pour 1015 atomes de lanthanides au minimum.

Bien entendu, la teneur des minerais d’uranium en plutonium et en neptunium est tellement faible qu’il ne saurait être question de les en extraire. Soulignons ce fait incontestable : les éléments transuraniens existent bien dans la nature.