La troisième « performance » du lithium est l’énorme différence existant entre ses températures de fusion et d’ébullition, atteignant presque 1 200° (100° seulement pour l’eau). Le lithium possède également une aptitude phénoménale à se combiner avec de nombreux éléments, y compris l’azote pourtant si « fier ». Les propriétés ci-dessus suffisent déjà pour valoir au lithium une place de choix parmi les autres éléments de la classification périodique.
Le rôle restreint que le lithium et ses composés ont joué jusqu’à tout récemment dans l’industrie n’en paraît que plus modeste. Il faut en voir la raison dans le fait que les propriétés de ce métal rare étaient encore insuffisamment connues. Le lithium peut maintenant se considérer comme largement récompensé.
Personne n’a jamais tenté de vérifier quel est le composé chimique dont on parle le plus souvent dans les revues scientifiques. D’ailleurs quelle serait l’utilité d’un travail aussi pénible et fastidieux ? Si pourtant ce travail se faisait, je ne doute pas que la palme irait à l’acide lithydrique.
On savait déjà depuis longtemps que le lithium pouvait s’unir à l’hydrogène pour former un hydracide [6]. L’intérêt réside dans le fait qu’un kilo de ce composé ne contient pas moins de mille cinq cents litres d’hydrogène se dégageant aisément quand on introduit l’hydracide dans l’eau.
Mais qui, il y a seulement quelques années, aurait pu supposer que l’acide lithydrique deviendrait le plus puissant des explosifs connus ? Personne n’aurait certes pu prédire que ce simple composé chimique permettrait aux savants de reproduire sur la Terre des processus dont seul le Soleil était jusqu’alors le théâtre.
A vrai dire il ne s’agit pas de l’hydracide mais du deutéride de lithium, composé de lithium et de deutérium (isotope lourd de l’hydrogène).
Au point de vue chimique il n’y a aucune différence entre ces deux dernières substances. Le deutéride de lithium forme la base de la charge de la bombe à hydrogène. Un dispositif de mise à feu à uranium ou à plutonium produit une forte élévation de température qui amorce la réaction nucléaire. Le lithium et le deutérium se combinent alors en se transformant en hélium, libérant ainsi une quantité d’énergie colossale.
Une réaction de ce genre, transformation d’hydrogène en hélium, est la source énergétique du Soleil où, chaque seconde, 570 millions de tonnes d’hydrogène se transforment en 566 millions de tonnes d’hélium. Les réserves d’hydrogène du Soleil sont tellement colossales que le poêle à hydrogène constitué par l’astre du jour est assuré de fonctionner au « régime » actuel pendant de nombreux milliards d’années.
Mais le lithium possède aussi maintenant un certain nombre d’applications pratiques « terrestres », notamment métallurgiques.
L’addition de dix pour cent de lithium à du magnésium forme un alliage plus solide et surtout plus léger que le magnésium qui possède un poids spécifique beaucoup plus faible que la plupart des métaux. L’addition de quantités insignifiantes de lithium à différents alliages modifie souvent leurs propriétés au point de rendre ces alliages méconnaissables.
C’est ainsi que le « scléron », alliage à base d’aluminium, contient 0,1% de lithium. Mais privé de ce 0,1% il perd aussitôt sa solidité et sa dureté, qualités qui lui valent une réputation méritée.
Grâce à leur faible poids spécifique et à leur résistance aux températures élevées, les alliages de lithium et d’aluminium peuvent être utilisés dans la construction d’appareils volant à des vitesses considérablement supérieures à celles du son.
On a récemment effectué des recherches intéressantes sur l’utilisation du lithium comme combustible. La combustion de lithium pulvérisé dans un courant d’air ou d’oxygène dégage une énorme quantité de chaleur.
On a calculé que l’utilisation du lithium comme combustible permettrait d’obtenir d’un kilo de ce métal une chaleur égale à la combustion de quatre mille tonnes de houille.
On s’est aperçu que les sels de lithium des acides stéarique et palmitique constituent d’excellents lubrifiants conservant leurs propriétés entre –50° С et +150° C.
On pourrait encore citer de nombreuses branches techniques et industrielles dans lesquelles le lithium trouve une application pratique.
Mais le nombre de secteurs qui attendent l’utilisation de ce métal remarquable est encore plus élevé. Aussi est-on pleinement en droit d’appeler le lithium métal de l’avenir.
A ce propos, tous les métaux dont nous allons parler sont plus ou moins des métaux d’avenir ainsi que nous le verrons d’après l’exemple du « héros » de la section suivante.
Le métal des matières précieuses
Personne ne saurait affirmer quels motifs poussèrent le savant français Vauquelin à se consacrer à la chimie au cours de la période agitée que traversa la France à la fin du XVIIIe siècle, motifs d’ordre pécuniaire probablement. Non pas que le respectable monsieur Vauquelin ait eu l’intention de se procurer de l’argent d’une manière illicite. Il n’enviait nullement les lauriers du comte de Saint-Germain, le célèbre faussaire en diamants dont les aventures défrayèrent si souvent la chronique de la cour de Louis XVI. Mais tant qu’à s’occuper de chimie, pourquoi ne pas étudier les propriétés et la composition de cette merveilleuse pierre précieuse : l’émeraude, ce duc sinon ce roi des joyaux ?
Malheureusement, il lui fallut bientôt arrêter ses expériences sur les émeraudes : soit qu’elles n’eussent pas abouti, soit que madame Vauquelin eût sévèrement désapprouvé les dépenses ruineuses qu’entraînaient les recherches de son mari dans ce domaine. Certains résultats avaient pourtant été obtenus. De l’émeraude; Vauquelin isola, en 1798, une matière grisâtre qu’à cause de sa saveur doucereuse il nomma « terre sucrée » ou glucine (du grec glukus, doux). Le terme de « terre » servait alors à désigner la plupart des oxydes.
Exactement vingt ans après, on tira de la glucine un métal gris brillant auquel on donna le nom de glucinium ou glycinium. Par la suite, on appela ce métal béryllium, nom qui lui est resté. Un nouveau nom fit ainsi son apparition dans la liste des éléments chimiques.
Mais quarante ans plus tard les propriétés du béryllium étaient si peu connues que Mendé-léev hésita longtemps avant de décider dans quelle case il devait placer cet élément. Sans l’intuition géniale du grand chimiste, le béryllium aurait longtemps circulé sur la table des éléments avant de prendre possession de la case 4.
La « biographie » du béryllium est fort intéressante. Sa « fiche d’état civil » n’est pas moins originale : elle porte 1798 comme année de naissance et 1932 comme début de l’activité laborieuse. C’est effectivement en 1932 qu’on fit pour la première fois usage dans l’industrie de certains alliages de béryllium. Mais comme le preux des anciens chants russes Ilia Mourometz qui resta trente-trois ans oisif avant de passer à l’action de toute sa force herculéenne, des que le béryllium passa au service de l’homme il se mit à faire des merveilles.
L’écorce terrestre contient à peine quelques dix-millièmes pour cent de béryllium, mais ils valent bien la peine qu’on les recherche.
Le poids spécifique du béryllium est un peu plus élevé que celui du lithium, son voisin dans la classification périodique, tout en étant cependant considérablement inférieur à celui de bon nombre d’autres métaux. Le béryllium est le plus résistant des métaux à l’action de l’air à l’état libre. Bien que le béryllium soit moins résistant que l’acier, la différence de densité entre eux est telle qu’à poids égal, une construction en béryllium serait bien plus solide qu’en acier.
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