Выбрать главу

Le seul indice qu’aient trouvé les enquêteurs est, sur la sonnette, un petit bristol avec l’angle droit corné. Mais évidemment, l’inspecteur Ganimarion, déjà sur les lieux en personne, affirme qu’il faut considérer l’information avec la plus grande prudence. Il semble à la fois préoccupé et, curieusement, ragaillardi.

La caméra fait ensuite un gros plan sur cette carte de visite à l’ancienne, sans adresse ni téléphone, imprimée dans un élégant bleu-gris où l’on peut lire :

Arsène Lupin,
gentleman-cambrioleur,
(à suivre).

Lettre de l’auteur à Maurice Leblanc

Cher Maître,

Le cent cinquantenaire de votre naissance a été l’occasion de grandes fêtes en votre honneur, à Paris, au Petit Palais, et chez vous, à Étretat. Vous avez été relu comme vous deviez l’être : comme un écrivain. En France, le roman policier passe encore trop souvent pour un genre mineur. Vous qui rêviez d’être Flaubert ou Maupassant avez su révéler, en filigrane, dans vos nouvelles et vos romans, le potentiel policier que contiennent Madame Bovary et Le Horla.

Dans la tradition de Balzac, qui inventa le roman policier français avec une nouvelle méconnue, L’Auberge rouge, premier récit d’un meurtre perpétré dans une chambre close, et dans son célèbre roman Une ténébreuse affaire, vous avez compris qu’à travers le roman à énigmes c’était toute la littérature du XIXe siècle, dont vous étiez l’héritier, qui pouvait se prolonger, par d’autres moyens, dans votre XXe siècle.

Vos « Lupin » ont été, à leur manière, votre version de L’Envers de l’histoire contemporaine, pour citer un autre titre de Balzac. Vous avez mêlé à vos histoires le Kaiser Guillaume II, les premiers sous-marins, l’automobile et les immeubles du Paris moderne. C’est pour cela aussi, pour ces détails qui créent un esprit d’époque, un ton 1900, que vos romans sont devenus des classiques, susceptibles d’inspirer un auteur d’aujourd’hui, qui a eu envie de lancer votre héros, le gentleman-cambrioleur, dans ce XXIe siècle où on ne vole pas les mêmes choses que de votre temps.

Nos coffres-forts sont virtuels, nos guerres sont souvent sans armes, nos trésors ne sont plus uniquement des œuvres d’art. Votre héros, lui, est immortel, et grâce à lui vous avez réussi à être le vrai successeur de ceux que vous admiriez dans votre jeunesse et qui vous ont donné envie d’écrire. C’est ce même tribut de reconnaissance que veut vous payer, modestement, un romancier qui doit tout à ses lectures d’adolescence, et qui dédie respectueusement ces pages à votre mémoire.

Post-scriptum

Ces sept aventures sont une fantaisie contemporaine, écrites « pour le divertissement de l’auteur », selon la formule de Théodore de Wyzewa dans un mémorable article au sujet du roman anglais paru en 1907 dans La Revue des Deux-Mondes.

Elles reprennent les titres de quelques romans et nouvelles célèbres de Maurice Leblanc. Mes remerciements vont à ma chère Florence Leblanc, à laquelle je tiens à associer le souvenir de son mari, mon ami Michel Boespflug, qui m’a autorisé à transposer ainsi à l’époque contemporaine les aventures du gentleman-cambrioleur et à utiliser les personnages inventés par son grand-père.

Je suis sensible à ce témoignage d’amitié, qui est aussi un grand honneur, puisque la famille Leblanc n’avait jusqu’alors donné cette autorisation qu’à Boileau et Narcejac et à Michel Zink.

Quant aux récits eux-mêmes, ils sont liés, comme le faisait Leblanc, à des événements d’actualité et à des personnes réelles : toutes ces ressemblances avec des faits existants sont donc parfaitement volontaires.

Il est évident que François-Étienne Trévignon ressemble un peu à Michel-Édouard Leclerc, Tristan de Paramparz à Christian de Portzamparc et Juzo Tadamishi au dessinateur Jirô Tanigushi, les caisses Bouchu aux célèbres caisses Chenue qui assurent le transport des œuvres d’art des plus grands musées, tous, les entreprises et leurs dirigeants, les ministres de la Culture, les présidents du Louvre et les bedeaux de la cathédrale de Strasbourg me pardonneront, je l’espère, de les avoir transformés en figures fictives, dans ce roman dédié au roi des déguisements et des pseudonymes, en prenant bien sûr les plus grandes libertés avec la réalité. Antoine Gallimard, PDG de Gallimard et de Flammarion, verra que le personnage de l’inspecteur Ganimarion est avant tout inspiré par le personnage de Ganimard, l’inspecteur ridicule créé par Leblanc — ce dont son grand-père, Gaston Gallimard, ne s’était pas formalisé outre mesure…

Chez Grasset et Fasquelle on se souvient encore que Maurice Leblanc, en 1919, avait acheté la villa Le Sphinx d’Étretat à son ami l’éditeur Eugène Fasquelle, pour la baptiser Clos Lupin. C’est dans cette maison de famille, devenue un musée, inscrite récemment sur la liste des « maisons des illustres », que le prix Arsène-Lupin de littérature policière est remis chaque année. Toute ma gratitude va à Olivier Nora, qui dirige aujourd’hui la maison d’édition que fonda Eugène Fasquelle, qui m’a beaucoup encouragé à oser ressusciter le gentleman-cambrioleur, ainsi qu’à mon éditeur, Charles Dantzig, que je ne remercierai jamais assez pour ses conseils et ses attentives relectures. Au Clos Lupin, on voit encore, sur les portes et fenêtres qui donnent du côté du jardin, les verrous posés par Maurice Leblanc à la fin de sa vie, craignant de voir Arsène, bien vivant, arriver chez lui à l’improviste : depuis quelques mois, les gardiens de la villa ont plusieurs fois signalé que certains soirs, après le départ des visiteurs, ils étaient étrangement à nouveau ouverts. Lupin ? Et pourquoi pas ?