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— Ah ! non, pas vous, maintenant !

Malko confus, tira les draps. Mais, bonne fille, Daphné vint s’allonger près de lui. Ensuite, elle murmura :

— Vous vous sentez mieux maintenant ? Cinq minutes plus tard, ils dormaient.

Gene Shirak alla retrouver « Darling » Jill dans la petite salle de billard. Il se sentait repu et apaisé par le corps de Daphné. Ses autres soucis s’étaient envolés avec la marijuana. Ce soir, la vie valait la peine d’être vécue.

« Darling » Jill, par contre, appuyée au billard, était de méchante humeur. Malko était parti beaucoup trop tôt à son goût.

— Tu as fait vite pour lui offrir des trucs à ta vache à lait, attaqua-t-elle.

Elle haïssait toutes les femmes ayant plus de poitrine qu’elle.

De bonne foi, Gene Shirak la regarda :

— Un bijou ? Je ne lui ai rien donné du tout…

— Ne raconte pas d’histoires, coupa Jill. Je l’ai vu dans la piscine quand elle était près de moi. Le même que celui que tu m’avais offert. La pierre de lune. Seulement, le mien, il est resté avec ton Indien… Je l’avais mis dans sa poche et je n’ai pas pensé à la récupérer. Il faudra que tu m’en offres un autre…

Gene Shirak eut soudain l’impression qu’une condensation d’eau glacée lui entourait le corps. Désespérément, il chercha à rassembler des idées dans son cerveau embrumé. Lorsqu’il avait fait l’amour à Daphné, il était sûr qu’elle n’avait aucun bijou. Pourtant, Jill ne rêvait pas. Le bijou avait dû tomber au cours de la lutte dans la piscine.

Déjà « Darling » Jill, pensait à autre chose.

— Je m’en vais, annonça-t-elle. Tâche de voir beaucoup ta vache à lait parce que son petit camarade me plaît fichtrement.

Gene ne l’écoutait que d’une oreille. Il fila dans le jardin. Il n’y avait plus personne autour de la piscine, à part deux couples endormis dans des balancelles. Il entra dans l’eau transparente, et, immédiatement, aperçut le bijou, posé dans le fond.

Il se pencha et le ramassa, puis revint s’enfermer dans sa salle de bains. Son cœur battait à grands coups dans sa poitrine. Gene mit la pierre de lune sous la lumière du néon et l’examina. Au fur et à mesure que les secondes passaient, il avait l’impression que la vie se retirait de lui.

Car ce bijou existait à un seul exemplaire. Il l’avait fait faire spécialement pour « Darling » Jill. Celui qu’il tenait dans le creux de sa main était donc celui qui s’était trouvé sur le cadavre du Navajo. Assommé par ce que cela signifiait, Gene Shirak se laissa tomber sur une chaise.

Chapitre IX

Gene Shirak vomit dans le lavabo. La peur et l’alcool. Une fraction de seconde, il avait eu l’intuition fulgurante que sa vie était terminée, que c’était une question de jours. Maintenant, seul dans le living-room, il essayait de raisonner, de lutter.

Comme une petite bête malfaisante, le bijou de Jill était resté posé sur le lavabo, preuve tangible de la menace qui pesait sur Gene Shirak.

Il se demanda s’il ne ferait pas mieux de prendre le premier avion pour Mexico ou Acapulco. Ou plus loin. Pour la première fois depuis des années, il n’avait pas envie de boire, ni de fumer une cigarette de marijuana. La tête entre ses mains, il jura à voix basse en hongrois. Une langue qu’il s’efforçait d’oublier depuis si longtemps.

Maintenant que l’effet de l’alcool et de la drogue s’atténuait, la peur s’infiltrait dans ses veines comme un poison subtil. Ce qu’il avait toujours craint se produisait. Comme un malade à qui on annonce qu’il a le cancer, il éprouvait un grand vide et rien d’autre.

Qui était l’homme blond et sa splendide compagne ?

Ce n’était pas le style du FBI. Donc, cela venait d’une organisation encore plus dangereuse. S’ils étaient là, c’est qu’on le soupçonnait, lui, Gene Shirak.

Il ne comprenait pas pourquoi la femme avait arboré le bijou qui la dénonçait. À moins que cela ne soit machiavélique, pour le forcer à se découvrir. Ou n’importe quelle raison. Mais le bijou était là. Il fallait un hasard impossible pour que ces deux-là n’aient rien à voir avec la mort du Navajo.

À sa peur se mêlait une sourde rancœur sexuelle : il ne pourrait plus profiter de Daphné, il se reprochait de ne pas l’avoir épuisée ce soir.

Cherchant à maîtriser la panique qui le gagnait, il alla au bar et se reversa du whisky qu’il avala d’un trait. Il eut un hoquet mais ne rendit pas l’alcool. Très vite, il éprouva une sensation bienfaisante. Voluptueusement, il enfonça ses pieds nus dans la moquette blanche. Dans quelques heures, le boulanger lui apporterait sa baguette de pain parisien spécialement amenée d’Europe par avion.

C’était cela la vie. Tout ce qu’il risquait de perdre. Il ne voulait pas y renoncer. Il ne pouvait pas.

Il essaya de raisonner logiquement. L’image de « Darling » Jill invitant l’homme blond le hantait. Ce dernier allait pénétrer dans son intimité, découvrir l’existence du Cheetah et faire parler Jill. Pour se sauver elle ne tiendrait pas cinq minutes. Or, elle pouvait dire que Gene Shirak lui avait demandé d’emmener le Navajo au Mexique.

C’était suffisant.

Le whisky baissait à vue d’œil dans la bouteille. Gene Shirak essuya une larme : il pleurait sur lui-même.

Les pensées s’entrechoquaient en désordre sous son crâne. Il n’y avait qu’une façon de protéger sa sécurité de façon certaine, puisque son talon d’Achille était Jill. Au moins gagner du temps. Il frémit en pensant que, sans le bienheureux incident avec Daphné, l’homme blond serait avec elle en ce moment, chez elle.

Mais le danger était toujours là. Et il n’osait pas s’attaquer à Jill elle-même.

Plus il réfléchissait, plus l’idée s’imposait à lui. L’alcool aidant, les solutions apparaissaient de plus en plus faciles et logiques. Après tout, ce n’était qu’un mauvais moment à passer. S’il était assez ferme et habile, Erain se découragerait. Et il pourrait reprendre sa vie sans souci et brillante.

Un reste de raison lui cria casse-cou. Il mettait le doigt dans un engrenage diabolique…

Mais après tout, il en avait vu d’autres à Hollywood. Et il avait toujours gagné.

Il restait à peine un quart de la bouteille de whisky. Il le vida dans un énorme verre ballon et se mit à le siroter en repassant son plan mentalement. Tout se tenait, c’était absolument logique.

Son verre achevé, il se leva et alla au coffre-fort dissimulé dans un des murs de sa chambre. Il en tira une poignée de billets de cent dollars qu’il avait l’habitude de garder là. Il enfouit l’argent dans sa poche et sortit, après avoir éteint les lumières.

* * *

Une jeune hippie dont la poitrine saillait à travers une blouse transparente, siffla en voyant la Rolls-Royce gris métallisé s’arrêter devant le Whisky à Gogo de Sunset Strip. À tout hasard, elle se leva et se pencha par la glace ouverte.

— J’ai besoin de dix dollars pour m’acheter un peu d’herbe…

Gene Shirak ne répondit même pas. Il se sentait sûr de lui, mais vacillait légèrement sans même s’en rendre compte. Il fit le tour et entra par l’entrée de service sur Doheny Drive. Un grand nègre en chemise verte l’arrêta :

— Où allez-vous, Mister ? C’est interdit par ici.

Gene, outré qu’on ne le reconnaisse pas, sortit un billet de dix dollars.

— Je vais voir Diana, Diana Miller. Suis un ami.

Le Noir tendit sa paume, rose à l’intérieur, fit disparaître le billet et annonça froidement :

— Elle est partie. Depuis une heure.

Gene le regarda en dessous. Mais l’autre semblait dire la vérité. Il sortit un second billet.