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Il remit la sirène pour l’arrivée à l’hôtel. L’émir se rengorgeait. Laissant la Mark III blanche stopper sous le porche, Clyde arrêta sa machine un peu avant, mit la béquille et descendit à terre. Conscient qu’un groupe de clients le regardait, il ôta lentement ses lunettes, ses gants et resta, les jambes écartées, la main sur la crosse, comme les héros de western.

* * *

Un pressentiment indéfinissable fit lever la tête à Malko. Il devina le geste de l’homme à la visière noire avant même de le voir. D’ailleurs, cette visière, si elle cachait le visage de l’inconnu, donnait un sentiment de malaise. On avait l’impression de se trouver en face d’un robot.

D’un bond, il se leva de sa chaise longue. Le long canon du Smith et Wesson était déjà braqué sur lui. Il lui restait une fraction de seconde pour sauver sa vie.

Il plongea la tête la première dans la piscine juste au moment où Dean Anchor tirait. La balle alla fracasser une bouteille dans le bar et se perdit sur le court de tennis. Dean, le revolver au poing, resta tout bête au bord de l’eau. La silhouette de Malko se détachait sur le fond de mosaïque bleue à quelques mètres.

Il visa soigneusement et tira deux fois. Les balles firent chacune un petit geyser, mais Malko continua à nager : Dean ignorait qu’un matelas de quelques centimètres d’eau suffit à arrêter n’importe quelle balle…

Indécis, il resta le revolver en l’air. Un cri retentit derrière lui. Georges accourait, brandissant une batte de baseball. Mais il stoppa à deux mètres du tueur ; hurlant et hystérique :

— La police ! Appelez la police !

Autour de la piscine, c’était la panique. Des femmes s’enfuyaient, d’autres se recroquevillaient sur leurs matelas, paralysées de terreur.

Dean vit le barman décrocher le téléphone. Il lui restait très peu de temps. Avec un peu de chance, il pourrait abattre la femme au passage et l’homme quand il sortirait de l’eau, de l’autre côté. Brandissant son Smith et Wesson, il fonça vers le bar.

Malko sentit que ses poumons allaient éclater. Jamais il n’était resté si longtemps sous l’eau. Il fit encore un effort désespéré pour revenir vers le centre de la piscine. Il savait que son corps se détachait parfaitement dans l’eau claire.

Il expulsa l’air de ses poumons, ce qui le fit couler. Dès qu’il sentit la mosaïque sous ses pieds, il donna un violent coup de talon, pour remonter d’un coup.

Sa tête émergea, plus vite que ne l’avait prévu Dean Anchor. Celui-ci, en équilibre au bord de la piscine, leva le Smith et Wesson. Il avait déjà parcouru la moitié du chemin qui le séparait de la fille rousse. Celle-ci regardait le tueur avancer sur elle, sans lâcher son téléphone.

L’explosion du 38 fit trembler les cocotiers. La balle s’enfonça dans l’eau, à quelques centimètres de la tête de Malko. Il avait eu le temps de respirer et replongea aussitôt.

Dean ne voyait plus que la rousse. Au moins, il aurait celle-là. Il fonça, mais glissa sur le dallage humide. Une seconde, il resta en équilibre. Mais ce n’était pas son jour de chance. Sous la « cabana » devant laquelle il passait, se trouvait un Texan qui n’avait pas peur des armes à feu.

D’une violente poussée, il projeta Dean dans la piscine, avant que le tueur ait pu retrouver son équilibre.

Dean Anchor tomba sans lâcher son arme. Il entendit la clameur des femmes qui s’enfuyaient dans tous les sens. Plusieurs s’étaient accroupies derrière le bar ambulant. Le tueur s’étrangla avec l’eau tiède, tâtonna, ivre de haine. Il avait pied. Il s’accrocha d’une main au rebord, mais l’homme qui l’avait poussé lui écrasa la main gauche et il lâcha prise avec un cri de douleur.

Sans viser, il tira. La balle de 38 frappa une femme qui tomba en arrière. Tous ceux qui s’étaient approchés pour l’hallali reculèrent précipitamment, y compris le courageux Texan. Dean marcha, de l’eau jusqu’au cou, jusqu’à l’échelle, qu’il escalada en se secouant comme un chien mouillé.

Il rabattit sa visière, comme pour se protéger, et regarda autour de lui.

La fille rousse avait disparu. Il n’avait pas le temps de la chercher. Il ne vit pas non plus l’homme blond qu’il était chargé de tuer. Son contrat était raté. Maintenant, il fallait sauver sa peau.

Il courut jusqu’à la barrière au tourniquet et sauta par dessus. L’intrépide vieille dame voulut lui barrer la route. D’un méchant coup de crosse à la tempe, Dean l’étendit sur le carrelage, avant de disparaître dans le petit chemin donnant directement sur le parking. À l’abri des regards, il s’accroupit et rechargea son arme. Derrière lui, c’était un concert de hurlements et d’imprécations.

Deux minutes plus tard, il enfourchait la Yamaha, le Smith et Wesson passé dans la ceinture.

Clyde Krieger rêvait en comptant les Cadillac s’arrêtant sous le porche de Beverly Hills, lorsqu’un homme en maillot de bain surgit en courant.

Instinctivement, Clyde porta la main à son 357 Magnum 45, puis se reprit. Il n’était pas dans le Watts. On ne tirait pas sur un millionnaire sans sommation. Trois des patrolmen étaient à la cafétéria et les deux autres écoutaient KRLA sur la radio de leur machine. L’homme blond fonça sur Krieger.

— Vite. Il y a un tueur à la piscine. On a tiré sur moi. Venez.

Déjà, il repartait en courant. Clyde Krieger n’hésita qu’une seconde. C’était la chance de sa vie. En dégainant son lourd Magnum 45, il se voyait déjà riche et célèbre…

— Restez là, cria-t-il aux deux autres patrolmen. S’il y avait une action glorieuse, autant être seul…

— Le voilà, cria l’homme blond.

Ils aperçurent la silhouette d’un homme enfourchant une moto qui démarra aussitôt. Clyde Krieger leva son arme, mais l’homme l’empêcha de tirer. Ils virent la moto traverser le Sunset et prendre Rodeo Drive.

— Ne tirez pas. Il le faut vivant.

— Pourquoi ?

— C’est un ordre du FBI.

Clyde Krieger courait déjà vers sa machine. Enfin, il tenait le gros coup.

La grosse Harley-Davidson démarra au premier coup de manivelle. Clyde sauta en selle. Ses deux copains s’apprêtaient à l’imiter mais le patrolman les arrêta :

— Restez là. L’émir va ressortir. Prévenez les voitures. Un type sur une Yamaha rouge. Porte un casque de mica noir. Armé. Dangereux. Descend sur Rodeo Drive, vers le sud.

Il mit la sirène et démarra. Le temps de se faufiler au feu rouge de Sunset et de Benedict Canyon, il fonçait à quatre-vingt-dix miles à l’heure sur Rodéo. Il ouvrit sa radio. Ses deux copains donnaient frénétiquement l’alerte. Une voiture de la « Beverly Hill Patrol », répondit de Wilshire Boulevard qu’elle remontait vers le nord pour couper la route au fugitif.

Clyde Krieger arriva au croisement de Santa Monica Boulevard et hésita. L’homme avait pu tourner à gauche ou à droite. Il s’arrêta. Au même moment la radio annonça :

— Ici B-18. Los Angeles. Venons de croiser homme sur Yamaha roulant en direction de Santa Monica. Impossible faire demi-tour, sommes bloqués par trafic.

Clyde fila à droite. Le Santa Monica filait tout droit sur près de quatre miles. La grosse Harley pouvait monter à cent vingt miles, il n’y avait pas de feux rouges pour lui. Il arriva à fond sur l’intersection de Wilshire Boulevard, dut monter sur le trottoir pour éviter un camion. Une sirène éclata derrière lui. Une voiture de patrouille dévalait Wilshire ; filant vers Century City, Clyde accéléra encore. Une seconde voiture jaillit de l’Avenue of the Stars et prit la chasse à son tour, non loin de lui.

Une dizaine de véhicules convergeaient maintenant vers Santa Monica Boulevard. La « Bel Air Patrol » bloquait le Sunset au nord. À l’ouest, il y avait la mer. L’homme essaierait de filer vers le sud, « downtown », où il avait plus de chance de se cacher que dans ces quartiers résidentiels.