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Dévalant le Santa Monica, Clyde Krieger entendit dans la radio le cri d’un des policiers :

— Attention, il fait demi-tour ! Intersection Santa Monica et Beverly Glen.

C’était à un mile en avant. Clyde Krieger ralentit, défit la patte de sécurité de son pistolet, mit en marche ses feux clignotants rouges. Et scruta ce qui arrivait en face.

Dean Anchor aperçut le policier le premier. Derrière lui, une voiture de patrouille essayait désespérément de se frayer un chemin dans le trafic. À gauche, il y avait une palissade infranchissable. Mais sur la droite s’ouvraient les terrains vagues de Century City. Sa seule chance. Clyde Krieger l’aperçut et sortit son pistolet.

Stupéfaite, une femme en bigoudis stoppa si brusquement sa Cadillac que le tueur vint buter dedans. Il roula par terre. Clyde avait mis pied à terre, sa machine en travers de l’avenue pour bloquer la circulation ; il se précipita vers le fugitif.

Dean courait déjà à travers un terrain vague, vers Century City. S’il parvenait à atteindre le bloc d’immeubles, il pourrait se perdre dans l’immense parking.

La silhouette bleue surgit à vingt mètres derrière lui.

Avec ses bottes et ses immenses jambes, le patrolman était avantagé dans ce terrain boueux. Il courait de toutes ses forces, gagnant à chaque enjambée. Il aurait pu facilement tirer, mais se souvenait de ce qu’avait ordonné l’inconnu blond. Une voiture de patrouille stoppa et quatre autres policiers s’élancèrent à leur tour dans le terrain vague.

Dean Anchor glissa et tomba, roulant sur lui-même, sans lâcher son 38. Pataugeant dans la boue, il tenta de se relever. Mais le grand patrolman braquait déjà son colt sur lui :

— Lâche ton arme, dit-il.

De la main gauche, il chercha à attraper ses menottes fixées derrière son dos sans quitter des yeux l’homme étendu à ses pieds.

Il vit dans les yeux du tueur qu’il allait tirer, hésita une fraction de seconde, toujours à cause de l’ordre.

Dean Anchor appuya sur la détente du 38 et le choc de la balle rejeta Clyde Krieger en arrière. Il ressentit un violent choc à la poitrine, voulut riposter mais sa main ne lui obéissait plus. Il tomba à genoux, tandis que le tueur se relevait. Réunissant ses ultimes forces, Clyde bloqua le long canon du 357 dans la saignée de son bras gauche, visa et tira. Il était si faible que le recul le fit tomber en arrière, mourant.

L’énorme balle de 357 frappa Dean Anchor entre les omoplates et ressortit par la poitrine en lui arrachant une partie du cœur.

Lorsque les policiers arrivèrent près de lui, il était mort. L’un des policiers d’entre eux retourna le corps du bout du pied, pour voir le visage. La visière de mica s’était écrasée et il avait de la terre dans la bouche. Le vieux flic secoua la tête avec tristesse. Le tueur n’avait pas plus de vingt-cinq ans. Le patrolman Clyde Krieger, trente-cinq.

Au loin, les jappements d’une ambulance augmentaient d’intensité. Le policier se pencha et ferma les yeux du mort.

* * *

Nom : Anchor. Prénoms : Dean, Vernon.

Age : 24 ans. Né à Pasadena, Californie. Habitant le 1086, 103e Street-Los Angles. Profession : électricien. Aucun employeur connu. Casier judiciaire : vierge.

Renseignements. Libéré de l’armée dix-huit mois plus tôt. 25e division de marine. Stationné à San Diego et Wake. N’a jamais travaillé. Aucune ressource connue. Paie son loyer régulièrement.

Albert Mann reposa la fiche avec découragement. Il n’y avait rien de plus sur le tueur de Clyde Krieger. Le numéro de série du Smith et Wesson avait été usé à la lime. La piste s’arrêtait là.

Malko, Albert Mann et deux policiers de Los Angeles se trouvaient dans le bureau de Jack Thomas, 1340 West 6e Rue, au sixième étage. La conférence avait été convoquée à l’instigation d’Albert Mann alors que le corps de Dean Anchor était encore chaud à la morgue du Receiving Hospital.

Jack Thomas secoua la tête en reprenant la fiche :

— J’ai peur que nous ne trouvions pas grand-chose de plus. C’est un tueur à gages, il agissait pour quelqu’un. La police de Los Angeles a perquisitionné chez lui, sans résultat. Sa mère prétend qu’elle ne l’avait pas vu depuis trois mois… Nous allons continuer quand même.

La climatisation marchait à fond et il faisait une température sibérienne dans le bureau, bien que le soleil frappât les vitres bleutées.

Le patron du FBI avait l’air soucieux. Il prit Albert Mann à part dans un coin du bureau :

— Cette histoire fait un mort et une blessée grave. J’espère que vous savez ce que vous faites… C’est peut-être le moment de secouer Gene Shirak, millionnaire ou pas…

Albert Mann secoua la tête :

— Je comprends ce que vous pensez. Ce meurtre m’étonne et me ravit à la fois. C’est la première preuve tangible que nous sommes sur la piste de quelque chose d’important. Et que les gens en face de nous sont pressés. Il y a des méthodes plus discrètes pour éliminer les gens…

— Donnez-moi encore une semaine…

À regret, Jack Thomas lui serra la main. Le FBI avait horreur des initiatives de la CIA qui le paralysaient. Surtout quand cela se terminait par des meurtres.

Albert Mann entraîna Malko, qui avait été présenté à Jack Thomas comme un agent « noir ».

— Vous avez l’avantage, dit-il dans l’ascenseur. Tâchez de trouver pourquoi on a voulu vous tuer…

C’est ce que Malko cherchait désespérément depuis le moment où il s’était trouvé en face de Dean Anchor.

— Je ne vois pas, avoua-t-il. Bien sûr, il y a le bijou que j’ai oublié au fond de la piscine. Mais Gene Shirak ou qui que ce soit n’est pas assez naïf pour penser que l’enquête va s’arrêter parce qu’on me tue.

Il y a autre chose, qui s’applique spécifiquement à ma modeste personne.

— Vous avez intérêt à le trouver avant qu’ils ne réussissent leur coup, souligna Albert Mann en remontant dans la Pontiac. Cela m’ennuierait de vous interroger par l’intermédiaire d’une table tournante.

— Moi aussi, dit sobrement Malko.

— De toute façon, nos amis du FBI ont mis Gene Shirak sous surveillance légère. On recueillera peut-être quelque chose…

Chapitre XI

Les mains dans les poches, Gene Shirak regardait sans les voir les voitures qui défilaient quatorze étages plus bas, sur Sunset Boulevard. Son bureau n’avait pas de murs : uniquement de grands panneaux vitrés descendant jusqu’au sol, réunis par des poutrelles d’acier. Le verre bleuté laissait entrer la lumière, mais il ne fallait pas avoir le vertige. On avait l’impression de se trouver suspendu entre ciel et terre.

Gene était très élégant, avec une chemise verte et un pantalon assorti. Mais ses traits étaient tirés et il avait de grandes poches sous les yeux. Son masque plat semblait sculpté dans du bois.

Il passa nerveusement la main dans ses rares cheveux. Ses yeux, déjà très clairs d’habitude, étaient presque incolores. Il n’avait pas dormi de la nuit. Depuis la veille il savait que son plan idiot avait raté. L’attentat du Beverly Hills et le duel mortel entre le patrolman et le tueur faisaient couler des torrents d’encre. Dans un éditorial virulent, le Los Angeles Time demandait qu’on mette un frein au crime organisé.

Gene avait grincé des dents devant la photo de l’innocent prince Malko qui jurait qu’il devait s’agir d’une erreur…

Toute la nuit, Gene Shirak avait tourné et retourné les faits dans sa tête. Il se trouvait confronté avec une situation sans issue. Maintenant le FBI le surveillait certainement. Sans posséder aucune preuve, bien sûr. Pour le moment.