Выбрать главу

Il se préparait à bondir.

Très lentement, pour ne pas effrayer le fauve, la main de Malko releva le chien du pistolet, caché par la veste. Il avait affreusement peur.

— Jill, dit-il, même si votre Cheetah m’égorge, cette fois, vous ne vous en tirerez pas.

— Ce n’est pas vous qui m’attraperez, cria-t-elle d’une voix aiguë.

Au son de sa voix, Sun baissa les oreilles et s’aplatit encore plus. Ses yeux jaunes n’étaient plus que deux lignes invisibles.

Malko s’était rarement trouvé dans une position aussi inconfortable. De la main gauche, il attira à lui un des gros coussins de velours du divan.

Jill recula lentement jusqu’à la porte. Malko esquissa un mouvement et s’arrêta net. Le Cheetah allait bondir. Il s’en fallait d’une fraction de seconde. Retenant sa respiration il se rassit.

Jill avait atteint la porte.

— Jill, appela Malko. Revenez.

Pour toute réponse, la pièce fut plongée dans l’obscurité et la porte claqua.

Malko se trouvait seul dans le noir avec le fauve.

Sun feula : il avait peur. Malko ne le distinguait pas mais sentit qu’il allait bondir. D’une détente désespérée, il se laissa tomber par terre, sortant son pistolet…

Dehors il entendit le rugissement du moteur de la Cadillac.

Presque aussitôt, il y eut un choc sourd à l’endroit où se trouvait Malko une seconde plus tôt. Il entendit nettement les griffes s’enfoncer dans le velours du canapé. La tête du Cheetah se trouvait juste au-dessus de lui et il pouvait sentir son souffle chaud.

Au jugé, il étendit le bras et tira, le pistolet touchant presque la fourrure.

Le Cheetah poussa un grondement déchirant et bondit en arrière. Malko ignorait s’il l’avait touché gravement ou non. Il resta accroupi derrière le canapé. Sun feulait doucement.

Tapi entre lui et la porte, le fauve lui interdisait toute sortie.

Malko décida de tenter le tout pour le tout. Se guidant au bruit, il étendit le bras et tira, très vite, trois fois.

Les détonations l’assourdirent complètement. Ensuite il tendit l’oreille. Le fauve ne faisait plus aucun bruit. Ou il était mort, ou il attendait, dans le noir, pour bondir sur Malko dès que celui-ci bougerait.

Mais il ne pouvait attendre indéfiniment. Il attrapa un des coussins. C’était une médiocre protection, mais cela valait mieux que rien.

Il se releva et, contournant le canapé, avança lentement vers la porte.

Les secondes les plus longues de son existence.

Il atteignit le bouton de la porte sans aucune réaction du Cheetah. Jamais, il n’avait ouvert aussi vite une porte. Ce n’est que le battant refermé qu’il réalisa que son cœur faisait des bonds dans sa poitrine.

Bien entendu la Cadillac blanche avait disparu. Malko monta dans sa Mustang et fonça au Beverly Hills. Il fallait retrouver Jill avant celui ou celle qui avait tué Daphné. Albert Mann et le FBI allaient enfin pouvoir intervenir.

* * *

« Darling » Jill n’arrêtait pas de trembler. Elle s’était arrêtée dans un « liquor store » pour acheter une bouteille de White Label. Elle était déjà à moitié vide. Jill roulait sur le San Diego Freeway, vers le sud. Sa première idée était de se réfugier au Mexique.

Puis, elle pensa soudain que la police surveillerait la frontière. Elle revit l’homme blond et Sun, face à face, étouffa un sanglot. Sun était peut-être mort maintenant. Elle se sentit seule et désemparée, sortit du Freeway, s’arrêta à une station Standard et courut à la cabine téléphonique. Elle composa le numéro de Gene chez lui, raccrocha avant que l’answering service lui demande son nom.

Ses jambes tremblaient. Elle crut qu’elle allait s’évanouir. Un petit motel se trouvait de l’autre côté du boulevard. Jill laissa sa voiture à la station, traversa, paya douze dollars et s’étendit toute habillée sur un lit, après avoir donné un faux nom.

Épuisée, elle s’endormit immédiatement.

« Darling » Jill se réveilla en sursaut, et regarda sa montre. Une heure dix. La bouche pâteuse, elle contempla d’abord les murs peints en vert, se demandant où elle était.

Tout lui revint d’un coup. Elle éprouva une violente nausée et se précipita vers le lavabo ; après avoir vomi, elle sortit et l’air frais lui fit du bien. Titubant, elle s’affala dans la Cadillac, mit en marche et regagna le Freeway, direction nord ; elle venait d’avoir une idée pour se cacher : la garçonnière de Seymour ; ce dernier était à New York pour quelques jours et la seule personne qui pourrait la déranger serait Gene Shirak.

Celui qu’elle voulait voir. « Darling » n’arrivait pas à croire que Daphné ait été assassinée. Ce n’était ni Seymour, ni Patricia, ni elle. Donc, ce ne pouvait être que Gene.

— Impossible !

Mais il fallait qu’il la rassure et surtout qu’il la sorte du pétrin…

Le Freeway était désert et une heure plus tard, elle stoppa devant la villa de Seymour. Après avoir garé la Cadillac dans le garage, elle fit le tour et pénétra dans la maison en utilisant la clef qui se trouvait au-dessus de la porte de la cuisine.

Tout était silencieux et elle frissonna. Après avoir exploré toutes les pièces de la maison, elle s’assit près du téléphone et commença ses recherches, la bouteille de White Label près d’elle.

Gene n’était toujours pas chez lui ; lorsqu’elle reconnut la voix de Joyce, Jill raccrocha précipitamment.

Ensuite, elle essaya sans succès toutes les boîtes de Beverly Hills : le Daisy, la Factory, le Candy store. Personne n’avait vu Gene Shirak ; partout, elle fit dire au producteur d’appeler d’urgence chez Glen : le nom d’emprunt de Seymour, sans donner le numéro.

Puis, après avoir lampe une bonne gorgée de whisky, au goulot, elle s’installa dans un fauteuil et regarda le Late Late Show sur le canal 7.

Pour ne pas penser.

* * *

L’agent du FBI qui surveillait la villa de Gene Shirak, dissimulé dans une camionnette arrêtée sur Sunset, sursauta lorsqu’on ouvrit la portière : il somnolait.

Albert Mann le regarda sévèrement, ravala un reproche et demanda :

— Rien de spécial ?

— Rien. Il n’est pas rentré et personne n’est venu. Je reste ?

— Bien sûr…

Ce n’était pas une sinécure, une planque à Beverly Hills. Tout stationnement étant interdit dans ce quartier résidentiel, il fallait simuler un véhicule en panne. Bien entendu, le téléphone de Gene Shirak était surveillé et le FBI avait réussi à cacher dans le jardin deux micros directionnels. Mais ce n’était pas suffisant.

Albert Mann regagna la Dodge où Malko l’attendait.

— Rien de ce côté-ci, annonça-t-il.

Depuis neuf heures du soir, ils cherchaient « Darling » Jill. Une demi-heure après la fuite de la jeune femme, Malko était retourné à la villa avec Albert Mann et quatre hommes de la Bel Air Patrol, dont l’un était armé d’une carabine 30/30. Mais sa présence avait été inutile : Sun gisait mort sur le côté, au milieu du living. Une des balles de Malko lui avait fait éclater le cerveau.

Les six hommes étaient repartis après avoir chargé le cadavre du fauve dans une camionnette du shérif.

— Je ne peux même pas lancer un avis de recherches, avait expliqué Albert Mann à Malko. Il n’y a aucun délit caractérisé. Il faut la retrouver par nos propres moyens…

— Dans ce pays, quand un homme en tue un autre à bout portant devant cinquante témoins, c’est déjà toute une comédie pour obtenir une inculpation de meurtre. Alors votre histoire… Pour peu qu’elle prétende que vous avez voulu la violer, c’est vous qui vous retrouverez en prison…