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Le Pacifique ondulait un peu plus loin. Il y avait déjà des gens sur la plage de Santa Monica. Brusquement, Gene Shirak eut envie d’aller gambader dans les vagues grises, au lieu d’attendre un peu plus d’angoisse.

Encore cinq minutes. Si seulement ce fichu téléphone pouvait sonner ! Il ne quittait pas la cabine des yeux comme si ses ondes avaient pu déclencher la sonnerie à distance. Pour tromper son attente, il mit sa radio en marche sur ondes courtes…

— …Il fume une cigarette, semble nerveux, ici voiture 3. Suis au coin 3e Rue et Ozone Avenue.

Gene Shirak resta paralysé de terreur. Il mit bien une demi-minute à réaliser qu’il s’agissait de lui. Souvent, il s’amusait à capter les messages de bateaux ou des voitures de police. Il crut avoir mal entendu, regarda dans son rétroviseur. Derrière lui, à cent mètres, une Plymouth grise était arrêtée contre le trottoir.

La voiture 3.

Le producteur eut un mal fou à ne pas ouvrir la portière et se sauver en courant. Il mit ses mains sur le volant, jetant sa cigarette, pour les empêcher de trembler.

Les pensées se catapultaient dans sa tête. Ainsi « elle » l’avait vendu. Ils l’attendaient pour l’arrêter. C’était fini. Les yeux fous, il regarda autour de lui. Il n’y avait que quelques vieux promeneurs.

Tout à coup, il entendit la sonnerie de la cabine. Il la regarda comme saint Antoine dut affronter la tentation dans le désert. On lui aurait présenté une pieuvre vivante à embrasser, il aurait été plus joyeux.

Lentement, comme s’il craignait de se faire remarquer, il poussa son levier de vitesse sur Drive et démarra, le front couvert d’une sueur glaciale.

Une vieille dame à chapeau à fleurs arrivait devant la cabine. Le téléphone sonnait toujours. Comme c’était une personne curieuse, elle entra dans la cabine et décrocha.

* * *

— Nom de Dieu, qu’est-ce qui se passe ? rugit Mann dans le micro.

Devant eux, la Mark III venait de démarrer et filait vers le nord.

La voix neutre de la voiture 3 répliqua aussitôt :

— Nous ignorons pour quelle raison il est parti. Nous ne pensons pas qu’il ait pu nous repérer.

Le téléphone sonne dans la cabine.

— Répondez, nom de Dieu, peut-être qu’ils ne connaissent pas sa voix.

Déjà Albert Mann appelait le dispatching.

— Attention, la Mark III vient de partir vers le nord. Qu’est-ce qui avait fait peur à Gene Shirak ?

Il n’était pas venu jusque-là pour démarrer comme un fou et ne pas répondre au téléphone qui sonnait. L’homme de la voiture 3 courait vers la cabine.

* * *

Le cœur d’Erain battait régulièrement. Le délai qu’elle s’était fixé expirait. Elle posa un dollar sur le comptoir et poussa la porte de la cafétéria. En face il y avait une cabine. Tranquillement, elle glissa une dîme dans la fente, attendit la tonalité et composa le numéro.

Dès que la sonnerie s’enclencha, elle mit la main dans son sac et sortit un objet métallique de la taille d’un paquet de cigarettes. Cela ressemblait au remote-control d’une télévision.

La sonnerie sonnait toujours. Erain fronça les sourcils, contrariée. Il aurait dû être là depuis au moins dix minutes. Elle se mit à compter les sonneries : quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze…

On décrocha.

Fermement, Erain appuya sur le bouton du couvercle de la petite boîte. Puis elle raccrocha, traversa la rue sans se presser et se glissa dans sa voiture.

Une minute plus tard, elle roulait sur Pico Boulevard, vers le nord, l’âme en paix.

* * *

La dame au chapeau à fleurs arriva la première à la cabine. Sans même voir l’homme du FBI qui courait, elle décrocha l’appareil. Le reste se passa si vite que personne ne sut vraiment ce qui arrivait.

Les parois vitrées volèrent en éclats. Plusieurs explosions rapprochées retentirent en chapelet. La vieille dame tituba comme sous l’empire de la boisson et s’effondra en petit tas au fond de la cabine, laissant une large tramée de sang sur la seule vitre encore intacte. Le récepteur pendait au bout de son cordon. L’agent du FBI plongea à plat ventre, tira son colt et désigna la façade d’une vieille maison de bois à la peinture blanche écaillée et aux stores fermés.

— Ça vient de là ! hurla-t-il.

La vieille dame ne bougeait plus. Les coups de feu avaient cessé. La 3e Rue s’était vidée, comme par miracle. Les Mexicains et les Noirs qui la peuplaient n’aimaient pas la police.

Dans la voiture, Malko jurait. Albert Mann était au bord de l’hystérie.

Les deux hommes jaillirent de la voiture et coururent vers la cabine téléphonique. En face, une des Ford du FBI stoppa en travers de la chaussée et dégorgea quatre hommes. Mais plus rien ne bougeait dans la petite maison d’où étaient partis les coups de feu.

Malko, dissimulé derrière une voiture en stationnement, scrutait les fenêtres de la villa. C’est une arme automatique de grande précision qui avait tiré, car toutes les balles avaient frappé la cabine.

— Attendez les autres, souffla Albert Mann, il est coincé.

En un temps qui ne parut pas à Malko supérieur à quelques secondes, deux motards surgirent de nulle part. Plusieurs sirènes se répondaient comme les voitures du FBI gagnaient le lieu de la fusillade : Deux minutes plus tard, plusieurs voitures bloquaient tous les carrefours autour du bloc, les feux rouges de leur toit tournant inlassablement et le son de leur sirène mourant lentement comme les policiers jaillissaient, certains armés de fusils.

Quelques curieux qui s’étaient rassemblés au coin d’Ozone Avenue furent hâtivement dispersés. Les policiers en civil et en uniforme couraient dans tous les sens.

L’agent du FBI qui se trouvait près de la cabine, rampa jusqu’à la porte et sortit le corps de la femme qu’il étendit sur le trottoir. Elle était morte, frappée de plusieurs balles dont l’une lui avait fait sauter la moitié de la tête.

Un des policiers, à l’aide d’un mégaphone, somma le tueur de se rendre. Aucune réponse. Protégés par des boucliers, trois policiers s’avancèrent sur la petite pelouse, parvinrent jusqu’à la porte, sans essuyer le moindre coup de feu. Malko suivit. Il ne comprenait pas comment le tueur s’était laissé coincer si facilement : il ne pouvait pas échapper, le bloc avant été cerné immédiatement.

Cela ne ressemblait pas à la prudence dont ses adversaires avaient fait preuve depuis le début de l’affaire.

En tout cas, Gene Shirak l’avait échappé belle. Sans le mystérieux avertissement qui l’avait fait fuir, il serait en ce moment étendu sur le trottoir à la place de la vieille dame. Malko traversa la 3e Rue en courant et s’accroupit près du mur de la villa. Une bonne vingtaine d’armes étaient braquées sur la façade.

Mais tout cela s’avéra inutile. Un grand sergent armé d’une mitraillette, faisant partie de la première vague à avoir pénétré dans la maison, ressortit et cria :

— Il s’est tiré !

Malko et son compagnon se précipitèrent, enfilèrent un escalier sentant le renfermé et surgirent dans une petite chambre. L’odeur âcre de la cordite flottait encore dans la pièce. Un groupe de policiers entouraient une étrange machine infernale.

Un fusil automatique M. 16 fixé sur un pied tripode de caméra. Les trois plaques avaient été vissées dans le plancher de bois, donnant une grande rigidité à l’ensemble. De l’extérieur, l’arme était dissimulée par les rideaux. Le canon n’avait pratiquement pas dévié le temps que le chargeur se vide.