Выбрать главу

— Mais vous êtes fou, on va se tuer ! Après tout, on peut passer le week-end tous les deux.

Malko émergea sur la piste à trois cents mètres devant le jet. Déjà, il pouvait l’empêcher de décoller. Mais la fille était à bord, très probablement armée, et n’importe quoi pouvait arriver. Il alluma ses phares et avança lentement vers le jet, roulant en plein milieu du runway.

Le jet freina. Une minute plus tard, ils étaient face à face. Malko sauta de la T-Bird et hurla au pilote qui se penchait par le cockpit :

— Nous sommes des invités de M. Krug.

L’autre, furieux, lui fit signe de passer par l’arrière. Sur ce modèle d’appareil, il existait une passerelle rabattante incorporée. Malko obéit. La Jeep du garde cahotait sur le gazon, venant à leur rencontre.

— Allez-y la première, dit-il à Sue.

Le choc serait moins fort pour Dennis. Le garde arrivait. Malko arrêta ses vociférations d’un geste :

— Si je ne redescends pas, prévenez immédiatement le FBI, dit-il. Dites-leur que le prince Malko est à bord de cet avion.

Il sauta à la suite de Sue, laissant le garde, la bouche ouverte de surprise. Ignorant ce qu’il allait trouver à l’intérieur du « Lear-Jet ». Si le Navajo n’y était pas, il serait toujours temps de redescendre.

Chapitre XX

— Happy days[19] ! cria Dennis.

Le bouchon de la bouteille de Champagne sauta avec un « plouf » joyeux. Les yeux du gros Dennis pétillaient autant que le liquide ambré dans les coupes. Il avait ouvert la première bouteille alors que le Learjet n’avait pas encore rentré ses roues. Si le milliardaire avait été contrarié par l’irruption in extremis de Malko, il n’en avait rien montré, heureux de la présence de Sue. Bien entendu, il ignorait « l’accident » survenu à Gene Shirak.

Le Navajo et Erain l’intriguaient mais il soupçonnait une fantaisie érotique de Gene, empêché au dernier moment. La jeune femme s’était présentée comme une amie du producteur, invitée par lui.

Le Learjet montait régulièrement vers son altitude de croisière de 26 000 pieds, cap au sud. Ils allaient franchir la frontière mexicaine incessamment.

Malko trempa ses lèvres dans le Champagne glacé. Autant profiter d’une des dernières sensations agréables du voyage. Ainsi son raisonnement s’était révélé exact…

L’avion contenait une douzaine de personnes. Malko connaissait Joe Makenna, l’acteur, Patricia, la spécialiste du suicide, mais pas les autres. Il avait identifié facilement le Navajo, assis à l’arrière, et la femme qui avait tué Joyce. Il émanait d’elle quelque chose de différent, de dur, de sévère. Elle n’avait pas réagi lorsque Malko était monté dans l’avion. Il éprouvait une sensation étrange, faite d’excitation et d’angoisse, à se trouver ainsi brutalement en présence de son ennemie. Elle avait soutenu le regard de ses yeux d’or avec un imperceptible sourire, sous lequel on devinait sa tension.

Lequel des deux allait frapper le premier ?

Malko n’était même pas armé. Il était certain que la femme l’était. Il n’avait pas encore mis Dennis Krug au courant. Ce n’était pas une affaire d’amateurs. Ils étaient en route pour Acapulco, 1 600 miles au sud de Los Angeles. D’ici là, beaucoup de choses pouvaient arriver.

Pour le moment, ils buvaient du Dom Perignon. Erain, comme les autres. Tout l’avant de la cabine était aménagé en bar avec des banquettes. Dennis et les filles assuraient le service.

Dennis ouvrait la troisième bouteille, quand le second pilote sortit du cockpit et s’approcha de lui, l’air soucieux. Il lui tendit une feuille de papier, et attendit.

Malko se rapprocha et lut par-dessus l’épaule du jeune homme : c’était un message succinct du FBI. On intimait l’ordre au jet de faire demi-tour et d’atterrir sur le plus proche terrain américain. Un individu recherché par le FBI se trouvant à bord…

Dennis fronça les sourcils. Malko se pencha à son oreille.

— Obéissez, murmura-t-il. Le plus discrètement possible.

Mais le jeune milliardaire était déjà passablement excité par le Champagne. Il toisa Malko, derrière ses lunettes de myope :

— Vous n’avez pas à me donner d’ordres, dit-il, furieux et frustré. C’est mon avion et mon pilote.

Il avait parlé à haute voix et tous avaient entendu. Malko sentit venir la catastrophe. Dennis brandit le télégramme :

— Mes amis, dit-il, je ne comprends pas ce qui se passe. Les autorités fédérales ordonnent à cet avion de faire demi-tour. Je pense qu’il s’agit d’une erreur, mais je suis obligé d’obéir. Nous allons nous poser sur le terrain de San Diego, et nous repartirons dès que le malentendu sera dissipé.

Il y eut quelques exclamations déçues, mais le Dom Perignon adoucissait bien des choses. Malko regarda Erain. La Hongroise avait un visage de bois : elle se leva et s’approcha de Dennis.

— Nous ne faisons pas demi-tour, dit-elle tranquillement.

Dennis rit très haut et voulut l’enlacer avec un clin d’œil égrillard.

— Tu ne perdras rien pour attendre, beauté…

Erain, sans geste superflu, sortit un gros pistolet automatique de son sac et le braqua sur le copilote.

— Retournez à l’avant, ordonna-t-elle et mettez le cap à l’Est, nous allons à Cuba.

Dennis se claqua les cuisses et voulut attraper Erain par le cou :

— Bravo, hurla-t-il, bravo, au moins quelqu’un qui a le sens de l’humour.

Erain recula, dirigea le pistolet sur lui :

— Ce n’est pas une plaisanterie, nous allons à Cuba. Asseyez-vous tous et ne bougez plus.

Le copilote hésitait. Le canon du pistolet se braqua dans sa direction :

— Interrompez les liaisons radio et faites ce que je vous dis. Je vais venir vérifier votre nouveau cap. N’essayez pas de me tromper ou je vous tue.

Dennis sursauta. Il tendit la main vers Erain :

— Donnez-moi cela. La plaisanterie a assez duré.

— Restez tranquille, fit Erain.

Sans répondre, Dennis se jeta sur elle. Il y eut une explosion sourde et le gros jeune homme se plia en deux, les mains au ventre. Puis il glissa en arrière sur la banquette, une expression d’intense surprise sur le visage. Erain brandit son pistolet.

— Regagnez vos places. C’est désormais moi qui commande ici. Nous allons à La Havane.

Laissant les invités de Dennis abasourdis et terrorisés, elle disparut dans le poste de pilotage. Quelques secondes plus tard, le soleil bascula dans les hublots du Learjet.

Malko se demanda combien de temps, il lui restait à vivre.

* * *

Malcolm Spellman, responsable de la tour de contrôle d’Albuquerque, New Mexico, suivait, intrigué, une petite tache verte sur l’écran de son radar.

Un appareil qui ne s’était pas encore identifié, volant à 22 000 pieds. Un jet, étant donné la vitesse.

— Albuquerque Center, appela-t-il dans le micro, je vous ai dans mon radar. Identifiez-vous.

Il y eut un court instant de silence puis quatre chiffres apparurent sur le télétype couplé au radar :

— 7.7.0.0.

Le code d’alerte pour les appareils ayant perdu le contact radio. Pourtant l’appareil semblait voler à une altitude et à une vitesse normale. Malcolm Spellman n’eut pas le temps de se poser de question. Cette fois, la voix impersonnelle du haut-parleur annonça :

— Ici N. 78546. Nous sommes obligés de nous dérouter de notre route pour Cuba sous la menace d’une femme armée. Over. Nous ne transmettrons plus. Volons altitude 236. Cap. 363,4.

Il n’y eut plus que le grésillement du bruit de fond dans le micro. Malcolm Spellman n’insista pas. Sans perdre son calme, il décrocha le téléphone et appela le FBI, puis Fort Worth et Miami, les deux centres de contrôle régionaux au-dessus desquels l’avion arraisonné allait passer. Pour l’instant, il n’y avait rien d’autre à faire.

вернуться

19

Beaucoup de jours heureux !