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La tour de contrôle de l’aéroport de Miami, nette comme une table d’opération, grouillait d’activité. Un groupe de civils entourait le responsable du Traffic qui tentait vainement d’entrer en contact avec le Learjet dérouté sur Cuba.

Matt Serling, responsable à Miami de la D.O.D.[20] de la CIA, un homme corpulent à lunettes, peu bavard, dirigeait les opérations.

— Appelez-les encore, demanda-t-il. Le radio enclencha son micro.

— Ici Miami Control.

Enfin la voix du pilote du Learjet retentit, si claire, que plusieurs des assistants sursautèrent.

— Ici N. 78546. Miami Control. Nous sommes à 100 miles ouest de Key West. Rien de changé à bord. Continuons sur Cuba.

Matt Serling prit le micro des mains du civil.

— Ici Miami Control. Ne pouvez-vous rien tenter ? La réponse vint très vite.

— Ici N. 78546. Nous ne pouvons rien tenter. Nous nous poserons à La Havane d’ici quarante minutes. À vous.

— Roger. Bien reçu, dit Matt Serling. Je vous souhaite bonne chance. Ici Miami Control.

Il rendit le micro et sortit de la tour de contrôle sans un mot.

Une longue Cadillac noire était garée devant la tour de contrôle. La banquette de séparation ressemblait au tableau de bord d’un jet. Un écran de télévision et deux téléphones. L’un d’eux, équipé d’un système codeur-décodeur, était relié directement à la salle d’opération de la Maison-Blanche, à Washington. Matt Serling, installé dans le building Langford à Miami, avait à prendre plusieurs fois par mois des décisions intéressant directement la Présidence. Il ouvrit la portière arrière de la Cadillac et se laissa tomber à côté d’un colonel de l’Air Force, minuscule et tiré à quatre épingles, John Damon.

— Alors ? demanda l’officier. Matt Serling eut une grimace en décrochant un des téléphones.

— Moche.

L’autre n’insista pas. Dès qu’il eut son correspondant en ligne, Matt Serling lui communiqua les dernières informations. Le colonel n’entendit pas la réponse et le visage de l’homme de la CIA ne montra rien de ses émotions intérieures.

Après un bref commentaire, il raccrocha et se tourna vers le colonel :

— À vous de jouer. Procédure UN.

Le petit colonel eut du mal à arracher quatre mots de sa gorge serrée.

— C’est vraiment indispensable ? Il y a des femmes à bord.

En dépit de la climatisation parfaite, l’atmosphère de la luxueuse voiture lui semblait soudain irrespirable.

— Il y a aussi un de nos meilleurs hommes à bord, colonel, dit Matt Serling. Ce sont des choses que nous ne pouvons pas prendre en considération lorsque des intérêts aussi vitaux sont en jeu. Il faut que vous donniez les ordres immédiatement.

Le colonel John Damon décrocha à son tour l’un des téléphones. Il commandait la base de Homestead, au sud de Miami, terrain militaire travaillant en liaison étroite avec la CIA. Les pilotes de l’Air Force, sélectionnés pour servir à Homestead, remplissaient parfois d’étranges missions.

Dès qu’il eut l’officier de la tour de contrôle de Homestead, il ordonna :

— Faites décoller les trois F 105, runway 19. Dès qu’ils auront le contact à vue avec l’objectif, qu’ils passent en haute fréquence et délivrent l’ultimatum. En cas de refus, appliquer la procédure UN.

Le petit colonel raccrocha, l’air misérable. D’une main tremblante, il prit une cigarette.

— Vous croyez qu’ils feront demi-tour ? demanda-t-il.

— Non, dit Matt Serling.

Il y avait longtemps qu’il n’était plus sentimental. Difficile dans son métier. Les deux hommes restèrent silencieux.

Chapitre XXI

Un silence de mort régnait dans la cabine du Learjet. Erain était aussi immobile qu’une statue, debout derrière le capitaine et le second pilote, ne quittant le compas des yeux que pour surveiller l’arrière.

Elle avait fouillé tous les passagers après la mort de Dennis, y compris Malko, en les faisant défiler devant elle, un à un.

Un peu plus tôt, le pilote ayant tenté de dévier vers le nord, elle avait appuyé le canon de l’automatique sur sa nuque et averti calmement :

— Si vous recommencez, je vous tue.

Le pilote n’avait plus rien tenté. Il était sûr qu’elle le ferait. Il avait objecté :

— En arrivant à La Havane, il nous restera seulement dix minutes d’essence.

Erain avait souri méchamment.

— Ne craignez rien, on ne nous fera pas attendre.

Elle avait forcé les deux pilotes à attacher leurs ceinture de sécurité pour qu’ils ne puissent pas se lever rapidement. Le haut-parleur du cockpit était branché, et elle pouvait ainsi contrôler toute conversation avec le sol.

Malko avait un siège assigné dans la dernière rangée, celle ou était assis le Navajo, de l’autre côté de la travée centrale. Il guettait sa chance, sans trop y croire. Il ne pourrait jamais la désarmer. C’était une professionnelle.

Le corps de Dennis était étendu sur la banquette du bar. Les autres passagers ne bougeaient plus, ne parlaient plus, abrutis de peur. Seul, Joe Makenna paraissait indifférent. Il jouait avec son singe comme si de rien n’était, complètement indifférent. Sa dose quotidienne de TNB – concentré de marijuana – le plongeait dans un état second, hors du monde.

Tout à coup, Patricia, assise devant Malko, se leva. Aussitôt Erain braqua son arme.

— Asseyez-vous.

La jeune femme lui jeta un regard d’hallucinée. Depuis le départ, Malko l’avait vu avaler une demi-bouteille de whisky et fumer une vingtaine de cigarettes droguées. Elle oscilla une seconde au milieu de la travée puis fit quelques pas, vers l’arrière. Erain baissa son arme avec une grimace de mépris. Cette loque humaine ne l’intéressait pas.

Harisson, le Navajo, regardait, par le hublot, les nuages défiler. Tout ce qui arrivait le dépassait complètement et il mourait de peur.

Patricia vint s’effondrer près de Malko. Ses yeux étaient injectés de sang et ses gestes hésitants. Elle s’appuya sur Malko et commença à pleurer.

— Je vais me suicider, annonça-t-elle. Je n’en peux plus de cette vie. Je suis heureuse de crever…

Malko cherchait désespérément un moyen de s’en tirer. Il avait pensé à ouvrir une issue de secours afin de provoquer une brusque décompression. Mais dans sa rage, Erain risquait de tuer le pilote.

Il contempla Patricia.

— Pourquoi n’essayez-vous pas de mener une vie normale ? demanda-t-il. Vous pourriez être heureuse…

— Je m’ennuie, dit-elle d’un ton las. Vous comprenez cela ?

À voix basse, elle ajouta :

— Mais cette fois-ci, ça y est. J’en ai avalé assez. Je vais avoir la paix.

Elle reposa sa tête sur le dossier et murmura :

— Je suis contente de mourir.

Malko allait répondre lorsqu’il sursauta ; son attention fut détournée par le hublot : trois chasseurs avaient surgi à côté de l’avion, volant si près qu’il pouvait distinguer les pilotes.

Malheureusement cette présence rassurante était purement gratuite : ils ne pouvaient forcer le Learjet à faire demi-tour. Ils volaient déjà depuis un quart d’heure au-dessus de la mer des Caraïbes.

Presque aussitôt, Erain s’avança vers lui, son pistolet automatique braqué. Elle s’arrêta prudemment à un mètre.

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20

Domestic Opérations Division.