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— La police ! Mais… Il la foudroya du regard :

— Oui, la police. Qu’est-ce que tu crois, que tu vas le balancer dans ta boîte à ordures comme une bouteille vide de Coke ?

« Darling » Jill se rapprocha de lui, suppliante :

— Tu ne veux pas leur téléphoner, toi ?

— Moi !

Il avait l’impression que son crâne allait exploser, Gene Shirak.

Il saisit la jeune femme par le cou, de la main droite, et se mit à la secouer :

— Tu ne veux pas que je lui fasse la respiration artificielle, non plus ! Moi, dans deux minutes je serai parti d’ici et je ne suis jamais venu, tu m’entends ? fit-il, menaçant. Tu raconteras aux flics que tu l’as kidnappé chez moi, sans me le dire, pour t’offrir une fantaisie. Et qu’il y a eu un accident. N’importe quoi. Mais je ne te conseille pas de leur dire que tu t’envoies en l’air avec ta bête. Parce qu’après l’avoir abattue, ils t’enfermeraient…

— Ils vont le tuer ! gémit « Darling » Jill. Soudain, elle ne sentait plus l’odeur du sang.

— Qu’est-ce que tu crois, qu’ils vont le décorer ? Ou lui donner d’autres petits Indiens ? Ça fait un moment qu’on a fait la paix avec eux…

« Darling » Jill refoulait ses larmes en pensant à Sun. Gene la lâcha et se rapprocha de la porte : un peu radouci, il ordonna :

— Appelle la police. Tu les connais assez, ils ne t’ennuieront pas trop, toi. C’est moi qui vais entendre les gars de la « Navajo Agency ». Ils y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, à leurs sauvages. Ils n’en ont presque plus.

Jill eut envie de lui dire que, de toute façon, le Navajo était perdu pour sa réserve, mais ce n’était pas le moment. Elle raccompagna Gene Shirak jusqu’à la porte et referma doucement.

Elle se moquait bien du Navajo, maintenant. Le ronronnement de la Rolls-Royce décrut rapidement et s’évanouit.

Au volant, Gene Shirak s’efforçait de ne pas penser. Après tout c’était peut-être un bien. S’il était assez ferme l’histoire s’arrêterait là et il n’aurait rien fait d’illégal.

En glissant silencieusement au volant de la puissante voiture à travers les allées désertes de Bel-Air, il se disait qu’il avait férocement envie de conserver son luxe et sa position. Même au prix de quelques concessions.

* * *

« Darling » Jill décrocha son téléphone et appuya sur la touche « 0 ». Dès qu’elle eut l’opératrice, elle demanda le numéro du shérif de Beverly Hills. Elle le nota au crayon et raccrocha.

Maintenant que Gene Shirak était parti, sa peur se calmait un peu, laissant la place à une rage aveugle et enfantine.

Ainsi, on allait tuer son Sun ! C’était trop injuste. Si c’était un être humain, un jury ne lui infligerait qu’une peine légère. Elle posa les yeux sur le cadavre du Navajo et décrocha l’appareil. Elle ne pouvait pas garder cela dans son living-room.

Mais lorsqu’elle eut composé le numéro du shérif, elle raccrocha aussitôt. Elle se leva et libéra Sun de la pièce où il était enfermé. Le Cheetah s’étira joyeusement, flaira avec indifférence le cadavre du Navajo et vint se coucher aux pieds de sa maîtresse. « Darling » Jill se pencha et l’embrassa.

— Sun, gémit-elle, je ne veux pas que tu meures !

Pour gagner du temps, elle prit une cigarette de marijuana dans un coffret d’argent et l’alluma. La drogue légère la détendit. Son angoisse et sa peur s’effilochèrent, la réalité se dissipait. Assise sur la moquette, le dos appuyé au divan, elle tirait des bouffées les plus profondes possibles pour bien s’imbiber de la drogue. Le Cheetah somnolait en face d’elle, le cadavre du Navajo les séparant.

Une heure plus tard, Jill achevait sa cinquième cigarette et avait l’impression de flotter sur la moquette. Mais surtout, son cerveau aiguisé par « l’herbe à chats » avait trouvé une idée pour sauver le Cheetah.

Surmontant son dégoût, elle déplaça le corps du Navajo de façon à le mettre au milieu du tapis sur lequel il était mort. Tant bien que mal, elle roula le corps dedans en un gros cylindre multicolore. Farfouillant dans les placards de la cuisine, elle ramena une pelote de solide cordelette. Il fallut à la jeune femme, peu habituée aux travaux manuels, une demi-heure pour ficeler le macabre colis. Sun regardait sa maîtresse, humant l’odeur du sang. Il vint plusieurs fois frotter sa tête contre ses jambes.

Il semblait à « Darling » Jill que ses mains avaient doublé de volume.

Elle s’arc-bouta pour tirer l’Indien. Mais elle eut beau tendre tous ses muscles, elle le fit bouger de dix centimètres, puis tomba en arrière, épuisée, au bord des larmes. Le sang battait dans ses poignets et, l’effet de la drogue commençant à se dissiper, elle se sentait soudain très lourde. Toute seule, elle n’y arriverait jamais.

Au bord du désespoir, elle eut soudain une idée :

— Sun, appela-t-elle, viens ici.

Elle prit le Cheetah par son collier et lui montra le bord du tapis, comme pour jouer. Docilement, il s’accroupit à côté de Jill, enfonça ses crocs et tira.

En un clin d’œil, Sun traîna le Navajo jusqu’à la porte d’entrée. Il s’arrêta, ravi, et feula de joie. D’habitude, Jill ne le laissait jamais jouer avec les tapis.

La jeune femme ouvrit la porte avec précaution. Belagio Road était déserte. Elle ouvrit la portière avant de la Cadillac blanche et plongea dans la boîte à gants, cherchant l’ouverture électrique du coffre. Le Navajo y tiendrait à l’aise. Puis elle se ravisa : le coffre était trop haut, la banquette arrière ferait très bien l’affaire.

Avec l’aide du Cheetah, elle tira le tapis roulé jusqu’à la voiture. Mais, lorsqu’il fallut le soulever, elle ne put même pas le décoller du sol. De nouveau, le découragement l’envahit. Sun la regardait, assis sur son derrière, impassible. Elle tenta de le faire monter sur l’aile arrière pour qu’il hâle le corps, mais c’était un jeu trop compliqué pour lui. Majestueux et digne, il rentra dans la maison, laissant « Darling » Jill complètement affolée. Elle ne pouvait plus ni rentrer, ni faire disparaître le corps. Il n’y avait plus qu’à prévenir la police et laisser tuer Sun. Et à expliquer pourquoi elle avait enroulé le Navajo dans le tapis. Elle aurait du mal à faire croire que c’était pour qu’il ne prenne pas froid…

Désespérée, elle s’assit sur le rouleau de tapis, la tête dans ses mains. Elle avait terriblement envie d’une cigarette de marijuana.

Soudain, deux phares blancs surgirent de l’obscurité. La voiture ralentit et stoppa en face de la maison. Le cœur dans les talons, « Darling » Jill entendit un bruit de portière. Presque aussitôt, la silhouette d’un policier en uniforme surgit dans la lumière du driveway. Souriant et sûr de lui, il s’avançait vers Jill.

Derrière lui, les feux rouges du toit de la voiture de police clignotaient doucement et Jill pouvait entendre le bruit de fond de sa radio. Nuit et jour, les voitures de la « Bel Air Patrol » traquaient les rôdeurs, les cambrioleurs et tout ce qui pouvait déranger le repos des milliardaires de Bel-Air.

Le policier s’arrêta à trois mètres de « Darling » Jill, porta la main à sa casquette et sourit. Sa chemise était impeccablement repassée et un gros 45 pendait à sa ceinture.

— Quelque chose ne va pas, miss Rickbell ? demanda-t-il, affable. Ce n’est pas une heure à être dehors.

« Darling » Jill le regarda, totalement affolée ; elle ne se souvenait plus si elle avait appelé la police ou non.

— Non, non, cela va très bien, bredouilla-t-elle. Merci. Le flic la contemplait, alléché et sympathique. Il avait arrêté assez de teenagers drogués à « l’herbe » pour se rendre compte que Jill était « High », bourrée de marijuana. Les filles, quand elles sont dans cet état-là, prennent le premier qui leur tombe sous la main. Jill était connue comme le loup blanc. Deux ou trois fois, elle s’était fait accompagner jusque dans son lit par le policier qui la ramenait ivre morte. Le patrolman, Jeff Parker se dit que c’était peut-être son jour de chance.