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Malko étouffait. Il se tourna vers les autres passagers :

— C’est moi qui l’ai poussée à attaquer. Je suis responsable de sa mort. C’était le seul moyen de nous sauver tous.

Personne ne répondit. Malko vit des larmes dans les yeux de Sue Scala. Maintenant le Learjet volait vers le nord. Les trois chasseurs étaient toujours là.

Malko alla rejoindre le pilote. Celui-ci lui adressa un pâle sourire.

— Bravo, fit-il. Vous nous avez sauvé la vie. Ils m’ont donné l’ordre de me poser à Homestead, au sud de Miami. Nous y serons dans dix minutes…

Malko allait répondre quand un cri retentit à l’arrière. Il se précipita. Erain luttait avec le copilote au milieu de la cabine. D’un violent coup de genou, elle s’en débarrassa. Le temps pour Malko de traverser la cabine, elle s’était agrippée à la poignée de la sortie de secours droite. Il y eut une explosion sourde, Erain disparut et le Jet se remplit d’une vapeur blanchâtre.

Un courant d’air glacé traversa la cabine. À tâtons, Malko avança vers l’ouverture. Tout le panneau avait sauté. Erain n’était plus là. Elle n’avait pas lâché la poignée de secours, volontairement. Le copilote se releva, livide.

— Elle m’a demandé de la laisser respirer un peu, bredouilla-t-il. Je ne me suis pas méfié.

La vapeur blanche se dissipa assez vite. Le Learjet perdait rapidement de l’altitude. Le corps d’Erain venait de se disloquer à la surface de la mer des Caraïbes. On n’en retrouverait rien.

Malko se laissa tomber dans un fauteuil. Il se sentait affreusement las. Devant lui, la main fine de Patricia pendait le long d’un fauteuil, comme si elle dormait. Le cadavre de Dennis avait roulé à l’arrière et bloquait la porte des toilettes. Beverly Hills se souviendrait longtemps de Gene Shirak.

Le Navajo contemplait les cadavres, hébété, ignorant qu’il était la cause involontaire de ce massacre. Malko lui sourit pour le rassurer un peu.

— Nous allons arriver bientôt, dit-il. Tout est fini.

* * *

La longue Cadillac noire et une Ford grise avec quatre hommes suivaient à la trace le Learjet qui roulait lentement sur le runway. Lorsqu’il stoppa, Matt Serling sauta de sa voiture et se précipita vers l’arrière qui s’ouvrait.

Malko descendit le premier, lui serra vigoureusement la main et se présenta.

— Bravo, dit-il, vous avez fait tout ce que vous avez pu. J’ai prévenu Mann à Los Angeles que tout s’est bien terminé.

Une Jeep de l’Air Force bourrée de policiers militaires s’arrêta près du jet, suivie d’un petit bus et d’une ambulance. Matt Serling entraîna Malko vers la Cadillac, tandis que les hommes de la Ford pénétraient dans l’appareil pour récupérer le Navajo.

— Les chasseurs ont vu tomber la femme, fit Serling. C’est dommage. Elle aurait été très utile. Je suppose que c’était inévitable.

Malko se sentait brisé et vide. Il secoua la tête.

— Inévitable, en effet.

Il se retourna vers le Learjet. Un à un les passagers descendaient et s’engouffraient dans le bus, assommés et accablés.

Joe Makenna sortit le dernier, toujours pieds nus, son singe sur les épaules. Il sourit de loin à Malko. Matt Serling eut un haut-le-corps.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Un enfant naturel de la Californie du Sud et du dollar, laissa tomber Malko avec une politesse pleine de lassitude.

Le Navajo descendit, encadré de deux agents de la CIA, et fut avalé par la Ford grise. Ensuite ce fut le corps de Patricia, enroulé dans une couverture, qu’on allongea dans l’ambulance.

Il faisait une chaleur humide et le soleil se réverbérait durement sur le ciment clair. Malko frotta ses yeux rougis de fatigue.

— Maintenant, demanda-t-il, voulez-vous me dire la raison de ce massacre ?

Matt Serling ouvrit la portière de la Cadillac sans répondre à la question de Malko.

— Je vais vous présenter quelqu’un, dit-il.

Un homme au visage rond, presque chauve, des sourcils roux, tendit la main à Malko.

— Foster Mac Kinsey est sous-directeur du Département COMSEC[22] de la NSA. Il est le seul à pouvoir répondre à vos questions…

Malko s’assit entre les deux hommes. C’est la première fois qu’il rencontrait un des dirigeants de la NSA – National Security Agency. Ceux-ci, dont le Q.G. se trouvait à Fort Mead en Virginie étaient encore plus épris de secret que la CIA. Bien qu’agence fédérale, la NSA avait toujours refusé de dire officiellement ce qu’elle faisait. Bien entendu, tout le monde savait qu’elle était spécialisée dans les codes et toutes les questions y afférant.

— Foster, dit Matt Serling, le prince Malko, notre ami SAS, est un homme en qui on peut avoir confiance.

L’homme de la NSA sourit vaguement et dit lentement :

— Plusieurs codes vitaux pour ce pays sont basés sur la langue navajo. Sans l’assistance de quelqu’un parlant parfaitement la langue, ils sont indécryptables. Mais si des spécialistes « nourrissent » un ordinateur convenablement, le décryptage devient relativement facile. Voilà pourquoi certaines personnes avaient besoin d’un Navajo.

Il énonçait cela comme une vérité évidente ! Malko mit bien une minute à assimiler cette incroyable information. Mais cela n’expliquait pas l’acharnement désespéré et plus qu’audacieux de ceux qui avaient monté l’opération.

— Il n’y avait pas de moyen plus discret pour s’en procurer ? demanda-t-il.

Cette fois, Matt Serling avait son mot à dire.

— Ils avaient des raisons d’être pressés, expliqua-t-il. Vous savez que nos véhicules spatiaux sont télécommandés de Houston, au Texas. En cas de fonctionnement défectueux, nous pouvons les faire exploser en vol après avoir éjecté la capsule. Vous imaginez facilement que les signaux déclenchant l’explosion sont codés… Nous sommes les premiers à tenter l’aventure de la lune. Certains n’ont pas pu résister à la tentation d’ajouter un risque supplémentaire à l’opération…

Qu’en termes galants ! …

La Cadillac avait démarré et roulait doucement.

— Qui ? demanda Malko.

Matt Serling eut un geste d’impuissance.

— Elle était la seule à pouvoir nous le dire.

Il semblait sincère, mais Malko voulut en avoir le cœur net.

— Vous voulez dire que vous ne savez pas qui voulait ce Navajo. Cette femme nous entraînait à Cuba, pourtant.

— Il y a tant de gens à Cuba… Mais je pense, personnellement que certains généraux soviétiques ont jugé intolérables que les USA parviennent les premiers à la lune, et monté une opération de leur propre chef, sans l’accord du gouvernement de l’URSS. Le GRU n’a pas de réseau puissant dans notre pays.

— Le KGB n’aurait pas agi de cette façon. Nous avons eu affaire à des gens aux abois. Il y a un petit fait à l’appui de cette théorie. En ce moment se trouve à Cuba une escadrille de bombardiers soviétiques Bisons. C’eût été un moyen facile de transporter en Russie un homme comme le Navajo, à l’abri des regards indiscrets… Même de ceux du KGB, puisque les appareils se seraient posés sur un terrain militaire. La piste se serait arrêtée à La Havane…

La Cadillac longeait lentement la mer des Caraïbes. Malko avait hâte de se retrouver à Liezen dans son château. Pour oublier la mort de Patricia.

Soudain, un grondement terrifiant fit trembler la puissante Cadillac, venant de nulle part. À 150 miles au nord, l’énorme fusée Saturne portant la capsule Apollo 11 s’arrachait du sol. La voiture stoppa. Des piétons hurlaient de joie. Foster Mac Kinsey hocha la tête et tourna vers Malko un regard heureux.

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Communications et Sécurité.