– Non, pas moi. Le détective.
– Quel détective ?
– J’y arrivais justement. Mon appartement a été cambriolé et fouillé de fond en comble trois fois au cours de ces deux semaines. Naturellement, j’ai appelé les flics. Je ne voyais là aucun lien avec les coups de téléphone. Mais la troisième fois, le détective m’a demandé de lui dire tout ce qui s’était passé d’inhabituel ces derniers temps. Alors, je lui ai parlé de ces étranges individus qui n’arrêtaient pas de m’appeler pour avoir des nouvelles d’un ami qui était parti. Plusieurs d’entre eux avaient laissé leur numéro et il a trouvé que ça valait la peine de chercher par là. Mais je l’ai eu au téléphone hier et il m’a dit qu’il n’avait rien trouvé. Tous les appels venaient de cabines publiques.
– Est-ce qu’on t’a volé quelque chose ?
– Non. C’est ce qui l’ennuyait aussi.
– Je vois, dis-je en sirotant mon verre. Est-ce que quelqu’un t’a posé des questions qui ne me concernaient pas. En particulier, au sujet de la pierre de Byler ?
– Non. Mais ça t’intéressera peut-être aussi d’apprendre qu’on a cambriolé son labo, pendant que tu n’étais pas là. Personne n’a pu dire exactement s’il manquait quelque chose. Pour en revenir à ta question, alors que personne ne m’a demandé quoi que ce soit au sujet de la pierre, quelqu’un s’intéressait à moi pour une raison ou une autre. Peut-être est-ce lié avec les cambriolages de l’appartement. Je n’en sais rien. Mais toujours est-il que pendant quelques jours, il semble bien que j’ai été suivi. Je n’y ai pas prêté attention au début. En fait, ce n’est que lorsque tous ces trucs sont arrivés que j’ai pensé à lui. Le même homme, pas spécialement importun, mais toujours là – quelque part. Il ne s’est jamais suffisamment approché de moi pour que je puisse bien le voir. Au début, j’ai simplement pensé que je devenais névrosé. Après, bien sûr, il m’est revenu à l’esprit. Mais c’était trop tard. Il a disparu quand la police a commencé à tourner autour de moi et de ce building.
Il avala d’un trait ce qui restait dans son verre et je terminai le mien.
– Voilà à peu près le résumé des événements, dit-il. Laisse-moi le temps de remplir nos verres et tu me diras ce que tu sais.
– Vas-y.
J’allumai une cigarette et réfléchis. Il devait y avoir un fil conducteur dans tout cela et il était probable que la pierre des étoiles en était la clé. Mais il y avait trop de phénomènes subsidiaires pour essayer de les classer, de les analyser, de les poursuivre individuellement. Cependant, j’avais l’impression que si j’en savais plus sur cette pierre, les événements récents prendraient une nouvelle perspective. C’est ainsi que devait commencer ma liste de priorités.
Hal revint avec les verres, me donna le mien et se rassit.
– Très bien, dit-il, étant donné ce qui est arrivé ici, je suis prêt à croire tout ce que tu me diras.
Je lui racontai donc en gros ce qui s’était passé depuis mon départ.
– Je ne te crois pas, dit-il quand j’eus terminé.
– Je n’ai pas de meilleurs souvenirs à t’offrir que ceux-là.
– Okay, okay, dit-il. C’est bizarre. Mais tu l’es aussi. Sans vouloir t’offenser. Laisse-moi m’embrumer un peu plus le cerveau et j’essaierai d’y réfléchir. Je reviens tout de suite.
Il se leva pour remplir encore une fois nos verres. Je m’en foutais royalement. J’avais perdu la notion du temps pendant que je parlais.
– Tu étais sérieux ? demanda-t-il, finalement.
– Oui.
– Alors, ces types sont encore probablement chez toi.
– C’est possible.
– Pourquoi ne pas appeler les flics ?
– Tu parles ! Si ça se trouve, ce sont des flics !
– Des flics qui portent des toasts à la Reine ?
– Il se pourrait que ce soit la reine de Beauté de leur vieille Alma Mater. Je n’en sais rien. De toute façon, je préfère que personne ne sache que je suis rentré tant que je n’en sais pas plus, et que je n’ai pas réfléchi vraiment à la chose.
– Okay. Tu peux compter sur moi : motus et bouche cousue. Que puis-je faire pour t’aider ?
– Penser. Tu es célèbre pour avoir des idées de temps en temps. C’est le moment d’en trouver une.
– Très bien, dit-il. J’y ai réfléchi. Tout semble converger vers le fac-similé de la pierre des étoiles. Qu’a-t-il de si important ?
– Je donne ma langue au chat. Dis-moi.
– Je ne sais pas. Mais considérons tout ce que nous savons à ce sujet.
– Okay. L’original nous a été prêté dans le cadre de ce traité d’échanges culturels que nous avons signé. On l’a décrit comme une relique, un objet d’utilité inconnue – mais probablement d’ordre décoratif – trouvé parmi les ruines d’une civilisation morte. Elle semble être synthétique. Dans ce cas, c’est peut-être l’objet le plus ancien façonné par l’intelligence dans toute la galaxie.
– Ce qui la rend inestimable.
– Naturellement.
– Si nous la perdions ou la détruisions, nous pourrions être exclus du programme d’échanges.
– Je suppose que c’est possible…
– Tu supposes, tu parles ! C’est possible. J’ai vérifié. La bibliothèque possède maintenant une traduction complète de l’accord, et j’ai eu la curiosité d’aller voir ce qu’elle disait. Tous les membres tiendraient une réunion pour voter notre expulsion.
– Alors, encore heureux qu’elle n’ait été ni perdue ni détruite.
– Ouais. Formidable.
– Comment se fait-il que Byler ait pu l’avoir entre les mains ?
– À mon avis, par l’O. N. U. – on lui a demandé de faire une copie pour l’exposer. Il l’a faite et c’est là qu’il y a eu maldonne.
– Je n’arrive pas à croire qu’il ait pu y avoir maldonne dans une affaire aussi importante.
– Alors, suppose que c’est intentionnel.
– Comment ça ?
– Disons qu’on lui ait prêté la pierre, mais qu’au lieu de redonner l’original et une copie, il leur ait rendu deux copies. C’est très possible qu’il ait voulu la garder plus longtemps pour l’étudier en long et en large. Il pouvait se dire qu’il la rendrait quand il aurait fini ou si on le prenait sur le fait. Il n’y aurait pas eu de scandale dans une entreprise aussi clandestine. Ou peut-être que j’ai l’esprit trop tortueux. Peut-être qu’on la lui avait prêtée légalement tout le temps, pour qu’il l’étudié à leur demande. Quoi qu’il en soit, supposons qu’il avait l’original récemment encore.
– D’accord, supposons.
– Puis l’original a disparu. Qu’il ait été mélangé ou jeté avec les copies de qualité inférieure, ou que ce soit la pierre qu’il nous ait donnée par erreur…
– Qu’il t’a donnée, qu’il t’a donnée, dis-je. Et pas par erreur.
– Paul est arrivé à cette conclusion aussi, poursuivit-il, ignorant mon intervention. Il a paniqué, s’est mis à la recherche de la pierre, ce qui nous a valu d’être passé à tabac.
– Comment s’en est-il aperçu ?
– Quelqu’un a remarqué que c’était une copie et lui a demandé où était la vraie. Quand il l’a cherchée, elle n’était plus là.
– Et il est mort.
– Tu as dit que les deux hommes, qui t’ont interrogé en Australie, ont admis, pour le moins, être responsables de sa mort.
– Zeemeister et Buckler. Oui.
– Le wombat-détective t’a dit que c’étaient des brigands.
– Des branguits, mais continue.
– L’O. N. U. en a informé les pays membres – et c’est là que le Département d’État intervient dans notre cas. Mais quelque chose a foiré et Zeemeister a décidé de retrouver la pierre le premier pour en tirer une coquette rançon. Excuse-moi, une récompense.