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Je le connais bien, évidemment.

Portrait d’un Garçon et d’un Chien s’ébattant sur la plage, Tic-Toc, la Tempête Passée, Fragment –

– Allez le chercher, mon garçon ! Allez le chercher !

– Bon Dieu, Ragma ! Apprenez à lancer un frisbee correctement si vous voulez jouer ! Je commence à en avoir assez d’aller le chercher ! »

Il étouffa un rire. J’allai chercher le frisbee et le lui lançai. Il l’attrapa et le relança, pour qu’il retombe encore une fois dans les buissons.

– Ça suffit, dis-je. J’abandonne. C’est sans espoir. Vous l’attrapez bien mais vous ne savez pas le lancer.

Je me détournai et me dirigeai vers l’eau. Quelques instants plus tard, j’entendis un bruit de pas étouffés : il était à mes côtés.

– Nous avons un jeu un peu semblable chez nous, dit-il. Je n’y ai jamais excellé non plus.

Nous regardâmes les vagues s’affaler sur la plage, tirant du vert au gris, qui se bousculaient et moussaient en refluant.

– Donnez-moi donc une cigarette, dit Ragma.

Je lui en donnai une et en pris une.

– Si je vous dis ce que je sais que vous voulez savoir, je briserai le règlement de sécurité, dit-il.

Je ne répondis rien. Je l’avais déjà deviné.

– Mais je vais quand même vous le dire, poursuivit-il. Sans tous les détails. Seulement l’image générale. Je vais mettre à l’épreuve mon discernement. C’est en réalité un secret assez connu, et puisque vos compagnons commencent à voyager à travers d’autres mondes et recevoir des visiteurs, vous en entendrez parler tôt ou tard. J’aime mieux que vous l’entendiez de la bouche d’un ami. C’est un élément qui peut vous apporter quelques éclaircissements avant de prendre une décision à propos de la proposition qui vous a été faite. Je trouve que nous vous devons bien cela.

– Mon chat de Cheshire…, commençai-je.

– Était un Willowhim, dit-il. Un représentant d’une des plus puissantes cultures de la galaxie. La concurrence entre les différents peuples qui composent toute la civilisation a toujours été dure en ce qui concerne le commerce et l’exploitation des nouveaux mondes. Ce sont de grandes cultures et des supersuperpuissances. Et puis, il y a, pourrait-on dire, les mondes en voie de développement – tels que le vôtre, nouvellement arrivé au seuil de la grande civilisation. Un jour, vous siégerez probablement à notre Conseil, avec droit de vote. Quelle force aurez-vous, à votre avis ?

– Pas énormément, dis-je.

– Et que fait-on dans ces circonstances ?

– On recherche des alliances, on signe des marchés. On tente de trouver d’autres gens ayant les mêmes problèmes et les mêmes intérêts.

– Vous pourriez vous allier aussi à l’une des superpuissances. Elle vous apporterait toutes sortes de choses en échange de votre soutien.

– Dans ce cas, on risque de devenir des marionnettes, de perdre beaucoup de notre autonomie.

– Oui et non. Ce n’est pas aussi simple. D’autre part, vous pouvez vous allier avec des groupes plus petits dont la situation, comme vous l’avez dit, ressemble à la vôtre. Il y a des risques là aussi, bien entendu, mais les choix ne sont jamais aussi tranchés. Voyez-vous où je veux en venir ?

– Peut-être. Y a-t-il beaucoup de… mondes en voie de développement… tel que le mien ?

– Oui, dit-il. Il y en a pas mal. Et on en découvre toujours de nouveaux. Bonne chose – pour tout le monde. Nous avons besoin de cette diversité, de tous ces points de vue et de ces approches uniques des problèmes que la vie pose, où qu’ils se produisent.

– Est-il correct d’assumer qu’un nombre important de ces jeunes mondes partagent le même point de vue sur des problèmes fondamentaux ?

– C’est correct.

– Existent-ils en nombre suffisant pour faire pencher l’équilibre des forces ?

– Nous commençons à arriver à ce stade.

– Je vois, dis-je.

– Oui. Certaines puissances plus anciennes, plus établies, n’hésiteraient pas à limiter leur force. Empêcher leur nombre de croître est une façon d’y parvenir.

– Si nous avions fait les idiots avec les objets échangés, est-ce que cela nous aurait banni de la Confédération à jamais ?

– À jamais, non. Vous existez. Vous êtes suffisamment développés. Il aurait fallu vous reconnaître tôt ou tard. Même si on vous avait écarté initialement. Mais vous en porteriez l’opprobre et vous y seriez entré plus tard, forcément. Cela aurait considérablement retardé les choses.

– Soupçonniez-vous les Whillowhims depuis le début ?

– Je pensais bien que ce devait être l’œuvre d’une des superpuissances. Il y a déjà eu un certain nombre d’incidents de ce genre – et c’est la raison pour laquelle nous surveillons les nouveaux. Dans votre cas, c’était facile pour eux – la situation était là, il suffisait de l’exploiter. En fait, je m’étais trompé sur l’identité de ceux qui étaient derrière tout ça. Je ne l’ai vraiment compris que cette nuit dans le Hall, quand Speicus a réussi à communiquer son message et que vous vous êtes mis à la poursuite du Whillowhim. Non pas que cela soit important. Si nous leur présentions nos découvertes et que nous leur demandions des explications – ce que nous ne ferons pas –, les Whillowhims répondraient simplement que leur agent n’était pas patenté, que c’était un simple particulier déséquilibré agissant sans ordres et qu’ils regrettaient les inconvénients qu’il nous avait causés. Non, le fait de savoir qu’ils ont perdu la partie est amplement suffisant. Nous les avons épinglés ici. Ils savent que nous sommes là et que vous êtes sur le qui-vive – puisque vos hauts fonctionnaires le sont. Je ne pense pas qu’un incident de cette nature se reproduira à l’avenir.

– Je suppose que la prochaine fois, ils arriveront avec des cadeaux plein les bras ?

– C’est tout à fait probable. Mais là encore, vous êtes prévenus. D’autres viendront aussi. Ce ne devrait pas être difficile d’équilibrer leurs propositions.

– Ainsi, on en revient toujours à la cigarette…

– Ou à la pipe. Ou bien à d’autres choses, dit-il. Je ne vous suis pas tout à fait…

– La politique, c’est un vice aussi.

– Oh ! oui. L’une des petites choses fondamentales de la vie.

– Ragma, je voudrais vous poser une question personnelle.

– Allez-y. Si cela est trop embarrassant, je n’y répondrai pas tout simplement.

– Alors, dites-moi, comment caractériseriez-vous votre propre culture, votre race, votre peuple – quel que soit le terme que vos sociologues appliquent à votre groupe (vous voyez ce que je veux dire) – parmi les grandes civilisations galactiques ?

– Oh ! nous nous définissons comme tout à fait pratiques, efficaces, éliquibrés.

– Équilibrés, dis-je.

– Oui, c’est ça. Et en même temps, idéalistes, inventifs, pleins de diversité culturelle et…

Je toussai.

–… et possédant un grand potentiel, acheva-t-il, ainsi que les rêves et la vigueur de la jeunesse.

– Merci.

Nous rebroussâmes chemin et marchâmes le long de la plage à la limite où venaient s’écraser les vagues.

– Vous avez réfléchi à la proposition ? demanda-t-il au bout d’un moment.

– Oui, dis-je.

– Et vous avez pris une décision ?

– Pas encore. Je vais m’en aller un moment pour y réfléchir tranquillement.

– Vous avez une idée du temps que cela vous prendra ?

– Non.

– Très bien, très bien. Vous nous en avertirez bien sûr, immédiatement, quelle que soit votre réponse…