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Soudain, les gens de la tribu furent entourés d’une grande clarté. C’était une clarté plus intense que tout ce qu’ils avaient connu. Pour eux, la lumière du jour était grisâtre et permettait tout juste de voir. Mais ici, c’était une lumière qui brillait. Ils n’étaient pas habitués à une lumière éclatante.

Ils n’étaient pas non plus habitués au silence. Les bruits affreux de la basse terre avaient éternellement retenti dans les oreilles de tous les êtres humains. Ces bruits avaient diminué à mesure qu’ils escaladaient la montagne. Et maintenant, il n’y avait plus aucun bruit. Ce fait leur parut tout à coup surprenant.

Ils clignaient des yeux. Ils se parlaient en murmurant. Ici, les pierres sous leurs pieds n’étaient pas recouvertes de lichens. Elles étaient nues et luisantes. Toutes ces choses étaient absolument nouvelles. Mais le silence était un calme paisible au lieu d’être un silence menaçant. Cette lumière dorée ne pouvait pas être associée à la peur. Les habitants de la planète oubliée devaient sans doute avoir l’impression de reconnaître ce calme étincelant pour l’avoir vu en rêve.

Mais cela n’était pas un rêve. Ils avaient émergé d’un océan de brume pour débarquer sur un rivage de soleil. Pour la première fois, ils voyaient le ciel bleu et la lumière du soleil. Elle frappait leurs jambes. Elle faisait étinceler leurs vêtements de fourrure. Elle scintillait sur la grande lance de Burl et sur les armes de ses compagnons.

Le petit groupe marcha sur le rivage, sortit complètement du nuage. Ils regardaient autour d’eux avec des yeux étonnés, émerveillés. Le ciel était bleu. Il y avait de l’herbe verte.

Ils entendirent alors des bruits nouveaux : celui du vent à travers les arbres et celui des êtres qui vivaient au soleil. Ils entendirent des insectes. Mais ils n’arrivaient pas à établir un rapprochement avec les sons familiers des basses terres. Les bruissements aigus et musicaux, les petits cris stridents qui composaient une mélodie féerique autour d’eux leur paraissaient tout à fait étrangers. Une grande joie remplissait leur cœur. Des souvenirs ancestraux les aidaient à comprendre confusément que ce qu’ils voyaient était juste, était normal, était approprié et beau. Ils sentaient que ce monde était le genre d’univers auquel les humains appartenaient plutôt qu’à l’horrible grouillement des basses terres. Ils respiraient de l’air pur pour la première fois depuis bien des générations.

Burl poussa un cri de triomphe. Sa voix résonna parmi les arbres et dans les collines.

Enfin l’heure était venue où le plateau résonnait des cris de triomphe de l’homme.

10

Si on avait demandé aux compagnons de Burl quelle était leur définition du bonheur, ils auraient répondu que le bonheur consistait à posséder un refuge sûr et, dans ce refuge, des vivres permettant de ne pas le quitter.

En arrivant sur les hautes terres, les gens de la tribu possédaient des vivres pour longtemps. En effet, ils avaient apporté avec eux des champignons cueillis dans la petite vallée isolée qui se trouvait juste au-dessous des nuages. En outre, il leur restait encore une certaine quantité des fameuses fourmis que Dik et Tet avaient généreusement distribuées après les avoir tuées. Toutes n’avaient pas été utilisées pour distraire l’attention du mille-pattes.

Pour que la tribu s’installât d’une façon définitive, il manquait donc encore deux choses. Il fallait être sûr de pouvoir renouveler les provisions, quand elles seraient terminées. Ensuite, il fallait trouver un refuge.

En effet, les humains se sentaient en sécurité sur ces hautes terres malgré la nouveauté surprenante de la lumière et des couleurs. Avec la confiance spontanée des enfants et des sauvages, ils acceptaient l’idée qu’aucun ennemi n’habitait les alentours. Cependant ils n’avaient pas de cachette pour la nuit et ils en désiraient une.

Ils trouvèrent une caverne. Elle était toute petite et ils y seraient à l’étroit. Mais ils n’y auraient que plus chaud. En l’examinant, ils s’aperçurent qu’elle avait dû être occupée par un animal. Cependant la poussière s’était tassée et l’on ne voyait pas de traces de pas. Les fugitifs reniflèrent de vagues relents pour essayer de deviner la nature de l’animal qui avait habité leur abri. Une odeur était toujours une indication utile. Les fourmis, par exemple, sentaient l’acide formique et la fourmilière sentait le musc. Avec un peu d’habitude, on pouvait même distinguer à quelle espèce de fourmis on avait affaire. Les araignées avaient leur puanteur particulière. Les mantes religieuses exhalaient une âcre saveur et tous les hannetons empestaient la pourriture. Il y avait même d’énormes punaises dont la principale défense contre leurs ennemis consistait en une émanation tellement fétide, qu’elle faisait fuir tous les autres animaux.

Les effluves que l’on respirait dans la caverne étaient différents de tout ce que la tribu avait respiré jusque-là. Burl conclut que cette odeur appartenait peut-être à une autre espèce d’humains. En fait, c’était l’odeur d’un animal à sang chaud.

Mais, jusque-là, Burl et ses compagnons n’avaient pas rencontré d’autre animal à sang chaud que l’homme.

Ils étaient arrivés au-dessus des nuages deux heures environ avant le coucher de ce soleil qu’ils découvraient pour la première fois. Pendant près d’une heure, restant les uns près des autres, ils s’émerveillèrent de tout ce qu’ils voyaient. Ils étaient particulièrement surpris de ne pas pouvoir fixer le soleil. Mais, étant encore des sauvages, ils acceptaient ce fait sans chercher à le comprendre.

Ils ne pouvaient s’habituer à la végétation qu’ils voyaient autour d’eux. Jusque-là, ils n’avaient vu que des champignons gigantesques ou quelques plantes telles que les choux qui s’efforçaient désespérément de produire une semence avant d’être submergés par les champignons. Ici, c’était le contraire. Il poussait de nombreuses plantes, mais aucun champignon. D’ailleurs, ils étaient stupéfaits de la minceur et de la dureté des arbres. Et l’herbe les fascinait.

Une autre chose encourageait beaucoup les nouveaux venus. Nulle part ils ne découvrirent les débris monstrueux qui jonchaient normalement le terrain de chasse d’un insecte carnivore. Le domaine d’une araignée était toujours encombré des restes macabres de son repas. Là où rôdaient les mantes religieuses, on trouvait des ailes de hannetons et des débris de carcasses.

Ainsi, pendant la première heure de leur exploration, les hommes ne virent rien qui indiquât la présence d’un insecte géant du genre de ceux qui hantaient les basses terres. Évidemment, ils ne pouvaient pas être sûrs que les monstres ne montaient jamais jusque-là. Au moins pouvaient-ils espérer, avec raison, que ces irruptions étaient rares.

La découverte de la caverne avait soulagé tout le monde. Ils avaient l’habitude de s’abriter dans des grottes. Plus tard peut-être, les arbres leur donneraient-ils un sentiment de sécurité. Ils avaient été stupéfaits de la solidité de leurs troncs, car ils n’avaient jamais connu que des cuirasses d’insectes ou des pierres aussi dures que le bois. Mais, ce soir-là, mieux valait se fier à un abri connu.

Lorsque le soleil baissa et que l’ouest s’empourpra, ils se sentirent moins heureux. Ils regardèrent leur premier coucher de soleil avec des yeux incrédules et inquiets. Ils observèrent les teintes jaunes, rouges et pourpres du couchant. Ils les virent disparaître. Ils virent le soleil descendre derrière quelque chose d’inconnu. Puis ce fut l’obscurité.

Ce fait les frappa de stupeur. C’était donc ainsi que la nuit venait !