Выбрать главу

Alors ils découvrirent les étoiles pour la première fois, tandis qu’elles s’allumaient une à une. Ces lumières leur firent peur. Ils allèrent s’entasser comme des fous dans la caverne, cette caverne dans laquelle flottait toujours l’odeur du premier occupant. Ils se serrèrent les uns contre les autres. Seul, Burl eut quelque répugnance à admettre sa frayeur. Saya et lui furent les derniers à entrer dans la cachette.

Et il ne se passa rien, absolument rien. Les étoiles ne les attaquèrent pas.

Le coucher de soleil avait été accompagné de bruits tout à fait étranges aussi. Certains d’entre eux continuèrent pendant la nuit. Ils étaient plutôt réconfortants. Il semblait aux humains que c’était ainsi que les bruits de la nuit devaient être.

Sans doute, Burl et les autres étaient-ils guidés par leur mémoire ancestrale. C’était la première fois en quarante générations que, sur la planète oubliée, des êtres humains se trouvaient dans un milieu naturel qui leur convenait vraiment. Aussi, en dépit de sa nouveauté, cette expérience leur semblait favorable.

Burl, à cause de son caractère particulier, était plus capable que les autres d’apprécier les hautes terres. Assis près de l’entrée de la caverne, il écoutait les bruits de la nuit. Il entendait en même temps la respiration de ses compagnons. Il sentait la chaleur de leurs corps. Saya serrait sa main et se rassurait par ce contact. Mais Burl ne pouvait pas dormir. Il réfléchissait.

Saya, elle, était troublée par l’inconnu de ce nouveau monde. Elle était soulagée de ne rien voir autour d’elle des horreurs familières. Elle se souvenait avec fierté de la façon dont Burl donnait des ordres et conduisait son groupe. Elle s’absorbait dans le souvenir tout neuf de l’aspect du soleil et de la sensation de chaleur qu’elle avait ressentie. Elle pensait au ciel, à l’herbe et aux arbres qu’elle avait vus pour la première fois. Confusément, elle se souvint aussi que Burl avait tué une araignée, une araignée ! Il avait montré comment on pouvait échapper à une mante religieuse en lui jetant une fourmi. Il avait guidé tout le monde en haut d’une montagne que personne n’avait songé à escalader. Et le mille-pattes géant les aurait tous dévorés si Burl n’avait pas distribué des ordres et donné l’exemple. Et c’était Burl, encore, qui avait grimpé en tête de la troupe alors qu’ils avaient tous l’impression que le monde chavirait autour d’eux…

Enfin, Saya s’endormit. Burl veillait, l’oreille tendue. Soudain, le cœur battant très fort, il se glissa hors de la caverne.

Le jeune homme regarda tout autour de lui dans l’obscurité. Il ressentit d’abord une fraîcheur comme il n’en avait jamais connu jusque-là. Il y avait aussi dans l’air des odeurs qu’il n’avait jamais rencontrées : des odeurs de plantes vertes, l’odeur saine du vent et l’odeur étrangement agréable des arbres résineux.

Mais ce fut vers les cieux que Burl dirigea ses regards. Il vit les étoiles dans toute leur splendeur. Il était le premier humain en deux mille ans à les contempler de cette planète. Il y en avait des myriades et des myriades, dont l’éclat allait de la lueur aveuglante au clignotement infinitésimal. Elles étaient de toutes les couleurs possibles. Elles étaient accrochées dans le ciel au-dessus de lui, immobiles. Elles n’étaient pas hostiles. Elles ne l’attaquaient pas. Elles étaient magnifiques.

Burl était perdu dans sa contemplation. Mais soudain il remarqua qu’il respirait profondément, avec une délectation nouvelle. Il emplissait ses poumons d’air pur, frais et parfumé, l’air que les hommes auraient dû respirer depuis toujours et dont Burl et bien d’autres avaient été privés. C’était enivrant de se sentir à la fois si merveilleusement vivant et si totalement rassuré.

Le jeune homme entendit un faible bruit. Saya se tenait près de lui. Elle tremblait un peu. Il lui avait fallu un grand courage pour quitter les autres. Mais elle savait maintenant que, si Burl courait un danger, elle voulait le partager avec lui.

Ils écoutèrent le vent nocturne et la musique des chanteurs de la nuit. Ils s’éloignèrent un peu de l’entrée de la caverne. Burl n’avait vraiment pas peur de l’obscurité, Saya en ressentait une immense fierté. Sa propre inquiétude ajoutait encore à cette fierté. Elle éprouvait une intense satisfaction de pouvoir à la fois trembler devant les dangers et se sentir en sécurité près de l’homme qu’elle aimait.

Soudain, les deux jeunes gens perçurent un nouveau bruit. Il était très éloigné. Il ne ressemblait à aucun son connu d’eux. En effet, il changeait constamment de note, ce qui n’était pas le cas des cris d’insectes. C’était une sorte d’aboiement, de jappement. Il s’éleva, resta sur une note haute et, brusquement, devint plus grave avant de cesser tout à fait. Quelques minutes plus tard, il recommença.

Saya frissonna. Mais Burl dit pensivement :

— C’est un bon bruit.

Il ne savait pas pourquoi.

Saya frissonna de nouveau. Elle déclara à contrecœur :

— J’ai froid.

Sur les basses terres, la sensation de froid avait été rare. On l’éprouvait quelquefois après un violent orage, lorsqu’on se trouvait en même temps mouillé par la pluie et exposé aux rafales du vent. Sur la montagne, en revanche, les nuits devenaient fraîches après le coucher du soleil. La chaleur se dégageait du sol sans être interceptée par une couche de nuages. Il y avait quelquefois de la gelée blanche.

Burl et Saya revinrent à la caverne. Les respirations des dormeurs et l’entassement de leurs corps y entretenaient une chaleur agréable. Les jeunes gens s’allongèrent. Saya s’assoupit en tenant la main de Burl. Lui, il resta éveillé longtemps encore. Les étoiles lui paraissaient trop étranges pour être comprises. Il réfléchissait aux arbres et à l’herbe. Il décida que cet univers nouveau était si loin de ce qu’il avait connu jusqu’alors qu’il ne pouvait pas le juger. Mais il ressentait pourtant une intense satisfaction d’y avoir amené ses compagnons.

La dernière chose à laquelle le jeune homme pensa avant de sombrer dans le sommeil fut cet aboiement lointain entendu dans la nuit. C’était une expérience tout à fait nouvelle. Et pourtant son instinct disait à Burl que c’était un bon présage.

Il s’éveilla le premier. Dehors, une lumière grise et froide précédait l’aube. Le jeune homme regarda les arbres et fut surpris de constater qu’un côté en était brillamment éclairé tandis que l’autre restait dans l’ombre. Il rampa dehors.

Il faisait un froid mordant. C’était ce froid qui empêchait les insectes géants de vivre sur la montagne. Mais Burl, lui, trouvait vivifiant l’air qu’il respirait.

Il chercha avec curiosité la source de cette étrange lumière qui n’éclairait les arbres que d’un côté. Il découvrit le soleil. Celui-ci apparaissait à peine à l’horizon. Burl, clignant des yeux, se rendit compte que l’astre montait. Le ciel devenait plus clair. Le jeune homme eut l’idée de regarder au-dessus de sa tête : les étoiles, qui l’avaient tellement intrigué, avaient presque disparu.

Burl courut appeler Saya qui se leva aussitôt.

Les autres membres de la tribu s’éveillèrent à leur tour. Un par un, ils sortirent de la caverne pour assister à leur premier lever de soleil. Bouche bée, hommes et femmes fixaient l’astre qui n’en finissait pas de monter. Il parut se libérer de l’horizon et voguer de plus en plus haut.

Les enfants se plaignirent du froid. Ils se serrèrent contre leurs mères qui les entourèrent de leurs pagnes. Une fois réchauffés, les enfants contemplèrent à leur tour le soleil clair et le jour resplendissant. Très vite, ils découvrirent qu’une chaleur agréable leur venait de ce grand corps brillant dans le ciel. Ils inventèrent aussitôt un jeu. Ce jeu consistait à rester dans un endroit ombragé jusqu’à ce qu’on frissonne de froid, puis à courir de nouveau au soleil.