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C’est pourquoi, ce matin-là, les chiens accueillirent les hommes très cordialement et en remuant la queue.

Les chiens jouèrent un grand rôle dans l’adaptation de la tribu à sa vie sur le plateau. Leur amitié complétait la nouvelle condition humaine. Burl et ses compagnons avaient lutté pour ne plus être un gibier traqué par les insectes. Mais leur plus folle espérance avait été d’apprendre à se défendre contre leurs meurtriers. Grâce aux chiens, l’homme brûla une étape. Il fut élevé au rang de chasseur.

Ce fut une étape facilement franchie. Les hommes ne domestiquèrent pas les chiens. Ils s’en firent des amis. Les chiens ne se soumirent pas aux hommes. Ils se joignirent à eux, d’abord timidement, puis avec une adoration enthousiaste. Et l’association fut si heureuse qu’en moins d’un mois on aurait pu croire qu’elle avait toujours existé.

Après tout, il n’y avait eu qu’un petit entracte de deux mille ans dans l’éternelle amitié des hommes et des chiens !

Un mois plus tard, la tribu était installée dans un campement permanent. Ce logement, situé dans des cavernes, se trouvait à une distance raisonnable de la grande pente de l’ouest par laquelle montaient les insectes égarés venus des basses terres.

Le plus âgé des enfants de Cori avait trouvé un jour la chrysalide d’un papillon géant dont l’odeur était si déplaisante que les chiens ne l’avaient pas touchée. Lorsque l’insecte émergea de sa chrysalide, hommes et chiens se jetèrent sur lui avant qu’il ne puisse s’envoler. Ils l’achevèrent d’un commun accord. Les humains mirent de côté les grandes ailes dans lesquelles ils voulaient se tailler des vêtements pour se protéger contre le froid nocturne. Puis les chasseurs festoyèrent ensemble.

Un matin, à l’aube, les chiens firent un tel vacarme que les hommes s’éveillèrent. Ils se précipitèrent hors de leurs cavernes, Burl en tête. Les chiens se battaient contre un monstrueux hanneton qui paraissait moins engourdi par le froid que la plupart des envahisseurs de son espèce. Dans la lumière grise du matin, Burl s’aperçut que les chiens, en jappant et en sautant, retenaient toute l’attention de la bête. Il la mutila, puis la tua de sa lance. L’exploit parut lui gagner une chaude admiration de la part des chiens.

Le prestige de Burl augmentait tous les jours. Il s’était de nouveau couronné avec une antenne de phalène dont les plumes s’agitaient autour de son front comme un panache de chevalier. Il avait grande allure.

Tous les aspects de la vie humaine changeaient avec une vitesse déconcertante.

Le sol était souvent recouvert de ronces. Un des hommes se piqua au pied. La vieille Tama le gronda, puis entoura son pied d’une bande qu’elle avait découpée dans l’aile d’un papillon. L’homme découvrit qu’il marchait mieux avec le pied bandé qu’avec celui qui ne l’était pas. Une semaine plus tard, les femmes étaient toutes occupées à fabriquer des chaussures de formes diverses qui apportèrent le plus grand confort à toute la tribu.

Un jour, Saya, qui admirait des baies rouges et luisantes, en saisit une et se tacha les doigts. Elle lécha ses doigts pour les nettoyer. Ce fut ainsi que les baies vinrent s’ajouter au menu de la tribu.

On assistait à une véritable orgie d’expériences nouvelles. Cet état de choses est extrêmement rare. Quand une race possède une culture et une tradition établies, elle n’abandonne pas facilement ses anciennes habitudes. Il y faut une raison profonde. En revanche, quand les hommes ont été obligés de se défaire brutalement de leurs coutumes établies, ils ont l’occasion d’en découvrir de nouvelles extraordinairement précieuses.

Bientôt les chiens furent utilisés comme sentinelles et comme gardiens. Maintenant, une mère ne s’inquiétait plus si son enfant s’éloignait. Il avait les chiens avec lui. Aucun danger ne pouvait le menacer sans que les chiens l’en avertissent bruyamment.

Les hommes ne partaient pour la chasse qu’accompagnés de chiens joyeux et frétillants. Il arriva que Dor, seul avec ses chiens, réussisse à tuer un hanneton minotaure tout engourdi. Burl en ressentit un pincement de jalousie. Mais quelques jours plus tard, avec l’aide des chiens, il attaqua lui-même en combat singulier le mâle d’une araignée noire. L’insecte était ébloui par le soleil et à demi paralysé par le froid de la nuit précédente. Il se battit férocement. Mais il ne pouvait trouver la force de bondir. Les chiens occupèrent l’araignée et Burl la tua. Il la ramena au quartier général de la tribu, suivi par la meute qui semblait lui reprocher de ne pas avoir partagé le butin tout de suite. Plus tard, il se rendit compte qu’il aurait voulu éviter cette bataille, mais qu’il avait eu honte de le faire alors que les chiens aboyaient et jappaient déjà autour des pattes velues du monstre.

Ce fut alors que survint un événement qui allait complètement transformer la vie de la planète.

Un matin, Burl et Saya sortirent de bonne heure avec les chiens. Ils allaient chercher de la viande pour la tribu. La chasse était plus facile aux premières heures du jour, lorsque les insectes égarés étaient encore engourdis par le froid. Elle se réduisait souvent à une simple mise à mort, tant la lutte était difficile pour le monstre affaibli.

Les deux jeunes gens s’éloignèrent d’un pas vif. Les chiens vagabondaient gaiement devant eux dans les buissons. À trois kilomètres des cavernes, les chiens sentirent le gibier et aboyèrent. Burl et Saya se précipitèrent, prêts à frapper, brandissant leur lance. Cela ne ressemblait guère à la façon dont ils se comportaient autrefois lorsqu’ils rencontraient un grand carnivore. Ils trouvèrent la meute en train de sauter et d’aboyer autour d’un hanneton carnivore de l’espèce la plus féroce. Il n’était pas extraordinairement grand. Son corps ne mesurait pas plus d’un mètre de long. Mais ses affreuses mandibules doublaient sa longueur.

Les mandibules, qui ressemblaient à des faux, s’agitaient de droite à gauche comme toutes les mâchoires d’insectes tandis que le hanneton tournoyait pour atteindre les chiens. Les pattes de l’insecte étaient pointues, cornues, munies de piquants aiguisés comme des poignards.

Burl se jeta dans la bataille. Les grandes mandibules du hanneton cliquetaient et s’entrechoquaient. Elles pouvaient éventrer un homme ou couper un chien en deux. On entendait siffler l’insecte par ses évents abdominaux. Il se battait furieusement, chargeant les chiens qui tournaient autour de lui.

Burl et Saya étaient aussi absorbés et excités que leur meute. Sinon ils auraient remarqué dans le ciel un objet qui allait changer la face des choses pour tous les humains sur la planète oubliée. D’ailleurs, cet objet qu’ils n’avaient pas vu dépassait totalement leur entendement. Depuis des milliers d’années, il n’était rien venu de semblable sur cette planète. Il s’agissait d’une sorte de fuseau argenté qui flottait tout seul dans les airs à une dizaine de kilomètres de là, et à trois cents mètres d’altitude environ.

Au moment où Burl et Saya attaquèrent le hanneton, la fusée bascula et piqua rapidement dans leur direction.

L’appareil était silencieux. Et ils ne le remarquèrent pas. Ils n’avaient aucune raison de scruter le ciel pendant la journée. Et, de toute façon, ils étaient bien assez occupés pour le moment.

Burl fit un bond vers le hanneton, visant avec sa lance la jointure d’une des pattes cuirassées. Il manqua son coup. Le hanneton tourna. Saya jeta sa cape devant le monstre. Il la prit pour un adversaire et tourna dans l’autre sens pour l’attaquer. Alors Burl frappa de nouveau et atteignit une des pattes postérieures.

Aussitôt, la bête se mit à boiter. Le hanneton ne se sert pas de ses pattes comme les quadrupèdes. Il déplace les deux pattes postérieures d’un côté et la patte du milieu de l’autre, de sorte qu’il se tient toujours sur une espèce de trépied réglable. Il ne peut s’adapter facilement quand il est blessé. Un chien s’agrippa à une autre patte, la mordit et prit la fuite.