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Elle avait prévu depuis longtemps déjà d'organiser une party pour son anniversaire, le 17 août, et commença dans les jours qui suivirent à s'occuper des préparatifs. Elle voulait inviter pas mal de monde, une centaine de personnes, et se résolut à faire appel à un ami qui habitait Galle San Isidor. Il avait un grand loft au dernier étage, avec une terrasse et une piscine; il nous invita à prendre un verre pour en parler. C'était un grand type appelé Pablo, aux longs cheveux frisés et noirs, plutôt cool; il avait enfilé un léger peignoir pour nous ouvrir, mais l'ôta une fois sur la terrasse; son corps nu était musclé, bronzé. Il nous proposa un jus d'orange. Avait-il couché avec Esther? Et est-ce que j'allais me poser la question, désormais, pour tous les hommes que nous serions appelé sà croiser? Elle était attentive, sur ses gardes depuis le soir de mon retour; surprenant probablement une lueur d'inquiétude dans mon regard, elle déclina la proposition de prendre un moment le soleil au bord de la piscine et s'attacha à limiter la conversation aux préparatifs de la fête. Il était hors de question d'acheter suffisamment de cocaïne et d'ecstasy pour tout le monde; elle proposa de prendre en charge l'achat d'une première dose pour lancer la soirée, et de demander à deux ou trois dealers de passer ensuite. Pablo pouvait s'en charger, il avait d'excellents fournisseurs en ce moment; il proposa même, dans un élan de générosité, de prendre à sa charge l'achat de quelques poppers.

Le 15 août, jour de la Vierge, Esther me fit l'amour avec encore plus de lascivité que d'habitude. Nous étions à l'hôtel Sanz, le lit faisait face à un grand miroir et il faisait si chaud que chaque mouvement nous arrachait une coulée de transpiration; j'avais les bras et les jambes en croix, je ne me sentais plus la force de bouger, toute ma sensibilité s'était concentrée dans mon sexe. Pendant plus d'une heure elle me chevaucha, montant et descendant le long de ma bite sur laquelle elle contractait et détendait sa petite chatte qu'elle venait d'épiler. Pendant tout ce temps elle caressa d'une main ses seins luisants de sueur tout en me regardant dans les yeux, souriante et concentrée, attentive à toutes les variations de mon plaisir. Sa main libre était refermée sur mes couilles qu'elle pressait tantôt doucement, tantôt plus fort, au rythme des mouvements de sa chatte. Lorsqu'elle me sentait venir elle s'arrêtait d'un coup, pressait vivement de deux doigts pour arrêter l'éjaculation à sa source; puis, lorsque le danger était passé, elle recommençait à aller et venir. Je passai ainsi une heure, peut-être deux, à la limite de la déflagration, au cœur de la plus grande joie qu'un homme puisse connaître, et ce fut finalement moi qui lui demandai grâce, qui souhaitai jouir dans sa bouche. Elle se redressa, plaça un oreiller sous mes fesses, me demanda si je voyais bien dans le miroir; non, c'était mieux de se déplacer un peu. Je m'approchai du bord du lit. Elle s'agenouilla entre mes cuisses, le visage à la hauteur de ma bite qu'elle commença à lécher méthodiquement, centimètre par centimètre, avant de refermer ses lèvres sur mon gland; puis ses mains entrèrent en action et elle me branla lentement, avec force, comme pour extraire chaque goutte de sperme des profondeurs de moi-même, cependant que sa langue effectuait de rapides mouvements de va-et-vient. La vue brouillée par la sueur, ayant perdu toute notion claire de l'espace et du temps, je parvins cependant à prolonger encore un peu ce moment, et sa langue eut le temps d'effectuer trois rotations complètes avant que je ne jouisse, et ce fut alors comme si tout mon corps irradié par le plaisir s'évanouissait, aspiré par le néant, dans un déferlement d'énergie bienheureuse. Elle me garda dans sa bouche, presque immobile, tétant mon sexe au ralenti, fermant les yeux comme pour mieux entendre les hurlements de mon bonheur.

Elle se coucha ensuite, se blottit dans mes bras pendant que la nuit tombait rapidement sur Madrid, et ce ne fut qu'après une demi-heure de tendre immobilité qu'elle me dit ce qu'elle avait, depuis quelques semaines, à me dire – personne n'était au courant jusqu'ici à l'exception de sa sœur, elle comptait l'annoncer à ses amis lors de sa fête d'anniversaire. Elle avait été acceptée dans une académie de piano prestigieuse, à New York, et avait l'intention d'y passer au moins une année scolaire. En même temps, elle avait été retenue pour un petit rôle dans une grosse production hollywoodienne sur la mort de Socrate; elle y incarnerait une servante d'Aphrodite, le rôle de Socrate serait tenu par Robert De Niro. Ce n'était qu'un petit rôle, une semaine de tournage tout au plus, mais c'était Hollywood, et le cachet était suffisant pour payer son année d'études et de séjour. Elle partirait début septembre.

Je gardai il me semble un silence total. J'étais pétrifié, dans l'incapacité de réagir, il me semblait que si je prononçais une parole j'allais éclater en sanglots. «Bueno… It's a big chance in my life…» finit-elle par dire d'un ton plaintif en enfonçant sa tête au creux de mon épaule. Je faillis lui proposer de partir aux États-Unis, de m'ins-taller là-bas avec elle, mais les mots moururent en moi avant d'être prononcés, je me rendais bien compte qu'elle n'avait même pas envisagé la possibilité. Elle ne me proposa pas, non plus, de venir lui rendre visite: c'était une nouvelle période dans sa vie, un nouveau départ. T'allumai la lampe de chevet, la scrutai attentivement pour voir si j'apercevais en elle une trace de fascination pour l'Amérique, pour Hollywood; non, il n'y en avait pas, elle paraissait lucide et calme, elle prenait simplement la meilleure décision, la plus rationnelle compte tenu des circonstances. Surprise par mon silence prolongé elle tourna la tête pour me regarder, ses longs cheveux blonds retombèrent de chaque côté de son visage, mon regard se posa involontairement sur ses seins, je me rallongeai, éteignis la lampe, respirai profondément; je ne voulais pas rendre les choses plus difficiles, je ne voulais pas qu'elle me voie pleurer.

Elle consacra la journée du lendemain à se préparer pour la fête; dans un institut de beauté proche elle se fit un masque à l'argile, un gommage de peau; j'attendis en fumant des cigarettes dans la chambre d'hôtel. Le lendemain ce fut à peu près la même chose, après son rendez-vous chez le coiffeur elle s'arrêta dans quelques magasins, acheta des boucles d'oreilles et une nouvelle ceinture. Je me sentais l'esprit singulièrement vide, comme je pense les condamnés à mort dans l'attente de l'exécution de la sentence: à part peut-être ceux qui croient en Dieu, je n'ai jamais cru qu'ils passent leurs dernières heures à revenir sur leur vie passée, à faire un bilan; je croîs simplement qu'ils essaient de passer le temps de la manière la plus neutre possible; les plus chanceux dorment, mais je n'étais pas dans ce cas, je ne crois pas avoir fermé l'œil durant ces deux jours.

Lorsqu'elle frappa à la porte de ma chambre, le dix-sept août vers vingt heures, et qu'elle apparut dans l'embrasure, je compris que je ne survivrais pas à son départ. Elle portait un petit haut transparent, noué sous ses seins, qui en laissait deviner la courbe; ses bas dorés, maintenus par des jarretières, s'arrêtaient à un centimètre de sa jupe – une minijupe ultra-courte, presque une ceinture, en vinyle doré. Elle ne portait pas de sous-vêtements, et lorsqu'elle se pencha pour relacer ses bottes montantes le mouvement découvrit largement ses fesses; malgré moi, j'avançai la main pour les caresser. Elle se retourna, me prit dans ses bras et me jeta un regard si compatissant, si tendre que je crus un instant qu'elle allait me dire qu'elle renonçait, qu'elle restait avec moi, maintenant et pour toujours, mais ceci ne se produisit pas, et nous prîmes un taxi pour nous rendre au loft de Pablo. Les premiers invités arrivèrent vers vingt-trois heures, mais la fête ne débuta véritablement qu'après trois heures du matin. Au début je me comportai assez correctement, circulant de manière semi-nonchalante parmi les invités, mon verre à la main; beaucoup me connaissaient ou m'avaient vu au cinéma, ce qui donna lieu à quelques conversations simples, de toute façon la musique était trop forte et assez rapidement je me contentai de hocher la tête. Il y avait à peu près deux cents personnes et j'étais sans doute le seul à avoir dépassé vingt-cinq ans, mais même cela ne parvenait pas à me déstabiliser, j'étais dans un état de calme étrange; il est vrai que, dans un sens, la catastrophe avait déjà eu lieu. Esther était resplendissante, saluait les nouveaux arrivants en les embrassant avec effusion. Tout le monde était au courant maintenant qu'elle partait dans deux semaines pour New York, et j'avais eu peur au début d'éprouver une sensation de ridicule, après tout j'étais dans la position du mec qui se fait larguer, mais personne ne me le fit sentir, les gens me parlaient comme si je me trouvais dans une situation normale.