Выбрать главу

Ma sœur était très laide…

Ma sœur était très laide à l'âge de dix-sept ans, Dans sa classe de troisième on l'appelait gras-double. Un matin de novembre elle sauta dans l'étang; Mais on la repêcha, l'eau était jaune et trouble.
Blottie sous l'édredon comme un gros rat obèse, Elle rêvait d'une vie sereine et peu consciente Sans relations sociales et sans espoir de baise Mais tranquille et très douce et presque évanescente.
Le lendemain matin elle aperçut des formes, Glissantes et légères sur le mur à sa droite. Elle dit reste avec moi, il faut pas que je dorme; Il y a un grand Jésus, dans le lointain, il boite.
Elle dit j'ai un peu peur, mais ça ne peut pas être pire. Crois-tu qu'il reviendra? Je vais mettre un corsage. Je vois des petites maisons, il y a tout un village; C'est si joli, là-bas. Est-ce que je vais souffrir?

La mort est difficile pour…

La mort est difficile pour les vieilles dames trop riches, Entourées de belles-filles qui les appellent «ma biche», Pressent un mouchoir de lin sur leurs yeux magnifiques Evaluent les tableaux et les meubles antiques.
Je préfère la mort des vieux de HLM Qui s'imaginent encore jusqu'au bout qu'on les aime, Attendant la venue du fils hypothétique Qui paierait le cercueil en sapin authentique.
Les vieilles dames trop riches finissent au cimetière, Entourées de cyprès et d'arbustes en plastique. C'est une promenade pour les sexagénaires, Les cyprès sentent bon et chassent les moustiques.
Les vieux de HLM finissent au crématoire, Dans un petit casier à l'étiquette blanche. Le bâtiment est calme; personne, même le dimanche, Ne dérange le sommeil du très vieux gardien noir.

Où est mon corps subtil…

Où est mon corps subtil? Je sens venir la nuit, Piquée d'aiguilles bleues et de chocs électriques. Des bruits venus de loin dans un espace réduit: La ville qui ronronne, machine anecdotique.
Demain je vais sortir, je quitterai ma chambre, Je marcherai usé sur un boulevard mort, Les femmes du printemps et leurs corps qui se cambrent Se renouvelleront en fastidieux décors.
Demain il y aura des salades auvergnates Dans les cafés bondés où les cadres mastiquent; Aujourd'hui c'est dimanche. Splendeur de Dieu, éclate! Je viens de m'acheter une poupée en plastique
Et je vois s'envoler des étoiles de sang, Je vois des yeux crevés qui glissent sur les murs. Marie, mère de Dieu, protège mon enfant! La nuit grimpe sur moi comme une bête impure.

Le métro est plein…

Le métro est plein d'êtres humains, Il faudrait un aspirateur. Leurs bras sont longs, pourvus de mains; Ils ont le sourire du vainqueur.
Je n'aime pas les jeunes gens Et j'ai trop peur des jeunes filles. Certains vieillards perdent leurs dents; Leurs petits yeux larmoient et brillent.
Je vis dans un pays de nains Et j'ai peur de leurs réactions, J'ai peur de leurs petites mains, De leur air de satisfaction.
Le métro s'arrête et dégorge Quelques parcelles d'existence. Une fille rit à pleine gorge; Ses seins se secouent en cadence.

A l'angle de la FNAC…

A l'angle de la FNAC bouillonnait une foule Très dense et très cruelle. Un gros chien mastiquait le corps d'un pigeon blanc. Plus loin, dans la ruelle, Une vieille clocharde toute ramassée en boule Recevait sans mot dire le crachat des enfants.
J'étais seul rue de Rennes. Les enseignes électriques M'orientaient dans des voies vaguement erotiques. Bonjour c'est Amandine. Je ne ressentais rien au niveau de la pine. Quelques loubards glissaient un regard de menace Sur les nanas friquées et les revues salaces. Des cadres consommaient. C'est leur fonction unique. Et tu n'étais pas là. Je t'aime, Véronique.

Les êtres humains se voient entre eux…

Les êtres humains se voient entre eux; Ils appellent cela: «Relations». Je les regarde de tous mes yeux, Sans la moindre satisfaction.
Sur les rochers, des bancs de moules, Hérissées, fermées au contact. Samedi, deux heures, dans la foule; J'aimerais entreprendre un acte.
Faire exploser la rue de Rennes, Comme un vulgaire terroriste. Je viens de découvrir la haine; D'habitude, je suis plutôt triste.
Au matin la mer était verte Et tu n'étais qu'un souvenir. Mon existence était ouverte; Je fis le projet de tenir.

I J'étais seul au volant…

J'étais seul au volant de ma Peugeot 104; Avec la 205 j'aurais eu l'air plus frime. Il pleuvait sans arrêt et je déteste me battre; Il me restait trois francs et cinquante-cinq centimes.
J'ai hésité devant l'embranchement de Colmar: Etait-il bien prudent de quitter l'autoroute? Sa dernière lettre disait: «J'en ai carrément marre De toi et tes problèmes. Ta connerie me dégoûte.»
Nos relations en bref avaient connu un froid; La vie bien trop souvent éloigne ceux qui s'aiment; Il était peu certain qu'elle m'accueille avec joie. Sans me décourager et en claquant des doigts, J'entonnai un refrain de la «Vie de bohème».

II Les Allemands sont des porcs…

Les Allemands sont des porcs, mais ils savent faire des routes Comme disait mon grand-père, esprit fin et critique. J'étais un peu tendu; la fatigue, sans doute, J'accueillis avec joie le bitume germanique Ce voyage peu à peu tournait à la déroute Je me sentais très proche de la crise hystérique.
J'avais assez d'essence pour atteindre Francfort; Là très certainement je me ferais des amis Et entre deux saucisses nous braverions la mort, Nous parlerions de l'homme et du sens de la vie.
Dépassant deux camions qui transportaient des viandes, Ravi par ce projet je chantonnais des hymnes; Non rien n'était fini, la vie et ses offrandes S'étendaient devant moi, incertaines et sublimes.

L'AMOUR, L'AMOUR

Dans un ciné porno, des retraités poussifs Contemplaient, sans y croire, Les ébats mal filmés de deux couples lascifs; Il n'y avait pas d'histoire.
Et voilà, me disais-je, le visage de l'amour, L'authentique visage. Certains sont séduisants; ils séduisent toujours, Et les autres surnagent.
Il n'y a pas de destin ni de fidélité, Mais des corps qui s'attirent. Sans nul attachement et surtout sans pitié, On joue et on déchire.